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fait pour s'en décharger est volontaire; les conditions. de ce déguerpissement sont des charges auxquelles il s'est volontairement soumis, et dont son vendeur ne s'est pas obligé de le garantir.

Il n'en est pas de même des arrérages de la rente courus avant son acquisition, et qu'il a payés. Son vendeur, en le chargeant de la rente, ne l'en a chargé que pour l'avenir; il est tenu de l'acquitter des arrérages du passé, quand même il n'auroit pas déguerpi.

151. Loyseau propose encore cette question: Dans les coutumes qui requièrent pour condition du déguerpissement le paiement de tous les arrérages, même de ceux courus et échus avant la possession du détenteur qui déguerpit, si le créancier de la rente a accepté le déguerpissement sans se faire payer desdits arrérages, conserve-t-il l'action pour les demander, non seulement contre les auteurs de ce détenteur, qui en sont personnellement tenus, lesdits arrérages ayant couru de leur temps, mais même contre le détenteur qui a déguerpi? Loyseau, liv. 5, chap. 9, n. 7, décide pour l'affirmative. La raison est que les coutumes ayant obligé le détenteur à payer lesdits arrérages lorsqu'il veut déguerpir, il s'est, en déguerpissant, soumis à cette condition, et il a contracté l'obligation de les payer. Le créancier, en acceptant le déguerpissement sans s'en faire payer, ne doit pas être censé l'en avoir déchargé, mais plutôt lui avoir accordé terme pour les payer, personne ne devant être facilement présumé vouloir donner et remettre ce qui lui est dû. Il est vrai que le créancier auroit fait prudemment s'il en eût fait réserve; mais un défaut de réserve n'em

pour

cela

porte pas remise de ce qui est dû. Voyez notre traité des Obligations, n. 613.

152. Tout ce que nous avons dit dans cet article du tiers détenteur qui a acquis à la charge de la rente doit s'appliquer à celui qui, ayant acquis sans charge ni connoissance de la rente, s'y est depuis volontairement soumis par un titre nouvel qu'il en a passé.

ARTICLE VI.

A quoi est obligé le tiers détenteur qui déguerpit, lorsqu'il pas eu connoissance de la rente.

n'a

153. Il faut, à l'égard de ce détenteur, distinguer deux cas le premier est celui auquel il n'a pas eu connoissance de la rente jusqu'au temps de la demande donnée contre lui; le second, auquel la connoissance de la rente lui est survenue depuis son acquisition et avant la demande.

§. I. Premier cas.

Lorsque le tiers détenteur assigné pour reconnoître la rente dont son héritage est chargé produit son contrat d'acquisition, par lequel il n'est pas chargé de la rente, et qu'on ne peut d'ailleurs lui justifier qu'il en ait eu connoissance, ni lors du contrat,, ni même depuis, il est réputé avoir eu, jusqu'au temps de la demande donnée contre lui, un juste sujet de croire que 'héritage lui appartenoit sans aucune charge de la rente, et en conséquence avoir eu, en sa qualité de possesseur de bonne foi, le droit de percevoir les fruits sans aucune déduction de la rente. C'est par cette rai

son que les coutumés l'admettent à déguerpir l'héritage sans payer les arrérages de la rente, même ceux de son temps: Paris, art. 102; Orléans, art. 409, etc.

154. Par la même raison, il peut déguerpir l'héritage en l'état auquel il se trouve, sans qu'il soit tenu des dégradations, quand même elles procéderoient de son fait; car il a pu mésuser d'un héritage dont il croyoit de bonne foi avoir la pleine propriété: Qui quasi rem suam neglexit, nulli querelæ subjectus est ; 1. 31, §. 3, ff. de petit. hered.

Néanmoins si ces dégradations étoient des dégradations dont il eût profité, comme s'il avoit abattu des futaies pour les vendre, s'il avoit démoli des bâtiments dont il eût vendu les matériaux, il seroit tenu de rendre les sommes dont il a profité.

