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du monde entier qui attend des solutions de concorde, conformes aux aspirations, toujours croissantes, de la solidarité universelle."

S. Exc. M. Révoil, Délégué, Plénipotentiaire de France, s'associe en ces termes aux paroles de S. Exc. M. le Président:

„Je m'associe aux sentiments éloquemment exprimés par S. Exc. M. le Président et je propose à la Conférence de donner son adhésion à la pensée qui'l vient de formuler si heureusement et de prendre pour base des réformes projetées le triple principe de la Souveraineté du Sultan, de l'intégrité de ses Etats et de la porte ouverte en matière commerciale. A ces principes se rattachent ceux qui sont inscrits au programme en matière économique: adjudication pour les travaux publics, aucune aliénation des services publics au profit d'intérêts particuliers.

S. Exc. M. de Radowitz, Premier Délégué d'Allemagne, prend la parole à son tour, adhère aux déclarations de S. Exc. M. le Président et de S. Exc. M. Révoil et exprime l'espoir que les travaux de la Conférence seront féconds en résultats heureux.

S. Exc. M. le Président constate l'assentiment unanime des Délégués à la proposition de S. Exc. M. Révoil et propose ensuite de fixer l'ordre dans lequel seront discutés les différents points inscrits au programme. I croit être l'interprète du sentiment général en suggérant d'examiner tout d'abord la question de la contrebande des armes; puis viendront les questions se rattachant aux améliorations financières et aux moyens d'assurer au Makhzen les ressources nécessaires à l'introduction des autres projets de réformes dont l'examen se fera en dernier lieu.

Dans cet ordre d'idées, il fait remarquer qu'il y aurait sans doute intérêt à déposer au Secrétariat les projets que certaines délégations auraient pu rédiger par avance en vue de la solution de cette question comme, du reste, de toutes celles qui seront successivement examinées par la Conférence. Le Secrétariat serait chargé de les faire imprimer et d'en assurer la distribution à MM. les Délégués.

S. Exc. Sir Arthur Nicolson, Délégué Plénipotentiaire d'Angleterre, exprime le désir de savoir si, dans la pensée de S. Exc. M. le Président, ce mode de procéder excluerait la possibilité de présenter des propositions incidentes au cours des délibérations.

Après un échange de vues il est convenu, conformément au désir de M. le Délégué d'Angleterre, que chaque Délégué conserve à ce point de vue sa pleine liberté d'action. Sous cette réserve, la proposition de S. Exc. M. le Président, relative à l'ordre et à la procédure suivant lesquels les questions du programme seront examinées, est adoptée.

S. Exc. M. lé Président annonce qu'il se propose de faire connaître à MM. les Délégués le jour de la prochaine séance et, sur l'avis de la majorité, il est décidé que les séances auront lieu à 10 heures du matin. La séance est levée à 3 heures trois quarts.

Le Président,

Le Duc de Almodovar del Rio.

Les Secrétaires,

R. Piña Millet.

Pierre De Margerie.

18 janvier 1906. Première séance de comité.

Etaient présents tous les Délégués. La séance est ouverte à 3 heures.

S. Exc. M. le Duc de Almodovar del Rio, Président, déclare qu'ayant constaté, d'après les impressions qu'il a recueillies parmi MM. les Délégués, qu'il serait utile que la Conférence, en dehors de ses séances officielles, se réunît en séances de Comité au cours desquelles il serait procédé à un examen préliminaire des questions soumises à la Conférence sans toutefois qu'il soit dressé de procès-verbal officiel, il a cru devoir convoquer MM. les Délégués pour aujourd'hui.

En abordant tout de suite la première question mise à l'ordre du jour (surveillance et répression de la contrebande des armes), M. le Président donne lecture d'un questionnaire dans lequel la Délégation espagnole a cru utile d'énumérer les différents points de détail que peut comporter ce sujet. (Annexe.)

S. Exc. M. le Président propose ensuite d'ouvrir la discussion sur le paragraphe 1 du questionnaire.

S. Exc. Sir Arthur Nicolson (Grande-Bretagne) fait observer que, dans ce paragraphe, il n'est fait mention que des armes et munitions tandis que, dans d'autres textes, par exemple le traité anglais de 1856 et l'ordonnance allemande de 1902, il est également question des éléments destinés à la fabrication des armes et des munitions, telles que salpêtre, soufre, etc.

S. Exc. M. Révoil (France) estime que la Conférence doit poser les principes de la réglementation à appliquer au Maroc sans entrer dans l'examen des législations étrangères. Il est possible que la réglementation admise soit susceptible d'être mise en application par tel ou tel pays sans aucune intervention législative. Il est possible également que tel ou tel pays soit amené à faire sanctionner la nouvelle réglementation par sa législation. Quoi qu'il en soit à ce sujet, la Conférence doit émettre le vœu que les pays intéressés prendront les mesures utiles pour assurer, en ce qui concerne leurs ressortissants, la sanction du nouveau règlement.

