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puis vous souffrir.

Acte II Sc. I.

LA

MERE COQUETTE,

COMÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIERE.

LAURETTE, CHAMPAGNE.

LAURETTE.

Tun'es donc pas content? vraiment c'est une honte;

Je t'ai baisé deux fois.

CHAMPAGNE.

Quoi! tu baises par compte? Après un an d'absence, au retour d'un amant, Tu crois que deux baisers ce soit contentement?

LAURETTE.

Eh! mon Dieu! patience; un de ces jours j'espere
Que de moi sur ce point tu ne te plaindras guere.

Mais parlons de ton maître, et sans déguisement.

CHAMPAGNE.

N'ai-je pas là-dessus écrit bien amplement?

LAURETTE.

Oui, qu'on t'avoit fait faire en vain un grand voyage
Pour chercher ce bon-homme et l'ôter d'esclavage;
n'en ayant pu trouver nulle clarté,
Tu revenois enfin sans l'avoir racheté.

Et

que,

A ce compte il est mort?

CHAMPAGNE.

Cela ne veut rien dire;

Et ta maîtresse encor n'a que faire de rire.

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Mais toi, tu me crois donc un sot comme autrefois?
Je ne l'étois pas tant que tu l'aurois pu croire
Quand je te dis adieu... Si j'ai bonne mémoire,
Ce fut en cette salle, en ce lieu justement;
Comme je te faisois mon petit compliment,
T'assurois de mon mieux d'une ardeur sans seconde:
Eh! je m'en acquittai, je crois...

LAURETTE.

Le mieux du monde.

CHAMPAGNE,

Ta maîtresse survint qui nous fit séparer:
Avec elle en sa chambre elle te fit entrer;
Et, chagrin de nous voir séparés de la sorte,
Je voulus par dépit écouter à la porte.
J'ai l'oreille un peu fine: elle avoit le cœur gros;
Elle le débonda d'abord par des sanglots;
Puis d'un ton assez aigre elle te fit entendre
Quels maux de mon voyage elle devoit attendre;
Que j'allois lui chercher un époux irrité
D'avoir langui long-tems dans la captivité;
Qu'elle alloit à son tour entrer dans l'esclavage;
Enfin qu'après sept ans d'espoir d'un doux veuvage,
Un vieux mari chagrin viendroit troubler le cours
De ses plus doux plaisirs et de ses plus beaux jours.
J'en aurois bien ouï davantage sans peine;
Mais on vint à sortir de la chambre prochaine :
J'eus peur d'être surpris; et je vois à regret
Que tu n'as pas voulu m'avouer ce secret.

LAURETTE.

C'est ta faute.

CHAMPAGNE.

Ma faute!

LAURETTE.

Oui, je te le proteste.

CHAMPAGNE.

Si tu m'aimois assez...

LAURETTE.

Va, je t'aime de reste.

CHAMPAGNE.

Quel secret entre amans doit-on jamais avoir?

LAURETTE.

Tu ne saurois rien taire, et tu veux tout savoir.
Crois-tu que quand je garde avec toi le silence
Je ne me fasse pas beaucoup de violence?
Je suis fille; je t'aime, et me tais à regret;
Ce m'est un grand fardeau que le moindre secret:
Mais j'ai trop éprouvé ton caquet invincible,
Et ne m'y puis fier sans être incorrigible.

CHAMPAGNE.

Va, va, j'ai vu le monde, et je suis bien changé!
Si j'eus quelque défaut, je m'en suis corrigé;
Je sais comme il faut vivre, et vivre avec adresse:
Je reviens du pays des sept sages de Grece;
Et, pour te faire voir que je me tais fort bien,
Je sais un grand secret dont tu ne sauras rien.

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LAURETTE.

Encor quel secret pourroit-ce être ?

CHAMPAGNE.

Un secret qui me perd s'il est su de mon maître; Son vieux pere surtout, fâcheux au dernier point, Est homme là-dessus à ne pardonner point.

LAURETTE.

Je ne puis donc prétendre à savoir ce mystere?

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