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au prix de l'espérance de la somme qu'elles pourront être vendues de plus.

la

Observez aussi que, pour que la convention par quelle je suis convenu de laisser à la personne que j'ai chargée de vendre mes pierreries ce qu'elles seroient vendues de plus que la somme de 10,000 livres renferme un contrat de société, il faut que cette personne soit un revendeur, ou un joaillier, à qui je laisse cette part du prix, en considération de son industrie et des soins qu'il doit apporter pour procurer une vente avantageuse de mes pierreries. Mais si cette personne n'est ni revendeur ni joaillier, et que ce soit pour la gratifier que je lui ai promis cette part dans le prix de mes pierreries, que je pouvois vendre par moi-même aussi avantageusement qu'elle, en ce cas la convention renferme une donation et non un contrat de société, parceque cette personne ne doit pas recevoir cette part dans le prix de la vente à raison des peines et de l'industrie qu'elle apporte à l'affaire de cette vente, mais par gratification. C'est pourquoi le jurisconsulte, en la loi ci-dessus citée, laisse à examiner quel a été l'esprit des parties dans cette convention, si animo societatis contrahendæ id actum sit.

14. 4° Enfin, pour qu'un contrat de société soit valable, il faut que l'affaire qui fait l'objet de la société, et pour laquelle les parties contractantes s'associent, soit quelque chose de licite, et que le profit qu'elles se proposent de retirer soit un profit honnête. C'est pourquoi la convention par laquelle des personnes s'associeroient ensemble pour faire un commerce de contrebande est nulle, aussi bien que celle par la

quelle des personnes s'associeroient pour exercer l'usure, ou pour tenir un mauvais lieu, ou pour voler: Nec enim ulla societas maleficiorum; 1. 1, §. 14, de tut. et rat. distr. Nec societas aut mandatum flagitiosæ rei ullius vires habet; 1. 35, §. 2, ff. de contr. empt.

§. IV. De ce que l'équité requiert dans le contrat de société.

PREMIÈRE RÉGLE.

Pour que le contrat de société soit équitable, il faut ordinairement que la part qui est, par le contrat de société, assignée à chacun des associés, dans le profit qu'ils se proposent de faire, soit en même proportion que la valeur de ce que chacun d'eux a apporté à la société.

15. Par exemple, si les deux associés ont contribué également au fonds de la société, ils doivent avoir chacun une part égale dans le profit. Mais si l'un d'eux y a apporté le double de ce que l'autre y a apporté, il doit avoir une double part dans le profit; c'est-à-dire qu'il en doit avoir les deux tiers, et l'autre seulement le tiers.

Il faut donc, pour régler les parts que chacun doit avoir dans le profit de la société, estimer ce que chacun y a apporté. Si, par une fausse estimation qu'on auroit donnée à ce que chacun des associés a apporté à la société, on a assigné à l'un des associés une part moindre que celle qu'il devoit avoir, et à l'autre une part plus forte, c'est une iniquité dans le contrat de société. Par exemple, si j'ai contracté avec vous une société dans laquelle ce que nous avons apporté chaenn étoit de valeur de 5,000 liv., et que néanmoins,

par une fausse estimation qui a été donnée à ce que nous avons apporté, ce que j'ai apporté n'ait été estimé que 4,000 liv., quoiqu'il fût de la valeur de 5,000, et qu'au contraire ce que vous avez apporté ait été estimé 6,000 liv., quoiqu'il n'en valût que 5,000; si en conséquence on vous a assigné les trois cinquièmes dans le fonds et dans le profit de la société, et à moi seulement les deux cinquièmes, c'est une iniquité dans le contrat de société. Si vous en avez eu connoissance, ou lors du contrat, ou depuis, vous êtes obligé, dans le for de la conscience, à me restituer ce que j'ai eu de moins que la moitié que j'aurois dû avoir dans le partage du fonds et des profits de la société, si on eût fait une estimation juste.

Dans le for extérieur, les parties ne sont pas écoutées à se plaindre, en pareil cas, de l'iniquité du contrat, suivant les principes établis en notre traité des Obligations, n. 34.

