« Résolument, vous vous montrerez. On ne ❝ peut point se passer de vous voir. » Mlle DU PARC. « Mon dieu! que vous êtes une étrange per « sonne! Vous voulez furieusement ce que vous Mlle MOLIÈRE. « Ah! madame, vous n'avez aucun désavan« tage à paroître au grand jour, je vous jure. Les « méchantes gens, qui assuroient que vous met« tiez quelque chose! Vraiment ! je les démenti« rai bien maintenant. » Mlle DU PARC. « Hélas ! je ne sais pas seulement ce qu'on appelle mettre quelque chose. Mais où vont ces << dames? >> " Mlle DE BRIE. « Vous voulez bien, mesdames, que nous vous « donnions en passant la plus agréable nouvelle <«< du monde. Voilà monsieur Lysidas qui vient de « nous avertir qu'on a fait une pièce contre Molière, que les grands comédiens vont jouer. MOLIÈRE. « Il est vrai; on me l'a voulu lire. C'est un « nommé Br... Brou... Brossaut qui l'a faite. » DU CROISY. «Monsieur, elle est affichée sous le nom de << Boursaut; mais, à vous dire le secret, bien des << gens ont mis la main à cet ouvrage, et l'on en « doit concevoir une assez haute attente. Comme <«< tous les auteurs et tous les comédiens regar<«<dent Molière comme leur plus grand ennemi, << nous nous sommes tous unis pour le desservir. « Chacun de nous a donné un coup de pinceau à « son portrait; mais nous nous sommes bien gar<< dés d'y mettre nos noms : il lui auroit été trop « glorieux de succomber, aux yeux du monde, « sous les efforts de tout le Parnasse; et, pour <«< rendre sa défaite plus ignominieuse, nous avons << voulu choisir tout exprès un auteur sans répu << tation. >> Mlle DU PARC. « Pour moi, je vous avoue que j'en ai toutes «<les joies imaginables. » MOLIÈRE. « Et moi aussi. Par la sang-bleu! le railleur « sera raillé ; il aura sur les doigts, ma foi. Mlle DU PARC. " « Cela lui apprendra à vouloir satiriser tout. « Comment! cet impertinent ne veut pas que les femmes aient de l'esprit! Il condamne toutes « nos expressions élevées, et prétend que nous parlions toujours terre à terre ! » Mlle DE BRIE. « Le langage n'est rien mais il censure tous « nos attachements, quelque innocents qu'ils puissent être; et, de la façon qu'il en parle, « c'est être criminelle que d'avoir du mérite. » " Mlle DU CROISY. Cela est insupportable. Il n'y a pas une femme qui puisse plus rien faire. Que ne laisse-t-il en « repos nos maris, sans leur ouvrir les yeux, et «<leur faire prendre garde à des choses dont ils « ne s'avisent pas ? » Mlle BÉJART. « Passe pour tout cela; mais il satirise même « les femmes de bien, et ce méchant plaisant leur << donne le titre d'honnêtes diablesses. » Mlle MOLIÈRE. « C'est un impertinent. Il faut qu'il en ait tout « le soul. » DU CROISY. « La représentation de cette comédie, madame, aura besoin d'être appuyée; et les co«médiens de l'hôtel... » Mlle DU PARC. « Mon dieu! qu'ils n'appréhendent rien; je « leur garantis le succès de leur pièce, corps " pour corps. » Mlle MOLIÈRE. « Vous avez raison, madame. Trop de gens « sont intéressés à la trouver belle. Je vous laisse « penser si tous ceux qui se croient satirisés par « Molière ne prendront point l'occasion de se « venger de lui en applaudissant à cette comédie. BRÉCOURT, ironiquement. « Sans doute ; et pour moi, je réponds de douze marquis, de six précieuses, de vingt coquettes, « et de trente cocus, qui ne manqueront pas d'y « battre des mains. » το Mlle MOLIÈRE. « En effet, pourquoi aller offenser toutes ces personnes-là, et particulièrement les cocus, qui sont les meilleures gens du monde ? » " MOLIÈRE. Par la sang-bleu ! on m'a dit qu'on va le dau- 1 ber, lui et toutes ses comédies, de la belle manière, et les comédiens et les auteurs, depuis le cèdre jusqu'à l'hysope, sont diablement « animés contre lui. » que Mlle MOLIÈRE. « Cela lui sied fort bien. Pourquoi fait-il de méchantes pièces que tout Paris va voir, et où il peint si bien les gens, que chacun s'y con« noît ? Que ne fait-il des comédies, comme celle <«< de monsieur Lysidas? Il n'auroit personne con<< tre lui, et tous les auteurs en diroient du bien. « Il est vrai que de semblables comédies n'ont « pas ce grand concours de monde : mais, en revanche, elles sont toujours bien écrites; per« sonne n'écrit contre elles, et tous ceux qui les << voient meurent d'envie de les trouver belles. » DU CROISY. « Il est vrai que j'ai l'avantage de ne me point |