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Montez là-haut.

AGNÈS.

Mais quoi! voulez-vous...

ARNOLPHE.

Je suis maître, je parle; allez, obéissez.

FIN DU SECOND ACTE.

C'est assez.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

ARNOLPHE, AGNÈS, ALAIN, GEORGETTE.

ARNOLPHE.

Oui, tout a bien été ; ma joie est sans pareille :
Vous avez là suivi mes ordres à merveille,
Confondu de tout point le blondin séducteur;
Et voilà de quoi sert un sage directeur.
Votre innocence, Agnès, avoit été surprise:
Voyez, sans y penser, où vous vous étiez mise.
Vous enfiliez tout droit, sans mon instruction,
Le grand chemin d'enfer et de perdition.

De tous ces damoiseaux on sait trop les coutumes :
Ils ont de beaux canons, force rubans et plumes,
Grands cheveux, belles dents, et des propos fort doux;
Mais, comme je vous dis, la griffe est là-dessous,
Et ce sont vrais satans, dont la gueule altérée
De l'honneur féminin cherche à faire curée.
Mais encore une fois, grace au soin apporté,
Vous en êtes sortie avec honnêteté.

L'air dont je vous ai vu lui jeter cette pierre,
Qui de tous ses desseins a mis l'espoir par terre,

Me confirme encor mieux à ne point différer
Les noces où j'ai dit qu'il vous faut préparer.
Mais, avant toute chose, il est bon de vous faire
Quelque petit discours qui vous soit salutaire.

(à Georgette et à Alain.)

Un siège au frais ici. Vous, si jamais en rien...

GEORGETTE.

De toutes vos leçons nous nous souviendrons bien. Cet autre monsieur-là nous en faisoit accroire : Mais...

ALAIN.

S'il entre jamais, je veux jamais ne boire. Aussi-bien est-ce un sot, il nous a l'autre fois Donné deux écus d'or qui n'étoient pas de poids.

ARNOLPHE.

Ayez donc pour souper tout ce que je desire ; ·

Et

pour notre contrat, comme je viens de dire, Faites venir ici, l'un ou l'autre, au retour, Le notaire qui loge au coin du carrefour.

SCÈNE II.

ARNOLPHE, AGNÈS.

ARNOLPHE, assis.

Agnès, pour m'écouter, laissez là votre ouvrage ; Levez un peu la tête, et tournez le visage : (mettant le doigt sur son front.)

Là, regardez-moi là durant cet entretien ;

Et, jusqu'au moindre mot, imprimez-le-vous bien.

Je vous épouse, Agnes; et, cent fois la journer.
Vous devez benir l'heur de votre destinet.
Contempler la bassesse ou vous avez ett,
Et dans le méme temps admirer ma bonte,
Qui de ce vil etat de pauvre villageoise
Vous fait monter au rang d'honorable bourgeoise.
Et jouir de la couche et des embrassements
D'un homme qui fuvoit tous ces engagements.
Et dont à vingt partis fort capables de piaire
Le cœur a refusé l'honneur qu'il vous veut faire.
Vous devez toujours, dis-je, avoir devant les yeux
Le peu que vous étiez sans ce nœud glorieus,
Afin que cet objet d'autant mieux vous instruise
A mériter l'etat où je vous aurai mise,
A toujours vous connoitre, et faire qu'a jamais
Je puisse me louer de l'acte que je fais.
Le mariage, Agnès, n'est pas un badinage :
A d'austères devoirs le rang de femme engage:
Et vous n'y montez pas, à ce que je pretends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n'est là que pour la dépendance :
Du côté de la barbe est la toute-puissance.
Bien qu'on soit deux moitiés de la société,
Ces deux moitiés pourtant n'ont point d'égalité :
L'une est moitié suprême, et l'autre subalterne;
L'une en tout est soumise à l'autre qui gouverne;
Et ce que le soldat dans son devoir instruit
Montre d'obéissance au chef qui le conduit,
Le valet à son maître, un enfant à son père,
A son supérieur le moindre petit frère,

N'approche point encor de la docilité,

Et de l'obéissance, et de l'humilité,

Et du profond respect où la femme doit être
Pour son mari, son chef, son seigneur, et son maître.
Lorsqu'il jette sur elle un regard sérieux,

Son devoir aussitôt est de baisser les yeux,

Et de n'oser jamais le regarder en face,

Que quand d'un doux regard il lui veut faire grace.
C'est ce qu'entendent mal les femmes d'aujourd'hui :
Mais ne vous gâtez pas sur l'exemple d'autrui.
Gardez-vous d'imiter ces coquettes vilaines
Dont par toute la ville on chante les fredaines,
Et de vous laisser prendre aux assauts du malin,
C'est-à-dire d'ouïr aucun jeune blondin.
Songez qu'en vous faisant moitié de ma personne,
C'est mon honneur, Agnès, que je vous abandonne;
Que cet honneur est tendre, et se blesse de peu ;
Que sur un tel sujet il ne faut point de jeu,
Et qu'il est aux enfers des chaudières bouillantes
Où l'on plonge à jamais les femmes mal vivantes.
Ce que je vous dis là ne sont pas des chansons;
Et vous devez du cœur dévorer ces leçons.
Si votre ame les suit, et fuit d'être coquette,
Elle sera toujours, comme un lis, blanche et nette:
Mais s'il faut qu'à l'honneur elle fasse un faux bond,
Elle deviendra lors noire comme un charbon;'
Vous paroîtrez à tous un objet effroyable,
Et vous irez un jour, vrai partage du diable,
Bouillir dans les enfers à toute éternité,
Dont vous veuille garder la céleste bonté !

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