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Qui jamais sans gronder ne reviennent chez eux,
De ces brutaux fieffés qui, sans raison ni suite,
De leurs femmes en tout contrôlent la conduite,
Et, du nom de maris fièrement se parants,
Leur rompent en visière aux yeux des soupirants.
On en sait, disent-ils, prendre ses avantages;
Et l'aigreur de la dame, à ces sortes d'outrages,
Dont la plaint doucement le complaisant témoin,
Est un champ à pousser les choses assez loin.
En un mot, ce vous est une attente assez belle
Que la sévérité du tuteur d'Isabelle.

VALÈRE.

Mais depuis quatre mois que je l'aime ardemment, Je n'ai pour lui parler pu trouver un moment.

ERGASTE.

L'amour rend inventif; mais vous ne l'êtes guère : Et si j'avois été...

VALÈRE.

Mais qu'aurois-tu pu faire,

Puisque sans ce brutal on ne la voit jamais,
Et qu'il n'est là-dedans servantes ni valets
Dont, par l'appât flatteur de quelque récompense,
Je puisse pour mes feux ménager l'assistance?

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Elle ne sait donc pas encor que vous l'aimez?

VALÈRE.

C'est un point dont mes vœux ne sont pas informés. Par-tout où ce farouche a conduit cette belle,

Elle m'a toujours vu comme une ombre après elle; Et mes regards aux siens ont tâché chaque jour

De pouvoir expliquer l'excès de mon amour.

Mes yeux ont fort parlé: mais qui me peut apprendre Si leur langage enfin a pu se faire entendre?

ERGASTE.

Ce langage, il est vrai, peut être obscur parfois,
S'il n'a pour truchement l'écriture ou la voix.
VALÈRE.

Que faire pour sortir de cette peine extrême,
Et, savoir si la belle a connu que je l'aime?
Dis-m'en quelque moyen.

ERGASTE.

C'est ce qu'il faut trouver.

Entrons un peu chez vous, afin d'y mieux rêver.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

ISABELLE, SGANARELLE,

SGANARELLE,

Va, je sais la maison, et connois la personne
Aux marques seulement que ta bouche me donne.
ISABELLE, à part.

O ciel, sois-moi propice, et seconde en ce jour
Le stratagème adroit d'un innocent amour!

SCANARELLE.

Dis-tu pas qu'on t'a dit qu'il s'appelle Valère?

Oui.

ISABELLE.

SGANARELLE.

Va, sois en repos, rentre, et me laisse faire; Je vais parler sur l'heure à ce jeune étourdi. ISABELLE, en s'en allant, Je fais, pour une fille, un projet bien hardi: Mais l'injuste rigueur dont envers moi l'on use Dans tout esprit bien fait me servira d'excuse.

SCÈNE II.

SGANARELLE.

(Il frappe à sa porte, croyant que c'est celle de
Valère.)

Ne perdóns point de temps: c'est ici. Qui va là?
Bon! je rêve. Holà, dis-je, holà quelqu'un, holà.
Je ne m'étonne pas, après cette lumière,
S'il y venoit tantôt de si douce manière.
Mais je veux me hâter, et de son fol espoir...

SCÈNE III.

VALÈRE, SGANARELLE, ERGASTE.

SGANARELLE, à Ergaste qui est sorti brusquement.
Peste soit du gros bœuf, qui, pour me faire choir,
Se vient devant mes pas planter comme une perche!

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SGANARELLE.

Je viens vous parler, si vous le trouvez bon.

VALÈRE.

Puis-je être assez heureux pour vous rendre service?

SGANARELLE.

Non. Mais je prétends, moi, vous rendre un bon office; Et c'est ce qui chez vous prend droit de m'amener.

Chez moi, monsieur?

VALÈRE.

SGANARELLE.

Chez vous. Faut-il tant s'étonner? VALÈRE.

J'en ai bien du sujet; et mon ame ravie

De l'honneur...

SGANARELLE.

Laissons là cet honneur, je vous prie.
VALÈRE.

Voulez-vous pas entrer?

SGANARELLE.

Il n'en est pas besoin.
VALÈRE.

Monsieur, de grace!

SGANARELLE.

Non, je n'irai pas plus loin.

VALÈRE.

Tant que vous serez là, je ne puis vous entendre.

SGANARELLE.

Moi, je n'en veux bouger.

VALÈRE.

Hé bien! il faut se rendre.

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