S. Exc. M. Pérez-Caballero (Espagne) explique que la prohibition dont parle le paragraphe 1 peut viser trois cas différents: 1° l'importation des armes; 2° celle des armes et munitions; 3° celle, aussi, des éléments nécessaires à la fabrication des armes et des munitions et exprime l'opinion qu'en vue d'empêcher le ravitaillement des éléments hostiles ou rebelles au Maroc, il conviendrait d'étendre la prohibition non seulement aux armes et munitions, mais aussi aux éléments destinés à leur fabrication, tels que soufre, salpêtre, plomb, etc.

S. Exc. Sir Arthur Nicolson (Grande-Bretagne) se range à cet avis. S. Exc. M. Malmusi (Italie) rappelle que les Puissances accréditées à Tanger ont peu à peu, en fait, adopté une manière de voir analogue à celle que formule l'article II du Traité anglo-marocain, comme on peut le constater dans l'ordonnance de 1902, dont S. Exc. M. de Radowitz donne lecture.

S. Exc. M. le Baron Joostens (Belgique) est d'avis qu'il ne conviendrait pas de faire une énumération trop étroite des éléments destinés à la fabrication des armes et munitions, afin de pouvoir y comprendre tel ou tel élément nouveau qui pourrait être découvert par la suite. Il propose, en conséquence, d'adopter la formule toutes les matières destinées exclusivement à leur fabrication".

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S. Exc. M. le Président, résumant les diverses opinions exprimées, propose de rédiger ultérieurement un article énumérant les matières de contrebande prohibées. Il lui paraît, en effet, que d'une façon générale les délégués sont plutôt favorables au système de l'énumération qui a l'avantage d'empêcher des interprétations arbitraires susceptibles d'entraver le commerce.

La discussion s'engage ensuite sur le paragraphe 2.

S. Exc. Sir Arthur Nicolson (Angleterre) fait remarquer que la Grande-Bretagne a déjà obtenu du Makhzen l'autorisation de faire entrer au Maroc des armes de chasse et une certaine quantité de munitions moyennant une autorisation accordée dans chaque cas particulier par l'autorité marocaine sur la demande de la Légation intéressée; mais il fait observer qu'en pratique les autorités marocaines refusent cette licence pour les carabines.

LL. EE, M. Malmusi (Italie), le Comte de Buisseret (Belgique) et le Comte de Martens Ferrao (Portugal) confirment qu'en effet c'est ainsi que les choses se passent encore au Maroc.

A ce propos, LL. EE. M. le Baron Joostens et M. le Comte de Buisseret (Belgique) déclarent que leur Gouvernement désire que la prohibition soit limitée aux armes de guerre; et que les armes de chasse et de luxe en soient exceptées d'une façon générale et sans qu'il soit besoin, comme aujourd'hui, de demander à l'autorité marocaine une autorisation pour chaque cas particulier. C'est une question de principe que le Gouvernement de la Belgique désire voir tranchée par la Conférence. Une Commission technique serait d'ailleurs chargée de déterminer ultérieurement quelles sont les catégoris d'armes qui doivent être considérées comme armes de chasse et de luxe. Ils annoncent qu'ils déposeront une proposition écrite à ce sujet.

S. Exc. Sir Arthur Nicolson (Grande-Bretagne) ayant exprimé l'avis qu'il conviendrait de prier les Délégués marocains de faire connaître leur sentiment à cet égard, ceux-ci demandent qu'une traduction arabe du questionnaire leur soit remise afin qu'il leur soit possible d'étudier l'affaire et de consulter leur Gouvernement.

S. Exc. M. le Marquis Visconti-Venosta (Italie) demande si, en présence de la déclaration des Délégues marocains d'après laquelle ils devraient en référer à leur Gouvernement, les Délégués belges ne croiraient pas pouvoir retirer leur demande d'exception générale en faveur des armes de chasse et de luxe.

S. Exc. M. le Baron de Joostens (Belgique) déclare qu'il se trouve obligé de maintenir sa demande, tout au moins en ce qui concerne les

armes de chasse. Il ne pourrait la retirer que sur de nouvelles instructions de son Gouvernement, auquel il se montre prêt d'ailleurs à en référer. La Délégation marocaine fait connaître à son tour que pour éviter des confusions entre les diverses catégories d'armes, le système actuellement en vigueur ne pourrait être changé sans un ordre spécial du Sultan.

S. Exc. M. Révoil (France) prend alors la parole et rapelle que, parmi les exceptions à la prohibition de l'importation des armes et munitions de guerre, il ne faut pas oublier les armes que le Gouvernement Marocain importe pour ses propres troupes. Il conviendrait, du reste, d'entourer l'introduction de ces armes de garanties spéciales telles qu'une déclaration du Gouvernement Marocain à la Légation dont ressortit le négociant importateur et une vérification spéciale au moment de l'introduction des

armes.

