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Non, vous dis-je: rentrez puinque je la desinin
Je vous laisse l'argent. Allez je vous rajonas
Ayez bien l'œil a tout, et secondez mes somas

SCENE V.

ABNOLPER.

Je veux pour espion qui sont d'exa030438
Prendre le savetier du cosa de under, rue
Dans la maison toujours je privouta be toud.
Y faire bonne garde, et sur-tout en kantar
Vendeuse de rubans, perruqueres, confleuses,
Faiseuses de mouchoirs, gautieres, resentouses,
Tous ces gens qui sous main travaillent chaque jour
A faire réussir les mystères d'amour.

Enfin j'ai vu le monde, et j'en sais les fiuesses:
Il faudra que mon homme ait de grandes adresses,
Si message ou poulet de sa part peut entrer.

SCENE VI.

HORACE, ARNOLPHE.

HORACE.

La place m'est heureuse à vous y rencontrer.
Je viens de l'échapper bien belle, je vous jure.

Au sortir d'avec vous, sans prévoir l'aventure,
Seule dans ce balcon j'ai vu paroître Agnès,
Qui des arbres prochains prenoit un peu le frais.
Après m'avoir fait signe, elle a su faire en sorte,
Descendant au jardin, de m'en ouvrir la porte:
Mais à peine tous deux dans sa chambre étions-nous,
Qu'elle a sur les degrés entendu son jaloux;
Et tout ce qu'elle a pu dans un tel accessoire,
C'est de me renfermer dans une grande armoire.
Il est entré d'abord : je ne le voyois pas,

Mais je l'oyois marcher, sans rien dire, à grands pas;
Poussant de temps en temps des soupirs pitoyables,
Et donnant quelquefois de grands coups sur les tables;
Frappant un petit chien qui pour lui s'émouvoit,
Et jetant brusquement les hardes qu'il trouvoit.
Il a même cassé, d'une main mutinée,
Des vases dont la belle ornoit sa cheminée :
Et sans doute il faut bien qu'à ce becque-cornu
Du trait qu'elle a joué quelque jour soit venu.
Enfin, après vingt tours, ayant de la manière
Sur ce qui n'en peut mais déchargé sa colère,
Mon jaloux inquiet, sans dire son ennui,
Est sorti de la chambre, et moi de mon étui.
Nous n'avons point voulu, de peur du personnage,
Risquer à nous tenir ensemble davantage ;
C'étoit trop hasarder: mais je dois cette nuit
Dans sa chambre un peu tard m'introduire sans bruit.
En toussant par trois fois je me ferai connoître;
Et je dois au signal voir ouvrir la fenêtre,
Dont avec une échelle, et secondé d'Agnès,

Mon amour tâchera de me gagner l'accès.

Comme à mon seul ami, je veux bien vous l'apprendre:
L'alégresse du cœur s'augmente à la répandre;
Et, goûtât-on cent fois un bonheur tout parfait,
On n'en est pas content, si quelqu'un ne le sait.
Vous prendrez part, je pense, à l'heur de mes affaires.
Adieu: je vais songer aux choses nécessaires.

SCÈNE VII.

ARNOLPHE.

Quoi! l'astre qui s'obstine à me désespérer.
Ne me donnera pas le temps de respirer!
Coup sur coup je verrai, par leur intelligence,
De mes soins vigilants confondre la prudence!
Et je serai la dupe, en ma maturité,

D'une jeune innocente et d'un jeune éventé!
En sage philosophe on m'a vu, vingt années,
Contempler des maris les tristes destinées,
Et m'instruire avec soin de tous les accidents
Qui font dans le malheur tomber les plus prudents;
Des disgraces d'autrui profitant dans mon ame,
J'ai cherché les moyens, voulant prendre une femme,
De pouvoir garantir mon front de tous affronts,
Et le tirer du pair d'avec les autres fronts;
Pour ce noble dessein, j'ai cru mettre en pratique
Tout ce que peut trouver l'humaine politique:
Et, comme si du sort il étoit arrêté

Que nul homme ici-bas n'en seroit exempté,

Après l'expérience et toutes les lumières
Que j'ai pu m'acquérir sur de telles matières,
Après vingt ans et plus de méditation

Pour me conduire en tout avec précaution,
De tant d'autres maris j'aurois quitté la trace
Pour me trouver après dans la même disgrace!
Ah! bourreau de destin, vous en aurez menti.
De l'objet qu'on poursuit je suis encor nanti :
Si son cœur m'est volé par ce blondin funeste,
J'empêcherai du moins qu'on s'empare du reste ;
Et cette nuit, qu'on prend pour ce galant exploit,
Ne se passera pas si doucement qu'on croit.
Ce m'est quelque plaisir, parmi tant de tristesse,
Que l'on me donne avis du piége qu'on me dresse,
Et que cet étourdi, qui veut m'être fatal,
Fasse son confident de son propre rival.

SCÈNE VIII.

CHRYSALDE, ARNOLPHE.

CHRYSALDE.

Hé bien ! souperons-nous avant la promenade?

ARNOLPHE.

Non. Je jeûne ce soir.

CHRYSALDE.

De

D'où vient cette boutade?

ARNOLPHE.

grace, excusez-moi ; j'ai quelque autre embarras.

CHRYSALDE.

Votre hymen résolu ne se fera-t-il pas ?

ARNOLPHE.

C'est trop s'inquiéter des affaires des autres.

CHRYSALDE.

* Oh! oh! si brusquement! quels chagrins sont les vôtres ? Seroit-il point, compère, à votre passion Arrivé quelque peu de tribulation?

Je le jurerois presque, à voir votre visage.

ARNOLPHE.

Quoi qu'il m'arrive, au moins aurai-je l'avantage De ne pas ressembler à de certaines gens = Qui souffrent doucement l'approche des galants.

CHRYSALDE.

C'est un étrange fait, qu'avec taut de lumières
Vous vous effarouchiez toujours sur ces matières,
Qu'en cela vous mettiez le souverain bonheur,
Et ne conceviez point au monde d'autre honneur !
Être avare,
brutal, fourbe, méchant et lâche,
N'est rien à votre avis, auprès de cette tache,

Et, de quelque façon qu'on puisse avoir vécu,

On est homme d'honneur quand on n'est point cocu.
A le bien prendre au fond, pourquoi voulez-vous croire
Que de ce cas fortuit dépende notre gloire,

Et qu'une ame bien née ait à se reprocher
L'injustice d'un mal qu'on ne peut empêcher?

Pourquoi voulez-vous, dis-je, en prenant une femme,
Qu'on soit digne, à son choix, de louange ou de blâme,
Et qu'on s'aille former un monstre plein d'effroi
De l'affront que nous fait son manquement de foi ?

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