16. Lorsqu'un marchand contracte une société avec un artisan, à laquelle l'artisan n'apporte que son travail, que je suppose valoir cent écus, et que le marchand apporte une somme de mille écus, soit en argent comptant, soit en marchandises, à la charge de la prélever au partage de la société, qui doit durer un il ne faut pas en ce cas, pour supputer ce que chacun a apporté à la société, et fixer en conséquence les parts que chacun de ces associés devra avoir dans les profits, dire que l'artisan a apporté une somme de cent écus, à laquelle est estimé son travail, et le marchand mille écus; et qu'en conséquence le marchand doit avoir pour sa part dix onzièmes, et l'artisan un

an,

onzième seulement : car ce n'est pas la somme de mille écus que le marchand apporte à la société; il n'en apporte que l'usage pendant l'année que doit durer la société, puisqu'il la doit prélever. Il ne faut donc compter, pour ce que le marchand est censé avoir apporté à la société, que la valeur de l'usage de cette somme, Puffendorf croit devoir être évaluée à l'intérêt ordinaire de l'argent. Suivant ce principe, le marchand, dans l'espèce proposée, sera censé avoir apporté seulement à la société la somme de 150 liv., et ne devra avoir par conséquent que le tiers dans le profit de la

que

société.

Il en sera autrement si le marchand ne s'étoit pas réservé de prélever cette somme. Ayant en ce cas apporté à la société cette somme, et non pas seulement l'usage de cette somme, il n'est pas douteux qu'il devroit, dans l'espéce proposée, avoir les dix onzièmes, tant dans les fonds que dans les profits de la société, et l'artisan seulement un onzième.

17. Le principe que nous avons établi, qu'il y a iniquité dans le contrat de société, lorsque la part que chacun des associés doit avoir dans les profits de la société n'est pas proportionnée à ce qu'ils y ont apporté, reçoit deux exceptions.

que son associé

La première est lorsque l'un des associés ayant, dès le temps du contrat, connoissance apporte moins que lui à la société, veut bien, pour le gratifier, l'admettre à partager avec lui par égales portions. En ce cas, on ne peut pas dire qu'il y ait iniquité dans le contrat, car volenti non fit injuria; mais le contrat n'est pas en ce cas purement et entièrement

un contrat de société, il est mêlé de donation. Au reste, il n'en est pas moins valable. Il est vrai que si le contrat n'étoit fait uniquement que pour gratifier l'une des parties contractantes qui n'auroit rien apporté, ce ne seroit pas un contrat de société ; et c'est en ce sens qu'Ulpien dit : Donationis causâ societas non rectè contrahitur; 1. 5, §. 2, ff. pro soc. Mais quoiqu'on ait gratifié en quelque chose par le contrat l'une des parties, le contrat ne laisse pas d'être un vrai contrat de société et d'être valable, pourvu que l'associé à qui je fais l'avantage ne soit pas une personne à qui les lois me défendent de donner; de même qu'un contrat de vente, qui ne seroit pas un vrai contrat de vente s'il n'y avoit aucun prix sérieux, ne laisse pas d'être un vrai contrat de vente, quoique le vendeur, pour gratifier l'acheait vendu pour un prix au-dessous du juste prix, pourvu que cet acheteur ne soit pas une personne à qui il ne fût pas permis de donner; 1. 38, ff. de contr. empt.

teur,

18. La deuxième exception est qu'on peut par le contrat assigner à l'un des associés une part dans les profits plus grande que celle qu'il contribue à la société, sans que le contrat renferme pour cela aucune iniquité ni même aucune gratification, lorsque cet associé compense cet avantage par quelque autre égal qu'il fait réciproquement de son côté à l'autre associé.

On peut apporter pour exemple l'espèce suivante. Deux tonneliers contractent ensemble une société pour fabriquer et débiter des tonneaux; chacun d'eux fournit à cette société son travail et la moitié des fonds dont elle doit être composée. L'un d'eux, se fiant sur

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