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ISABELLE.

C'est l'unique moyen de me rendre contente.

SGANARELLE.

Tu le seras dans peu.

ISABELLE.

Je sais qu'il est honteux

Aux filles d'expliquer si librement leurs vœux.

SGANARELLE.

Point, point.

ISABELLE.

Mais en l'état où sont mes destinées,

De telles libertés doivent m'être données;
Et je puis, sans rougir, faire un aveu si doux
A celui que déja je regarde en époux.

SGANARELLE.

Oui, ma pauvre fanfan, pouponne de mon ame.

ISABELLE.

Qu'il songe donc, de grace, à me prouver sa flamme.

SGANARELLE.

Oui, tiens, baise ma main.

ISABELLE.

Que sans plus de soupirs

Il conclue un hymen qui fait tous mes desirs. Et reçoive en ce lieu la foi que je lui donne De n'écouter jamais les vœux d'autre personne. (Elle fait semblant d'embrasser Sganarelle, et donne sa main à baiser à Valère.)

SGANARELLE.

Hai, hai, mon petit nez, pauvre petit bouchon,
Tu ne languiras pas long-temps, je t'en répond.

Va, chut.

(à Valère.)

Vous le voyez, je ne lui fais pas dire,
Ce n'est qu'après moi seul que son ame respire.
VALÈRE.

Hé bien! madame, hé bien! c'est s'expliquer assez:
Je vois par ce discours de quoi vous me pressez;
Et je saurai dans peu vous ôter la présence
De celui qui vous fait si grande violence.

ISABELLE.

Vous ne me sauriez faire un plus charmant plaisir; Car enfin cette vue est fâcheuse à souffrir:

Elle m'est odieuse; et l'horreur est si forte...

Hé! hé!

SGANARELLE.

ISABELLE.

Fais-je...

Vous offense-je en parlant de la sorte?

SGANARELLE.

Mon dieu! nenni, je ne dis pas cela:

Mais je plains, sans mentir, l'état où le voilà;
Et c'est trop hautement que ta haine se montre.

ISABELLE.

Je n'en puis trop montrer en pareille rencontre.

VALÈRE.

Oui, vous serez contente; et dans trois jours vos yeux Ne verront plus l'objet qui vous est odieux.

ISABELLE.

A la bonne heure. Adieu.

SGANARELLE, à Valère.

Mais...

Je plains votre infortune:

VALÈRE.

Non, vous n'entendrez de mon cœur plainte aucune Madame assurément rend justice à tous deux,

Et je vais travailler à contenter ses vœux.

Adieu.

SGANARELLE

Pauvre garçon ! sa douleur est extrême.

Venez, embrassez-moi ; c'est un autre elle-même. (Il embrasse Valère.)

SCÈNE XV.

ISABELLE, SGANARELLE.

SGANARELLE.

Je le tiens fort à plaindre.

ISABELLE.

Allez, il ne l'est point.

SCANARELLE.

Au reste, ton amour me touche au dernier point,
Mignonnette, et je veux qu'il ait sa récompense:
C'est trop que de huit jours pour ton impatience;
Dès demain je t'épouse, et n'y veux appeler...

Dès demain?

ISABELLE.

SGANARELLE.

Par pudeur tu feins d'y reculer;

Mais je sais bien la joie où ce discours te jette, Et tu voudrois déja que la chose fût faite.

Mais...

ISABELLE.

SGANARELLE.

Pour ce mariage allons tout préparer.
ISABELLE, à part.

O ciel, inspirez-moi ce qui peut le parer!

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ACTE TROISIÈME.

SCÈNE I.

ISABELLE.

Oui, le trépas cent fois me semble moins à craindre
Que cet hymen fatal où l'on veut me contraindre;
Et tout ce que je fais pour en fuir les rigueurs
Doit trouver quelque grace auprès de mes censeurs.
Le temps presse, il fait nuit; allons, sans crainte aucune,
A la foi d'un amant commettre ma fortune.

SCÈNE II.

SGANARELLE, ISABELLE.

SGANARELLE, parlant à ceux qui sont dans sa

maison.

Je reviens, et l'on va pour demain de ma part...

O ciel!

ISABELLE.

SGANARELLE.

C'est toi, mignonne! Où vas-tu donc si tard?
Tu disois qu'en ta chambre, étant un peu lassée,
Tu t'allois renfermer, lorsque je t'ai laissée;

Et tu m'avois prié même que mon retour

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