155. Ces décisions doivent avoir lieu dans les coutumes qui ne s'en sont pas expliquées, même dans celles qui disent indistinctement que celui qui déguerpit doit payer les arrérages et remettre l'héritage en bon état; car elles doivent s'entendre du déguerpissement que quelqu'un fait pour se libérer de l'obligation qu'il a déja contractée de payer la rente à la charge de laquelle ou avec la connoissance de laquelle il a acquis l'héritage, ou à la prestation de laquelle il s'est soumis par un titre nouvel, non du déguerpissement qui se fait pour éviter de contracter cette obligation. Loyseau, liv. 5, ch. 4, n. 11.

que

156. Il n'est pas douteux le détenteur qui produit son contrat d'acquisition, par lequel il n'a pas été chargé de la rente, est réputé n'en avoir pas eu connoissance, si on ne le lui justifie.

Mais si le détenteur qui prétend n'avoir pas été chargé et n'avoir pas eu connoissance de la rente n'avoit pas par-devers lui son contrat, suffiroit-il qu'il offrit d'affirmer qu'il ne l'a pas, et que ce n'est point par dol qu'il a cessé de l'avoir, pour être cru à dire qu'il n'a pas eu connoissance de la rente, et en conséquence être admis à déguerpir sans payer les arrérages? Loyseau, liv. 5, ch. 10, n. 15, ne décide pas la question, et dit qu'elle fait difficulté. Je ne croirois pas qu'il dût y être admis; car la coutume ayant accordé cette faculté de déguerpir au débiteur qui a acquis sans charge de la rente, c'est à ce débiteur qui veut user de cette faculté à prouver, par le rapport de son titre d'acquisition, qu'il est dans le cas de la coutume. Si le titre par lequel l'acquéreur n'est pas chargé de la rente établit sa bonne foi, le défaut de titre doit au contraire faire soupçonner sa mauvaise foi.

157. Pour que le tiers détenteur de bonne foi soit dispensé, en déguerpissant, du paiement des arrérages et de la réparation des dégradations, il faut qu'il déguerpisse avant contestation en cause; Paris, art. 102: Orléans, art. 412.

Est-il pareillement nécessaire qu'il ait auparavant sommé en garantie son vendeur, qui lui a vendu l'héritage sans déclarer la rente dont il est chargé? La râison de douter est que les coutumes, aux articles cidessus cités, disent, après qu'il a sommé le garant, lequel lui défaut de garantie. Néanmoins Loyseau, liv. 5, ch. 1, n. 25, et ch. 10, n. 2, décide fort bien que le déguerpissement est valablement fait, quoique le détenteur n'ait pas sommé en garantie son vendeur.

Cette sommation est tout-à-fait étrangère au créancier; il n'y a point d'intérêt, et ne peut en opposer le défaut au détenteur qui a déguerpi. Les coutumes, par ces termes, après qu'il a sommé, etc., n'ont pas entendu prescrire au déguerpissant une condition pour rendre son déguerpissement valable, mais seulement lui donner un conseil. En effet, le détenteur a grand intérêt d'appeler son garant avant le déguerpissement : car si après avoir fait son déguerpissement, qui a été accepté par le créancier de la rente, le détenteur assigne son vendeur en garantie aux fins de restitution du prix de l'héritage et de ses dommages et intérêts, le vendeur pourra lui opposer qu'il a déguerpi mal-àpropos l'héritage, qu'il soutiendra valoir beaucoup plus que la rente. Si, faute de vous avoir déclaré la rente, lui dira le vendeur, il y a lieu à la résolution du con trat, et si je suis en conséquence tenu de vous rendre le prix, vous êtes, de votre côté, tenu de me rendre l'héritage; et, faute par vous de me le rendre, vous étant mis par votre fait hors d'état de pouvoir me le rendre, en le déguerpissant sans m'appeler, vous ne pouvez plus demander la résolution du contrat, mais seulement le quantò minoris, c'est-à-dire la somme qu'on estimera que cet héritage valoit de moins, par rapport à la charge de la rente, qu'il n'a été vendu.

158. Lorsque le détenteur ne déguerpit qu'après la contestation en cause, la coutume de Paris, art. 103, et celle d'Orléans, art. 409, l'obligent à payer tous les arrérages courus depuis le temps de sa détention; non pas néanmoins absolument, mais seulement jus

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