GUSMAN. Quoi! se remarier! Peut-il faire jamais de plus grande folie? BÉATRIX. Comment! un homme est fou quand il se remarie? GUSMAN. Non; mais ce vieux bourru qui se veut engager, De l'humeur dont il est n'y devroit pas songer; Et si son bel esprit se régloit par le nôtre... BÉATRIX. Pourquoi ne veux-tu pas qu'il aime comme un autre? GUSMAN. Quoi ! s'étant une fois chargé d'une moitié, Et, par une faveur et rare et sans égale, BÉATRIX. Quant à moi franchement Je sens que je pourrois m'y résoudre aisément. Qu'il est plaisant d'aimer! et que le mariage Est doux lorsque l'on sait en faire un bon usage! GUSMAN. Quand même le motif qui l'y porte aujourd'hui Seroit bon pour un autre, il ne vaut rien pour lui. Est-ce qu'il ne craint point... BÉATRIX. Quoi? GUSMAN. Que cette derniere Ne lui fasse le tour que lui fit la premiere? BEATRIX. Sa vertu fut trop grande; elle n'en fit jamais. GUSMAN. Quand mon maître le sut ce fut par ton moyen. BÉATRIX. Je le dis, il est vrai; mais il n'en étoit rien: GUSMAN. Explique-toi donc mieux pour m'en faire douter. BÉATRIX. Pour t'en mieux éclaircir tu n'as qu'à m'écouter. C'étoit notre signal; et de cette façon Nous nous voyions les soirs sans donner de soupçon. Se trouva pour ce coup d'une longueur honnête: Apprends-moi mon malheur pour éviter le tien. << Cet homme que j'ai vu sortoit d'avec ma femme; Avoue-le, ou de ce fer je vais t'arracher l'ame». Interdite, et craignant sur-tout que le poignard Ne me perçât trop tôt si je parlois trop tard, Je dis qu'il étoit vrai qu'il sortoit d'avec elle. GUSMAN. Quoiqu'il n'en fût rien? BÉATRIX. Oui; sa menace cruelle Me fit appréhender tout d'un homme emporté; GUSMAN. Sais-tu de quel malheur ta fourbe fut suivie? BÉATRIX. D'aucun; car dès qu'il eut l'aveu que je lui fis, GUSMAN. Tant pis. BÉATRIX. Tant pis? pourquoi tant pis? fais-toi du moins entendre. GUSMAN. Tu ne sais pas pourquoi tant pis? tu vas l'apprendre. Ayant tiré de toi cet éclaircissement, Bernadille cacha tout son ressentiment; Et quoique dans l'instant il n'en fit rien paroître, BEATRIX. Lui? GUSMAN. Mais je le vois qui sort. CÉATRIX. Gusman, ne me perds pas: aussi-bien elle est morte. GUSMAN. Quoi! je pourrois trahir mon maître de la sorte? Et lui pourrois celer que c'est toi... BÉATRIX. Parle bas: J'ai dedans ma cassette encor quatre ducats GUSMAN. D'accord; mais qu'ils soient prêts avant qu'il se retire (Béatrix sort.) SCENE II. BERNADILLE, GUSMAN. GUSMAN. Quoi! monsieur, sur le point de vous remarier, Vous paroissez rêveur? pouvez-vous oublier Qu'il faut vous préparer pour cette grande fête? BERNADILLE. Male-peste! j'ai bien des choses dans la tête; GUSMAN. Que craignez-vous, monsieur, lorsqu'une telle envie |