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Il craint de se flatter; et, dans ses divers soins,
Ce que plus il souhaite est ce qu'il croit le moins.
Mais songeons à trouver une beauté si rare.

LA MONTAGNE.

Monsieur, votre rabat par devant se sépare.

ÉRASTE.

N'importe.

LA MONTAGNE.

Laissez-moi l'ajuster, s'il vous plaît.

ÉRASTE.

Ouf! tu m'étrangles; fat, laisse-le comme il est.

LA MONTAGNE.

Souffrez qu'on peigne un peu...

ÉRASTE.

Sottise sans pareille!

Tu m'as d'un coup de dent presque emporté l'oreille.

LA MONTAGNE.

Vos canons...

ÉRASTE.

Laisse-les; tu prends trop de souci.

LA MONTAGNE.

Ils sont tout chiffonnés.

ÉRASTE.

Je veux qu'ils soient ainsi.

LA MONTAGNE.

Accordez-moi du moins, par grace singulière,

De frotter ce chapeau qu'on voit plein de poussière. ÉRASTE.

Frotte donc, puisqu'il faut que j'en passe par-là.

LA MONTAGNE.

Le voulez-vous porter fait comme le voilà?

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T'es-tu de ce chapeau pour toujours emparé?

LA MONTAGNE.

C'est fait.

ÉRASTE.

Donne-moi donc.

LA MONTAGNE, laissant tomber le chapeau.

Hai!

ÉRASTE.

Le voilà par terre!

Je suis fort avancé. Que la fièvre te serre!

LA MONTAGNE.

Permettez qu'en deux coups j'ôte...

ÉRASTE.

Il ne me plaît pas.

Au diantre tout valet qui vous est sur les bras,

Qui fatigue son maître, et ne fait que déplaire,
A force de vouloir trancher du nécessaire!

SCÈNE II.

ORPHISE, ALCIDOR, ÉRASTE, LA MONTAGNE. (Orphise traverse le fond du théâtre; Alcidor lui donne la main.)

ÉRASTE.

Mais vois-je pas Orphise? Oui, c'est elle qui vient. Où va-t-elle si vite? et quel homme la tient? (Il la salue comme elle passe; et elle, en passant, détourne la tête.)

SCÈNE III.

ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ÉRASTE.

Quoi ! me voir en ces lieux devant elle paroître, Et passer en feignant de ne me pas connoître! Que croire? qu'en dis-tu? Parle donc, si tu veux.

LA MONTAGNE.

Monsieur, je ne dis rien, de peur d'être fâcheux.
ÉRASTE.

Et c'est l'être en effet que de ne me rien dire
Dans les extrémités d'un si cruel martyre.

Fais donc quelque réponse à mon cœur abattu:
Que dois-je présumer? Parle, qu'en penses-tu?
Dis-moi ton sentiment.

LA MONTAGNE.

Monsieur, je veux me taire,

Et ne desire point trancher du nécessaire.

ÉRASTE.

Peste l'impertinent! Va-t'en suivre leurs pas;
Vois ce qu'ils deviendront, et ne les quitte pas.

LA MONTAGNE, revenant sur ses pas.

Il faut suivre de loin?...

ÉRASTE.
Oui.

LA MONTAGNE, revenant sur ses pas.

Sans que l'on me voie,

Ou faire aucun semblant qu'après eux on m'envoie?

ÉRASTE.

Non tu feras bien mieux de leur donner avis
Que par mon ordre exprès ils sont de toi suivis.

LA MONTAGNE, revenant sur ses pas.

Vous trouverai-je ici?

ÉRASTE.

Que le ciel te confonde,

Homme, à mon sentiment, le plus fâcheux du monde!

SCÈNE IV.

ÉRASTE.

Ah! que je sens de trouble! et qu'il m'eût été doux
Qu'on me l'eût fait manquer ce fatal rendez-vous!
Je pensois y trouver toutes choses propices,

Et mes yeux pour mon cœur y trouvent des supplices.

SCÈNE V.

LISANDRE, ÉRASTE.

LISANDRE.

Sous ces arbres de loin mes yeux t'ont reconnu,
Cher marquis, et d'abord je suis à toi venu.
Comme à de mes amis, il faut que je te chante
Certain air que j'ai fait de petite courante,
Qui de toute la cour contente les experts,

Et sur qui plus de vingt ont déja fait des vers.
J'ai le bien, la naissance, et quelque emploi passable,
Et fais figure en France assez considérable;

Mais je ne voudrois pas, pour tout ce que je suis,
N'avoir point fait cet air qu'ici je te produis.

(Il prélude.)

La, la... Hem, hem, écoute avec soin, je te prie. (Il chante sa courante.)

N'est-elle pas belle?

ÉRASTE.

Ah!

LISANDRE.

Cette fin est jolie.

(Il rechante la fin quatre ou cinq fois de suite.)

Comment la trouves-tu?

ÉRASTE.

Fort belle assurément.

LISANDRE.

Les pas que j'en ai faits n'ont pas moins d'agrément,

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