ARISTE. Mon frère, son discours ne doit que faire rire: C'est une étrange chose, à vous parler sans feinte, SGANARELLE. Chansons que tout cela. ARISTE. Soit; mais je tiens sans cesse Qu'il nous faut en riant instruire la jeunesse, Reprendre ses défauts avec grande douceur, Et du nom de vertu ne point lui faire peur. Mes soins pour Léonor ont suivi ces maximes; Des moindres libertés je n'ai point fait des crimes; A ses jeunes desirs j'ai toujours consenti, Et je ne m'en suis point, grace au ciel, repenti. J'ai souffert qu'elle ait vu les belles compagnies, Les divertissements, les bals, les comédies: Ce sont choses, pour moi, que je tiens de tout temps Et l'école du monde en l'air dont il faut vivre Mais mon dessein n'est pas de la tyranniser. Elle peut m'épouser; sinon, choisir ailleurs. Je consens que sans moi ses destins soient meilleurs: SGANARELLE. Hé! qu'il est doucereux ! c'est tout sucre et tout miel! ARISTE. Enfin, c'est mon humeur, et j'en rends grace au ciel: Je ne suivrois jamais ces maximes sévères Qui font que les enfants comptent les jours des pères. SGANARELLE. Mais ce qu'en la jeunesse on prend de liberté Ne se retranche pas avec facilité; Et tous ces sentiments suivront mal votre envie, Y voit-on quelque chose où l'honneur soit blessé ? SGANARELLE. Quoi! si vous l'épousez elle pourra prétendre Pourquoi non? ARISTE. SGANARELLE. Vos desirs lui seront complaisants Jusques à lui laisser et mouches et rubans? Sans doute. ARISTE. SGANARELLE. A lui souffrir, en cervelle troublée, De courir tous les bals et les lieux d'assemblée? Et vous verrez ces visites muguettes D'un œil à témoigner de n'en être point soûl? Cela s'entend. ARISTE. SGANARELLE. Allez, vous êtes un vieux fou. (à Isabelle.) Rentrez pour n'ouïr point cette pratique infame. SCÈNE III. ARISTE, SGANARELLLE, LÉONOR, LISETTE. ARISTE. Je veux m'abandonner à la foi de ma femme, SGANARELLE. Que j'aurai de plaisir quand il sera cocu! ARISTE. J'ignore pour quel sort mon astre m'a fait naître : Mais je sais que pour vous, si vous manquez de l'être, ! On ne vous en doit point imputer le defaut; Car vos soins pour cela font bien tout ce qu'il faut Riez donc, beau rieur. Oh! que cela doit plaire Du sort dont vous parlez je le garantis, moi, LISETTE. C'est conscience à ceux qui s'assurent en nous; SGANARELLE. Allez, langue maudite et des plus mal apprises. ARISTE. Vous vous êtes, mon frère, attiré ces sottises. SGANARELLE. Je ne suis pas le vôtre. SCÈNE IV. SGANARELLE. Oh! que les voilà bien tous formés l'un pour l'autre ! Qui fait le dameret dans un corps tout cassé! |