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vie, celle d'un bonheur universel et d'une perfection indéfinissable. Jeunes gens, nous ne marchons pas sans boussole, et nous vous montrerons un but. Les principes de littérature et de morale dont nous voulons produire l'application pourront fournir à votre esprit un aliment solide, à votre cœur des jouissances assez élevées; et ils sont de nature à donner une base à tous les sentiments généreux. Nous chercherons à inspirer à l'homme cette croyance en lui, sans laquelle il tombe dans l'apathie, et devient la proie de l'égoïsme, qui n'est au fond qu'une méfiance mutuelle de nos forces. Tandis que mille voix ne cesseront de s'écrier autour de vous,

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L'Europe est vieille, » nous, nous dirons à chaque page : « Ne les croyez pas, elle est jeune! » Loin de vous entretenir dans cette tristesse, à laquelle des esprits faibles et chagrins voudraient vouer notre âge, et qui n'appartient qu'à la décadence et à la maladie, nous vous ferons marcher tête levée, avec ce sourire de sécurité et d'espoir, qui sied si bien à la force et à la santé. Avec nous,

en un mot, vous aurez beaucoup d'avenir, et vous sentirez votre âme s'élever, votre imagination s'agrandir et s'étendre avec les destinées de l'homme.

L'âge d'or, qu'une aveugle tradition a placé jusqu'ici dans le passé, est devant nous; l'avenir se montre aux yeux des peuples non plus comme un écueil, mais comme un port. Jusqu'ici les hommes ont toujours légué à leurs descendants l'amour et l'admiration du passé; tourmentés par un besoin de bonheur, dont ils n'entrevoyaient pas la possibilité sur cette terre, ils le cherchaient en arrière d'eux ou dans le ciel. En proie à des douleurs physiques positives, ou à de vagues souffrances morales, ils se consolaient par des chimères: ils disaient que l'homme est né pour souffrir, que les temps de félicité s'étaient enfuis pour toujours, qu'il n'y a de bonheur à espérer que lorsqu'on n'est plus. Ils rêvaient un âge d'or, où tous les hommes vivaient en frères, réunis par les plus doux nœuds sociaux ; où la guerre était inconnue; où régnaient l'amour, l'innocence et la candeur; où coulaient

des ruisseaux de miel et de lait, emblème de l'abondance et de la santé. Ainsi l'homme attribuait à la faiblesse de l'enfance tous les privilèges de la virilité, et croyait trouver dans le passé le plus reculé ce qu'il n'osait promettre à sa postérité la plus lointaine. Étrange illusion! Comme si le bien pouvait précéder le mal, la vérité se montrer avant l'erreur, et la force avant la débilité ! comme si une pareille idée n'était point contraire à la morale, à l'organisation de l'homme, et aux lois de la nature! Mais que pouvaient faire les peuples, quand tout les entretenait dans cette erreur qu'ils avaient reçue de leurs pères ; quand tout ce qui est destiné à les instruire et à les charmer reprenait cette idée sous mille formes, la représentait sous mille couleurs, l'appuyait de toutes les ressources de la pensée, l'ornait de toutes les grâces de l'imagination; quand les vices de leurs institutions, quoique successivement améliorées, leur faisaient déplorer le présent et désespérer de l'avenir? Les moralistes, ces instituteurs du genre humain, n'avaient

point compris leur tâche, et ils n'avaient pu la comprendre; au lieu d'instruire, ils consolaient; ils ne connaissaient qu'une science, celle de supporter la douleur; ils regardaient le mal comme une nécessité; ils se servaient de la morale, comme d'un remède à la vie, et ils unissaient leurs voix à la lyre des poëtes, pour célébrer le bonheur des premiers âges, et promettre à l'homme une vie plus heureuse, loin de ce monde passager. Les artistes ne portaient jamais leurs yeux qu'en arrière ; ils ne puisaient leurs inspirations que dans le passé ; ils y cherchaient tout ce que pouvait reproduire avec avantage la palette ou le ciseau; les divinités, auxquelles ils élevaient des temples, s'étaient toutes communiquées aux hommes dans les premiers jours du monde; mais, irritées par leurs péchés, elles ne respiraient plus que colère contre le genre humain, et n'assuraient à la vertu qu'un chimérique asile, où l'on ne pouvait aller qu'en passant par le tombeau. Les poëtes chantaient les grandes guerres des premiers siècles; leur ima

gination se plaisait dans des scènes de destruction et de carnage; ou, s'ils consacraient leur muse aux plaisirs, ils ne célébraient que les voluptés de l'opulence; ils apprenaient à jouir d'une vie qui, selon eux, n'était bonne qu'à la bien perdre; ils ne disaient rien pour le pauvre, rien pour l'affligé ; ils ne montraient point de but aux travaux de l'homme; ils ne chantaient que pour le désœuvrement, qui a besoin de jouissances, et qui payait leurs vers comme une recherche du luxe. Ainsi grandissaient les nations, ne s'apercevant pas de leurs progrès, et perpétuant cette grande erreur, qu'elles s'éloignaient du bien à mesure qu'elles avançaient dans l'avenir. Les rois et les chefs des peuples, qui seuls alors avaient assez de richesses pour payer les travaux de la pensée et les productions des arts, n'avaient garde de combattre cette décourageante idée ; ils la faisaient au contraire soutenir et répandre; ils sentaient combien de force elle ajoutait à leur empire, puisqu'elle éteignait tout espoir d'amélioration chez les hommes, et qu'elle les acca

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