S. Exc. M. le Duc de Almodovar del Rio (Espagne), résumant la discussion, constate que l'accord s'est fait à la fois sur la proclamation du principe de la prohibition et sur l'admission de certaines exceptions concernant les armes destinées à l'armée marocaine et les armes de chasse dans les limites où la Conférence aura tranché la question soulevée par MM. les Délégués de la Belgique. On pourrait, du reste se demander s'il conviendrait d'accorder, dans certains cas, aux étrangers l'autorisation d'importer des armes pour assurer leur défense personnelle. D'autre part, il serait important de prévoir les mesures propres à empêcher le Gouvernement Marocain de vendre aux particuliers les armes qu'il aurait importées pour l'usage de ses troupes.

Sur les paragraphes 3 et 4, relatifs aux pénalités à imposer soit aux Marocains, soit aux étrangers, S. Exc. Sir Arthur Nicolson (Grande-Bretagne) fait observer qu'il ne conviendrait pas de laisser au Makhzen le soin de fixer les pénalités à infliger aux Marocains et, rappelant la législation sévère de l'Angleterre dans cette matière, il exprime l'avis qu'il serait bon que les pénalités édictées par les différentes Puissances fussent égales pour tous, Marocains et étrangers, et particulièrement sévères.

S, Exc, M. le Comte de Martens Ferrao (Portugal) rappelle à ce propos un cas particulier qui l'a amené à appliquer à ses nationaux la législation anglaise dont le Délégué anglais vient de parler.

S. Exc. M. le Comte Bolesta - Koziebrodzki (Autriche - Hongrie) estime également que la liberté pour le Makhzen d'édicter les pénalités nécessaires risquerait d'assurer aux coupables une quasi impunité.

S. Exc. M. Pérez Caballero (Espagne), ayant fait observer que les habitudes particulières aux Marocains comportent sans doute un régime spécial de répression, se demande s'il ne conviendrait pas de laisser au Makhzen le soin de fixer ce régime, qui devrait être ensuite proposé à l'assentiment du Corps Diplomatique accrédité à Tanger.

S. Exc. M. Révoil (France) pense que l'on pourrait demander au Makhzen d'édicter des paines qui, tout en restant conformes aux mœurs

du pays, seraient, équivalentes dans leur modalité spéciale à celles qui auraient été fixées pour les étrangers; la législation marocaine, devant ainsi s'inspirer de la législation étrangère, le paragraphe 4 devrait, en conséquence, prendre la place du paragraphe 3 ou être fondu avec ce dernier.

Sur le paragraphe 5, S. Exc. M. Pérez-Caballero (Espagne) estime qu'il conviendrait d'assurer une participation plus effective des autorités marocaines aus procès intentés contre les étrangers en matière de contrebande d'armes, en étendant plus particulièrement à ces litiges la faculté reconnue à ces autorités par les articles XI et XVI du Traité HispanoMarocain de 1861 de figurer aux débats devant la justice consulaire.

LL. EE. M. Malmusi (Italie) et le Comte Bolesta-Kozie brodzki (Autriche-Hongrie) pensent qu'il ne serait peut-être pas nécessaire de spécifier ce point, les tribunaux consulaires procédant dans la pratique sur la simple dénonciation des autorités marocaines.

En ce qui concerne la question des primes aux dénonciateurs, S. Exc. le Comte Bolesta-Koziebrodzki (Autriche-Hongrie) et plusieurs autres Délégués se déclarent particulièrement favorables à un système qui ne peut que favoriser la découverte des infractions.

A ce point de la discussion et au moment de passer à l'examen des différents paragraphes relatifs à la surveillance et à la répression de la contrebande, le Marquis Visconti-Venosta propose à la Conférence que la rédaction du texte définitif des articles jusqu'ici examinés et relatifs à la prohibition de la contrebande et aux sanctions pénales qu'elle comporte soient préparés par une prochaine séance officielle et demande à la Conférence s'il ne conviendrait pas de confier ce travail à quelques-uns des Délégués.

S. Exc. M. Révoil (France), se rangeant à la manière de voir du premier Délégué d'Italie, propose, à son tour, de confier cette mission de rédaction à MM. Pérez-Caballero, le Comte de Tattenbach, Malmusi, Regnault, Délégué technique de la France et Sidi el Mokri.

Cette proposition est adoptée.

S. Exc. le Duc de Almodovar del Rio donne alors lecture du paragraphe 6, d'après lequel la surveillance et la répression de la contrebande des armes dans les régions frontières des possessions espagnoles et de l'Algérie seront effectuées respectivement entre les Gouvernements espagnol et français et le Gouvernement du Sultan, conformément aux principes du règlement que la Conférence aura adopté.

S. Exc. M. Pérez-Caballero (Espagne) fait remarquer à ce sujet qu'en raison du voisinage et de l'existence de plusieurs anciennes stipulations entre l'Espagne et le Maroc relatives à la sécurité des places fortes et à la tranquilité des régions voisines, l'Espagne jouit dans certaines parties du Maroc d'une situation analogue à celle qui résulte pour la France de ses arrangements avec le Sultan relatifs à la région frontière d'Algérie.

S. Exc. M. de Radowitz (Allemagne) reconnait qu'en effet la situation de l'Espagne, à cet égard, est analogue à celle de la France.

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