Images de page
PDF
ePub

« faire d'ennemis, et que tous mes ouvrages ont « l'approbation des savants. »

[ocr errors]

Mlle MOLIÈRE.

« Vous faites bien d'être content de vous: cela « vaut mieux que tous les applaudissements du public, et que tout l'argent qu'on sauroit ga«gner aux pièces de Molière. Que vous importe qu'il vienne du monde à vos comédies, pourvu qu'elles soient approuvées par messieurs vos « confrères? »

[ocr errors]

"

LA GRANGE.

« Mais quand jouera-t-on le Portrait du

« Peintre ? >>

DU CROISY.

« Je ne sais, mais je me prépare fort à paroître « des premiers sur les rangs, pour crier, Voilà qui est beau! »

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

« Pour moi, j'y payerai de ma personne comme

il faut; et je réponds d'une bravoure d'appro<«< bation qui mettra en déroute tous les jugements << ennemis. C'est bien la moindre chose que nous

« devions faire, que d'épauler de nos louanges le

[ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

« Et ce qu'il nous faut faire toutes. »

[blocks in formation]

<< Point de quartier à ce contrefaiseur de gens.

MOLIÈRE.

«Ma foi, chevalier mon ami, il faudra

« Molière se cache. »

"

BRÉCOURT.

[ocr errors]
[blocks in formation]

Qui? lui? Je te promets, marquis, qu'il fait « dessein d'aller sur le théâtre rire, avec tous les « autres, du portrait qu'on a fait de lui. »

[ocr errors]

MOLIÈRE.

<< Parbleu! ce sera donc du bout des dents qu'il

« y rira.

"

"

BRÉCOURT.

Va, va, peut-être qu'il y trouvera plus de sujets de rire que tu ne penses. On m'a montré

« la pièce; et comme tout ce qu'il y a d'agréable

"

<< sont effectivement les idées qui ont été prises « de Molière, la joie que cela pourra donner << n'aura pas lieu de lui déplaire, sans doute; car, « pour l'endroit où l'on s'efforce de le noircir, je « suis le plus trompé du monde, si cela est approuvé de personne. Et quant à tous les gens qu'ils ont tâché d'animer contre lui, sur ce qu'il fait, dit-on, des portraits trop ressemblants, « outre que cela est de fort mauvaise grace, je ne « vois rien de plus ridicule et de plus mal pris; « et je n'avois pas cru jusqu'ici que ce fût un su‹jet de blâme pour un comédien, que de peindre trop bien les hommes. »

་་

"

[ocr errors]
[ocr errors]

LA GRANGE.

« Les comédiens m'ont dit qu'ils l'attendoient « sur la réponse, et que... »

BRÉCOURT.

« Sur la réponse? Ma foi, je le trouverois un «grand fou, s'il se mettoit en peine de répondre «< à leurs invectives. Tout le monde sait assez de

"

[ocr errors]

"

quel motif elles peuvent partir; et la meilleure réponse qu'il leur puisse faire, c'est une comé« die qui réussisse comme toutes ses autres : voilà « le vrai moyen de se venger d'eux comme il

"

faut. Et de l'humeur dont je les connois, je suis « fort assuré qu'une pièce nouvelle qui leur en« levera le monde les fàchera bien plus que toutes

« les satires qu'on pourroit faire de leurs per

«sonnes. »

"

MOLIÈRE.

Mais, chevalier... ? »

Mlle BÉJART.

Souffrez que j'interrompe pour un peu la répétition. (à Molière. ) Voulez-vous que je vous die ? Si j'avois été en votre place, j'aurois poussé les choses autrement. Tout le monde attend de vous une réponse vigoureuse; et, après la manière dont on m'a dit que vous étiez traité dans cette comédie, vous étiez en droit de tout dire contre les comédiens, et vous deviez n'en épargner aucun.

MOLIÈRE.

J'enrage de vous ouïr parler de la sorte. Et voilà votre manie à vous autres femmes: vous voudriez que je prisse feu d'abord contre eux, et qu'à leur exemple j'allasse éclater promptement en invectives et en injures. Le bel honneur que j'en pourrois tirer! et le grand dépit que je leur ferois! Ne se sont-ils pas préparés de bonne volonté à ces sortes de choses? et, lorsqu'ils ont délibéré s'ils joueroient le Portrait du Peintre, sur la crainte d'une riposte, quelques uns d'entre eux n'ont-ils pas répondu, Qu'il nous rende toutes les injures qu'il voudra, pourvu que nous ga

gnions de l'argent? N'est-ce pas là la marque d'une ame fort sensible à la honte? et ne me vengerois-je pas bien d'eux en leur donnant ce qu'ils veulent bien recevoir ?

Mlle DE BRIE.

Ils se sont fort plaints toutefois de trois ou quatre mots que vous avez dits d'eux dans la Critique et dans vos Précieuses.

MOLIÈRE.

Il est vrai, ces trois ou quatre mots sont fort offensants, et ils ont grande raison de les citer! Allez, allez, ce n'est pas cela. Le plus grand mal que je leur aie fait, c'est que j'ai eu le bonheur de plaire un peu plus qu'ils n'auroient voulu; et tout leur procédé, depuis que nous sommes venus à Paris, a trop marqué ce qui les touche. Mais laissons-les faire tant qu'ils voudront; toutes leurs entreprises ne doivent point m'inquiéter. Ils critiquent mes pièces, tant mieux ; et Dieu me garde d'en faire jamais qui leur plaisent! ce seroit une mauvaise affaire pour moi.

Mlle DE BRIE.

Il n'y a pas grand plaisir pourtant à voir déchi

rer ses ouvrages.

MOLIÈRE.

Et qu'est-ce que cela me fait ? N'ai-je pas obtenu de ma comédie tout ce que j'en voulois ob

« PrécédentContinuer »