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LAURETTE.

Déja vous voilà touten feu.

Il n'a que soixante ans; c'est monsieur votre pero.

ACANTE

Mon pere! eh! que fait-il?

LAURETTE. Xi He

Eh! que pourroit-il faire?

Courbé sur son bâton, le bon petit vieillard
Tousse, crache, se mouche, et fait le goguenard;
De contes du vieux tems étourdit Isabelle:
C'est tout ce que je crois qu'il peut faire auprès d'elle.

ACANTE.

Crois-tu qu'elle aime ailleurs?

CHAMPAGNE.

Là, dis?

LAURETTE.

Jele crois bien;

Mais pour dire qui c'est, monsieur, je n'en sais rien.

CHAMPAGNE.

Seroit-ce point....

ACANTE

Qui donc?

CHAMPAGNE

Attendez quej'y pense:

Le marquis?

ACANTE.

Mon cousin? j'y vois peu d'apparence.

LAURETTE.

Il est vrai, ce cousin, respect la parenté,
Est un jeune étourdi bouffi de vanité,
Qui cache dans le faste et sous l'énorme enflure
D'une grosse perruque et d'une garniture
Le plus badin marquis qui vit jamais le jour,
Et, pour tout dire enfin, un sot suivant la cour.

CHAMPAGNE.

N'importe, il est marquis, c'est ainsi qu'on le nomme; Et ce titre par fois rajuste bien, un homme.

ACANTE.

་་་་

Ah! si c'étoit pour lui... Non, je ne le crois pas;
Isabelle n'a point des sentimens si bas :
Quelque juste dépit qui contre elle m'aigrisse,
Je ne saurois lui faire encor cette injustice.
Mais si je connoissois mon rival trop heureux....

LAURETTE.

Ah! vous êtes, monsieur, encor bien amoureux!

ACANTE.

Non, je ne veux plus l'être après un tel outrage.

LAURETTE.

Quand on l'est malgré soi, l'on l'est bien davantage: On ne m'y trompe pas; je m'y connois trop bien,

ACANTE.

Hélas! que l'orgueilleuse au moins n'en sache rien! Si l'ingrate qu'elle est connoissoit ma tendresse, Elle triompheroit encor de ma foiblesse.

LAURETTE.

Vraiment ! sans lui rien dire, elle en triomphe assez, Et vous raille en secret plus que vous ne pensez; Elle ne croit que trop que vous l'aimez encore.

ACANTE.

L'ingrate me méprise, et croit que je l'adore: a
Dis-lui qu'elle s'abuse; oui, mais dis-lui si bien....

LAURETTE.

Ma foi, j'aurai beau dire, elle n'en croira rien;
Elle tient votre cœur trop bien sous son empire.

ACANTE.

Je l'empêcherai bien de m'en oser dédire;
Ce cœur, ce lâche cœur...

SCENE III.

LE MARQUIS, ACANTE, CHAMPAGNE,
LAURETTE.

LE MARQUIS.

Ah! cousin, te voilà!

Bon jour: que je t'embrasse encor cette fois-là.

ACANTE.

Ah! vous me meurtrissez... Laurette se retire?

LAURETTE./

Monsieur Champagne encore a deux mots à me dire.

LE MARQUIS.

Comment, monsieur Champagne ! il est donc revenu?

Il sent son honnête homme, et je l'ai méconnu;
Lorsqu'il étoit laquais il n'étoit pas si sage.

CHAMPAGNE.

Ni vous non plus, monsieur, lorsque vous étiez page.

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LE MARQUIS.

VIGGO, LAURETTELN,

Ah! monsieur! avec moi, je vous prie,

Treve de compliment et de cérémonie.

(Champagne et Laurette se retirent.)

ACANTE.

Estimez-vous beaucoup l'air, dont vous affectez
D'estropier les gens par vos civilités?

Ces complimens de main, ces rudes embrassades,
Ces saluts qui font peur, ces bons jours à gourmades;
Ne reviendrez-vous point de toutes ces façons?

LE MARQUIS. 1

Oh! oh! voudrois-tu bien me donner des leçons, A moi, cousin, à moi?

ACANTE.

C'est un avis sincere,

Et ce que je vous suis me dëfend de me taire.
On peut plus sagement exprimer l'amitié.

LE MARQUIS.

Eh! mon pauvre cousin, que tu me fais pitié!
Tu veux donc faire prendre un air modeste et sage
Aux gens de ma volée, aux marquis de mon âge?
Va, tu sais peu le monde et la cour, si tu crois
Qu'on puisse être marquis, jeune et sage à la fois :
Il faut être à la mode, ou l'on est ridicule;
On n'est point regardé si l'on ne gesticule;
Si, dans les jeux de main ne cédant à pas un,
On ne se sait un peu distinguer du commun.
La sagesse est niaise, et n'est plus en usage,
Et la galanterie est dans le badinage:

C'est ce qu'on nomme adresse, esprit, vivacité,
Et le véritable air des gens de qualité.

ACANTE.

On peut voir toutefois, pour peu que l'on raisonne...

LE MARQUIS.

Où l'usage prévaut, nulle raison n'est bonne.

Mais...

A'CANTE.

LE MARQUIS. D

Ne t'érige point, de grace, en raisonneur : Morbleu ! c'est un défaut à te perdre d'honneur; Tâche à t'en corriger, et changeons de matiere. Je viens chercher ici ton pere à ta priere; Je veux en ta faveur lui parler comme il faut.

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