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le font sortir de plusieurs mauvais pas. A la fin du troisieme acte, lorsque les trois femmes ont reconnu que les mêmes vers leur ont été adressés, le Chevalier paroît démasqué, l'action semble toucher à sa fin; mais l'auteur la renoue avec beaucoup d'art : elle lui fournit encore deux actes, et ne se termine qu'au moment où la niece et la tante découvrent qu'elles sont rivales; dénouement qui nait du fond du sujet et que l'on peut regarder comme un des meilleurs qui existent au théâtre. Dans la suite, Dancourt n'apporta pas les mêmes soins à la combinaison de ses pieces : toutes étincellent de traits comiques, toutes présentent des situations piquantes et retracent les ridicules du jour; mais l'indulgence du public, la nécessité de travailler très vite, ayant rendu l'auteur moins difficile sur les ressorts dramatiques, ses autres comédies ont souvent entre elles des rapports trop marqués, les vraisemblances n'y sont pas suffisamment conservées, et les difficultés de l'art y sont plutôt éludées que vaincues.

Le Chevalier à la mode, peint par Dancourt, n'a que les agrémens suffisans pour séduire une vieille baronne, la veuve d'un financier, et une jeune bourgeoise qui a de grandes dispositions à se laisser tromper l'auteur ne l'a pas doué de qualités aimables ni brillantes; il en a fait un escroc qui ne peut réussir qu'auprès des personnes les plus crédules ou les plus aveuglées. Le caractere d'un homme qui sur son ton seul seroit banni de toutes les sociétés honnêtes, fait rire au théâtre, et n'est pas d'un grand danger pour

la jeunesse. Plusieurs années après, Baron, dans l'Homme à bonnes fortunes, offrit le premier exemple d'une combinaison différente; il donna à ce personnage un ton meilleur que celui du Chevalier à la mode, et n'en fit pas un scélérat comme le D. Juan du Festin de Pierre ; mais l'espece de charge dont il couvrit son héros rendit invraisemblables ses succès auprès des femmes ; et la gaieté folle de la piece affoiblit le résultat que les jeunes gens pouvoient en tirer.

Dancourt, qui trop souvent dans la suite jeta du ridicule sur les personnages raisonnables de ses comédies, s'est garanti de ce défaut dans le Chevalier à la mode: M. Migaud, homme de robe, ne perd point la gravité de son état; il rejette pour une affaire qu'il doit juger les sollicitations d'une femme dont il a intérêt de ménager l'amour-propre ; enfin il n'est jamais sacrifié au Chevalier. L'intention de l'auteur étoit de rendre comique le caractere de M. Serrefort; cependant il ne le dégrade point, la raison est toujours de son côté ; il ne paie que le tribut indispensable qu'un rôle de ce genre doit à la comédie. La soubrette, contre l'ordinaire, est plus sage que sa maîtresse ; cette combinaison difficile à soutenir dans un rôle qui doit animer une piece ne nuit point à la gaieté de Lisette; sa situation au contraire donne lieu à un genre de plaisanterie neuf et original.

Le rôle de la baronne est celui qui produit le moins d'effet dans cette piece. L'aventure fort singuliere de deux femmes qui se battirent pour un homme, fournit

à Dancourt l'idée de ce personnage qui n'a paru vraisemblable et comique que dans la nouveauté, époque à laquelle le public en faisoit l'application à l'héroïne de ce combat. Boileau a dit :

Le vrai peut quelquefois n'être

pas

vraisemblable.

Ce précepte, appliqué au genre comique, doit rappeler aux auteurs qu'ils ne peuvent puiser leurs combinaisons que dans des passions ou dans des ridicules généralement répandus. Les choses extraordinaires sont des exceptions qui ne sauroient être du ressort de la comédie. Il est infiniment rare qu'une femme propose un duel à sa rivale: Dancourt en se servant de ce moyen, a pu faire rire ceux qui avoient entendu parler d'une aventure aussi singuliere, mais il n'a pas produit le même effet sur ceux qui dans la suite ont vu la piece sans être dans le secret du rôle de la baronne. Il auroit obtenu des succès plus constans, si, comme Moliere, il n'eût offert sur la scene que les ridicules qui résultent des caracteres et de l'ensemble des

mœurs.

Cet unique défaut n'empêche pas que le Chevalier à la mode ne soit une des meilleures comédies du se cond ordre. Le dialogue est plein d'élégance et de vivacité; les caracteres sont bien soutenus; et l'action ne laisse rien à desirer du côté de l'intrigue et des principaux ressorts qui la font mouvoir.

FIN DE L'EXAMEN DU CHEVALIER A LA MODE.

TABLE DES PIECES

CONTENUES

DANS LE HUITIEME VOLUME..

LA MERE COQUETTE, COMÉDIE EN
CINQ ACTES ET EN VERS, DE QUINAULT, page
Notice sur Quinault,

Acteurs,

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I

3

24

139

EN CINQ ACTES ET EN VERS, DE MONTFLEURY fils, 145

Notice sur Montfleury,

Épître dédicatoire,

Acteurs,

Examen de la Femme Juge et Partie,

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147

157

160

263

LE FESTIN DE PIERRE, COMÉDIE EN

ACINQ ACTES ET EN VERS, DE T. CORNEILLE, 269

Notice sur T. Corneille,

Acteurs,

Examen du Festin de Pierre,

271

288

419

LE CHEVALIER A LA MODE, COMÉDIE

EN CINQ ACTES ET EN PROSE, DE DANCOURT, page 425

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