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Et sur-tout la figure a merveilleuse grace.

(Il chante, parle et danse tout ensemble.)
Tiens, l'homme passe ainsi, puis la femme repasse:
Ensemble; puis on quitte, et la femme vient là.
Vois-tu cǝ petit trait de feinte que voilà?

Ce fleuret? ces coupés, courant après la belle?
Dos à dos, face à face, en se pressant sur elle.
Que t'en semble, marquis?

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Je me moque, pour moi, des maîtres baladins.

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Ma foi, pour le présent, j'ai certain embarras...

LISANDRE.

Et bien donc, ce sera lorsque tu le voudras.
Si j'avois dessus moi ces paroles nouvelles,

Nous les lirions ensemble, et verrions les plus belles.

Une autre fois.

ÉRASTE.

LISANDRE.

Adieu. Baptiste le très cher

N'a point vu ma courante, et je le vais chercher:
Nous avons pour les airs de grandes sympathies,
Et je veux le prier d'y faire des parties.
(Il s'en va chantant toujours.)

SCÈNE VI.

ÉRASTE.

Ciel! faut-il que le rang,

dont on veut tout couvrir, De cent sots tous les jours nous oblige à souffrir, Et nous fasse abaisser jusques aux complaisances D'applaudir bien souvent à leurs impertinences!

SCÈNE VII.

ÉRASTE, LA MONTAGNE.

LA MONTAGNE.

Monsieur, Orphise est seule, et vient de ce côté.

ÉRASTE.

Ah! d'un trouble bien grand je me sens agité!
J'ai de l'amour encor pour la belle inhumaine,
Et ma raison voudroit que j'eusse de la haine.

LA MONTAGNE.

Monsieur, votre raison ne sait ce qu'elle veut,
Ni ce que sur un cœur une maîtresse peut.
Bien

que de s'emporter on ait de justes causes, Une belle d'un mot rajuste bien des choses.

ÉRASTE.

Hélas! je te l'avoue, et déja cet aspect
A toute ma colère imprime le respect.

SCÈNE VII.

ORPHISE, ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ORPHISE.

Votre front à mes yeux montre peu d'alégresse! Seroit-ce ma présence, Éraste, qui vous blesse? Qu'est-ce done? qu'avez-vous? et sur quels déplaisirs, Lorsque vous me voyez, poussez-vous des soupirs?

ÉRASTE.

Hélas! pouvez-vous bien me demander, cruelle,
Ce qui fait de mon cœur la tristesse mortelle?
Et d'un esprit méchant n'est-ce pas un effet,
Que feindre d'ignorer ce que vous m'avez fait?
Celui dont l'entretien vous a fait à ma vue
Passer...

ORPHISE, riant.

C'est de cela que votre ame est émue?
ÉRASTE.

Insultez, inhumaine, encore à mon malheur:
Allez, il vous sied mal de railler ma douleur,
Et d'abuser, ingrate, à maltraiter ma flamme,
Du foible que pour vous vous savez qu'a mon ame.

ORPHISE.

Certes, il en faut rire, et confesser ici

Que vous êtes bien fou de vous troubler ainsi.

L'homne dont vous parlez, loin qu'il puisse me plaire,
Est un homme fâcheux dont j'ai su me défaire,
Un de ces importuns et sots officieux

Qui ne pourroient souffrir qu'on soit seule en des lieux,
Et viennent aussitôt, avec un doux langage,
Vous donner une main contre qui l'on enrage.
J'ai feint de m'en aller pour cacher mon dessein,
Et jusqu'à mon carrosse il m'a prêté la main.
Je m'en suis promptement défaite de la sorte;
Et j'ai, pour vous trouver, rentré par l'autre porte.

É RASTE.

A vos discours, Orphise, ajouterai-je foi?
Et votre cœur est-il tout sincère pour moi?

ORPHISE.

Je vous trouve fort bon de tenir ces paroles,
Quand je me justifie à vos plaintes frivoles.
Je suis bien simple encore; et ma sotte bonté...
ÉRASTE.

Ah! ne vous fâchez pas, trop sévère beauté :
Je veux croire en aveugle, étant sous votre empire,
Tout ce que vous aurez la bonté de me dire.
Trompez, si vous voulez, un malheureux amant;
J'aurai pour vous respect jusques au monument...
Maltraitez mon amour, refusez-moi le vôtre,
Exposez à mes yeux le triomphe d'un autre;
Oui, je souffrirai tout de vos divins appas.
J'en mourrai : mais enfin je ne m'en plaindrai pas.

ORPHISE.

Quand de tels sentiments régneront dans votre ame, Je saurai de ma part...

SCÈNE IX.

ALCANDRE, ORPHISE, ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ALCANDRE.

Orphise.)

Marquis, un mot. Madame,

De grace, pardonnez si je suis indiscret

En osant devant yous lui parler en secret. (Orphise sort. )

SCÈNE X.

ALCANDRE, ÉRASTE, LA MONTAGNE.

ALCANDRE.

Avec peine, marquis, je te fais la prière:
Mais un homme vient là de me rompre en visière,
Et je souhaite fort, pour ne rien reculer,

Qu'à l'heure de ma part tu l'ailles appeler.
Tu sais qu'en pareil cas ce seroit avec joie
Que je te le rendrois en la même monnoie.
ÉRASTE, après avoir été quelque temps sans parler.
Je ne veux point ici faire le capitan :

Mais on m'a vu soldat avant que courtisan;
J'ai servi quatorze ans, et je crois être en passe
De pouvoir d'un tel pas me tirer avec grace,
Et de ne craindre point qu'à quelque lâcheté
Le refus de mon bras me puisse être imputé.

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