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Une fille maîtresse et coquette suprême!
Des valets impudents! Non, la sagesse méme
N'en viendroit pas à bout, perdroit sens et raison
A vouloir corriger une telle maison.

Isabelle pourroit perdre dans ses hantises

Les semences d'honneur qu'avec nous elle a prises; Et, pour l'en empêcher, dans peu nous prétendons Lui faire aller revoir nos choux et nos dindons.

SCÈNE V.

VALÈRE, SGANARELLE, ERGASTE.

VALERE, dans le fond du théâtre.

Ergaste, le voilà cet Argus que j'abhorre,
Le sévère tuteur de celle que j'adore.

SCANARELLE, se croyant seul.

N'est-ce pas quelque chose enfin de surprenant
Que la corruption des mœurs de maintenant?

VALÈRE.

Je voudrois l'accoster, s'il est en ma puissance,
Et tâcher de lier avec lui connoissance.

SGANARELLE, se croyant seul.

Au lieu de voir régner cette sévérité

Qui composoit si bien l'ancienne honnêteté,
La jeunesse en ces lieux, libertine, absolue,
Ne prend...

(Valère salue Sganarelle de loin.)
VALÈRE.

Il ne voit pas que c'est lui qu'on salue.

ERGASTE.

Son mauvais œil peut-être est de ce côté-a
Passons du côté droit.

SCANARELLE, se croyant seul.

Il faut sortir d'ici.

Le séjour de la ville en moi ne peut produire
Que des...

VALÈRE, en s'approchant peu à peu,

Il faut chez lui tácher de m'introduire.
SCANARELLE, entendant quelque bruit.

Hé!... j'ai cru qu'on parloit.

(se croyant seul.)

Aux champs, graces aux cieux,

Les sottises du temps ne blessent point mes yeux.

Abordez-le.

ERGASTE, à Valere.

SGANARELLE, entendant encore du bruit.

Plaît-il?

(n'entendant plus rien.)

Les oreilles me cornent.

(se croyant seul. )

Là, tous les passe-temps de nos filles se bornent...

(Il aperçoit Valère qui le salue.)

Est-ce à nous?

ERGASTE, à Valère.
Approchez.

SGANARELLE, sans prendre garde à Valère.

Là, nul godelureau

(Valère le salue encore.),

Ne vient... Que diable...?

(Il se retourne, et voit Ergaste qui le salue de l'autre côté.)

Encor! Que de coups de chapeau!

VALÈRE.

Monsieur, un tel abord vous interrompt peut-être?

Cela se peut.

SGANARELLE.

VALÈRE..

Mais quoi! l'honneur de vous connoître M'est un si grand bonheur, m'est un si doux plaisir, Que de vous saluer j'avois un grand desir.

SGANARELLE.

Soit.

VALÈRE.

Et de vous venir, mais sans nul artifice,

Assurer que je suis tout à votre service.

Je le crois.

SGANARELLE.

VALÈRE.

J'ai le bien d'être de vos voisins,

Et j'en dois rendre grace à mes heureux destins.

C'est bien fait.

SGANARELLE.

VALÈRE.

Mais, monsieur, savez-vous les nouvelles Que l'on dit à la cour, et qu'on tient pour fidéles?

Que m'importe?

SGANARELLE.

VALÈRE.

Il est vrai; mais pour les nouveautés

On peut avoir parfois des curiosités.

Vous irez voir, monsieur, cette magnificence
Que de notre dauphin prépare la naissance?

Si je veux.

SGANARELLE.

VALÈRE.

Avouons que Paris nous fait part

De ceut plaisirs charmants qu'on n'a point autre part.
Les provinces, auprès, sont des lieux solitaires.
A quoi donc passez-vous le temps?

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L'esprit veut du relâche, et succombe parfois
Par trop d'attachement aux sérieux emplois.
Que faites-vous les soirs avant qu'on se retire?

Ce qui me plaît.

SGANARELLE.

VALÈRE.

Sans doute: on ne peut pas mieux dire. Cette réponse est juste, et le bon sens paroît A ne vouloir jamais faire que ce qui plaît. Si je ne vous croyois l'ame trop occupée, J'irois parfois chez vous passer l'après-soupée.

SGANARELLE

Serviteur.

SCÈNE VI.

VALÈRE, ERGASTE.

VALÈRE.

Que dis-tu de ce bizarre fou?

ERGASTE.

Il a le repart brusque, et l'accueil loup-garou.

VALÈRE.

Ah! j'enrage!

ERGASTE.

Et de quoi?

VALÈRE.

De quoi? C'est que j'enrage

De voir celle que j'aime au pouvoir d'un sauvage,
D'un dragon surveillant, dont la sévérité
Ne lui laisse jouir d'aucune liberté.

ERGASTE.

C'est ce qui fait pour vous; et sur ces conséquences
Votre amour doit fonder de grandes espérances.
Apprenez, pour avoir votre esprit affermi,
Qu'une femme qu'on garde est gagnée à demi,
Et que les noirs chagrins des maris ou des pères
Ont toujours du galant avancé les affaires.
Je coquette fort peu, c'est mon moindre talent,
Et de profession je ne suis point galant;

Mais j'en ai servi vingt de ces chercheurs de proie,
Qui disoient fort souvent que leur plus grande joie
Étoit de rencontrer de ces maris fâcheux

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