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Voyez quel contre-temps prend ici leur visite!
Je pense qu'à la fin je pourrai bien sortir.
Viendra-t-il point quelqu'un encor me divertir?

SCÈNE IV.

FILINTE, ÉRASTE.

FILINTE.

Marquis, je viens d'apprendre une étrange nouvelle.

Quoi?

A moi?

ÉRASTE.

FILINTE.'

Qu'un homme antôt t'a fait une querelle.
ÉRASTE.

FILINTE.

Que te sert-il de le dissimuler?

Je sais de bonne part qu'on t'a fait appeler;
Et comme ton ami, quoi qu'il en réussisse,
Je te viens contre tous faire offre de service.

ERASTE.

Je te suis obligé; mais crois que tu me fais...

FILINTE.

Tu ne l'avoueras pas, mais tu sors sans valets.
Demeure dans la ville, ou gagne la

campagne, Tu n'iras nulle part que je ne t'accompagne. ÉRASTE, à part.

Ah! j'enrage!

FILINTE.

A quoi bon de te cacher de moi?
ÉRASTE.

Je te jure, marquis, qu'on s'est moqué de toi.

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Tu penses qu'on te croie?
ÉRASTE.

Hé! mon dieu! je te dis, et ne déguise point,

Que...

FILINTE.

Ne me crois pas dupe et crédule à ce point.

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En quel lieu que ce soit je veux suivre tes pas.

ÉRASTE.

Parbleu, puisque tu veux que j'aie une querelle,
Je consens à l'avoir pour contenter ton zėle.
Ce sera contre toi, qui me fais enrager,
Et dont je ne me puis par douceur dégager.

FILINTE.

C'est fort mal d'un ami recevoir le service.
Mais puisque je vous rends un si mauvais office,
Adieu. Videz sans moi tout ce que vous aurez.

ÉRASTE.

Vous serez mon ami quand vous me quitterez.

(seul.)

Mais voyez quels malheurs suivent ma destinée!
Ils m'auront fait passer l'heure qu'on m'a donnée.

SCÈNE V.

DAMIS, L'ÉPINE, ÉRASTE, LA RIVIÈRE

ET SES COMPAGNONS.

DAMIS, à part.

Quoi! malgré moi le traître espère l'obtenir !
Ah! mon juste courroux le saura prévenir.
ÉRASTE, à part.

J'en revois là quelqu'un sur la porte d'Orphise!
Quoi! toujours quelque obstacle aux feux qu'elle autorise!
DAMIS, à l'Épine.

Oui, j'ai su que ma nièce, en dépit de mes soins,
Doit voir ce soir chez elle Éraste sans témoins.

LA RIVIÈRE, à ses compagnons.

Qu'entends-je à ces gens-là dire de notre maître?
Approchons doucement sans nous faire connoître.
DAMIS, à l'Épine.

Mais avant qu'il ait lieu d'achever son dessein,
Il faut de mille coups percer son traître sein.
Va-t'en faire venir ceux que je viens de dire,
Pour les mettre en embûche aux lieux que je desire,
Afin qu'au nom d'Éraste on soit prêt à venger
Mon honneur que ses feux ont l'orgueil d'outrager,
A rompre un rendez-vous qui dans ce lieu l'appelle,
Et noyer dans son sang sa flamme criminelle.
LA RIVIÈRE, attaquant Damis avec ses compagnons.
Avant qu'à tes fureurs on puisse l'immoler,

Traître, tu trouveras en nous à qui parler.
ÉRASTE.

Bien qu'il m'ait voulu perdre, un point d'honneur me presse
De secourir ici l'oncle de ma maîtresse.

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(Il met l'épée à la main contre La Rivière et ses

compagnons, qu'il met en fuite.)

DAMIS.

O ciel! par quel secours

D'un trépas assuré vois-je sauver mes jours?
A qui suis-je obligé d'un si rare service?

ÉRASTE, revenant.

Je n'ai fait, vous servant, qu'un acte de justice.

DAMIS.

Ciel! puis-je à mon oreille ajouter quelque foi?

Est-ce la main d'Éraste...?

ÉRASTE.

Oui, oui, monsieur, c'est moi:

Trop heureux que ma main vous ait tiré de peine,
Trop malheureux d'avoir mérité votre haine.

DAMIS.

Quoi! celui dont j'avois résolu le trépas

Est celui qui pour moi vient d'employer son bras!
Ah! c'en est trop; mon cœur est contraint de se rendre;
Et, quoi que votre amour ce soir ait pu prétendre,
Ce trait si surprenant de générosité

Doit étouffer en moi toute animosité.

Je rougis de ma faute, et blâme mon caprice:
Ma haine trop long-temps vous a fait injustice;
Et, pour la condamner par un éclat fameux,
Je vous joins dès ce soir à l'objet de vos vœux.

SCÈNE VI.

ORPHISE, DAMIS, ERASTE.

ORPHISE, Sortant de chez elle avec un flambeau. Monsieur, quelle aventure a d'un trouble effroyable...?

DAMIS.

Ma nièce, elle n'a rien que de très agréable,
Puisqu'après tant de vœux que j'ai blâmés en vous
C'est celle qui vous donne Éraste pour époux :
Son bras a repoussé le trépas que j'évite,

Et je veux envers lui que votre main m'acquitte.

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