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A vos desirs inexorable,

Vous trouveroit en face un marquis repoussable, Ne démordez point pour cela;

Tenez toujours ferme là:

A déboucher la porte il iroit trop du vôtre;
Faites qu'aucun n'y puisse pénétrer,
Et qu'on soit obligé de vous laisser entrer
Pour faire entrer quelque autre.

Quand vous serez entré, ne vous relâchez pas ;
Pour assiéger la chaise il faut d'autres combats:
Tâchez d'en être des plus proches,

En y gagnant le terrain pas à pas ;
Et, si des assiégeants le prévenant amas
En bouche toutes les approches,
Prenez le parti doucement
D'attendre le prince au passage;
Il connoîtra votre visage
Malgré votre déguisement;
Et lors, sans tarder davantage,
Faites-lui votre compliment.

Vous pourriez aisément l'étendre,

Et parler des transports qu'en vous font éclater
Les surprenants bienfaits que, sans les mériter,
Sa libérale main sur vous daigne répandre,
Et des nouveaux efforts où s'en va vous porter
L'excès de cet honneur où vous n'osiez prétendre :
Lui dire comme vos desirs

Sont, après ses bontés qui n'ont point de pareilles,
D'employer à sa gloire, ainsi qu'à ses plaisirs,
Tout votre art et toutes vos veilles,

Et là-dessus lui promettre merveilles.
Sur ce chapitre on n'est jamais à sec :
Les muses sont de grandes prometteuses;
Et, comme vos sœurs les causeuses,
Vous ne manquerez pas, sans doute, par le bec.
Mais les grands princes n'aiment guères
Que les compliments qui sont courts;

Et le nôtre sur-tout a bien d'autres affaires
Que d'écouter tous vos discours.

La louange et l'encens n'est pas ce qui le touche:
Dès que vous ouvrirez la bouche

Pour lui parler de grace et de bienfait, Il comprendra d'abord ce que vous voulez dire; Et, se mettant doucement à sourire

D'un air qui sur les cœurs fait un charmant effet, Il passera comme un trait,

Et cela vous doit suffire.

Voilà votre compliment fait.

PERSONNAGES.

MOLIÈRE, marquis ridicule.
BRÉCOURT, homme de qualité.
LA GRANGE, marquis ridicule.
DU CROISY, poëte.

Mademoiselle DU PARC, marquise façonnière.
Mademoiselle BÉJART, prude.

Mademoiselle DE BRIE, sage coquette. Mademoiselle MOLIÈRE, satirique spirituelle. Mademoiselle DU CROISY, peste doucereuse. Mademoiselle HERVÉ, servante précieuse. LA THORILLIÈRE, marquis fâcheux. BÉJART, homme qui fait le nécessaire. QUATRE NÉCESSAIRES.

La scène est à Versailles, dans l'antichambre du Roi.

DE VERSAILLES.

SCÈNE I.

MOLIÈRE, BRÉCOURT, LA GRANGE, DU CROISY; MESDEMOISELLES DU PARC, BÉJART, DE BRIE, MOLIÈRE, DU CROISY, HERVÉ.

MOLIÈRE, seul, parlant à ses camarades qui sont derrière le théâtre.

Allons donc, messieurs et mesdames; vous moquez-vous avec votre longueur? et ne voulezvous pas tous venir ici? La peste soit des gens! Holà, ho, monsieur de Brécourt.

BRÉCOURT, derrière le théâtre.

Quoi ?

MOLIÈRE.

Monsieur de La Grange.

LA GRANGE, derrière le théâtre.

Qu'est-ce ?

MOLIÈRE.

Monsieur du Croisy.

DU CROISY, derrière le théâtre.

Plaît-il?

MOLIÈRE.

Mademoiselle du Parc.

Mlle DU PARC, derrière le théâtre.

Hé bien ?

MOLIÈRE.

Mademoiselle Béjart.

Mlle BÉJART, derrière le théâtre.

Qu'y a-t-il ?

MOLIÈRE.

Mademoiselle de Brie.

Mlle DE BRIE, derrière le théâtre.

Que veut-on ?

MOLIÈRE.

Mademoiselle du Croisy.

Mlle DU CROISY, derrière le théâtre.

Qu'est-ce que c'est ?

MOLIÈRE.

Mademoiselle Hervé.

Mlle HERVÉ, derrière le théâtre.

On y va.

MOLIÈRE.

Je crois que je deviendrai fou avec tous ces gens-ci. Hé!

(Brécourt, La Grange, du Croisy, entrent.) Têtebleu! messieurs, me voulez-vous faire enrager aujourd'hui ?

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