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pas nécessaire pour qu'il y ait punition, à moins que la loi ne l'ait exceptionnellement et textuellement exigée (1).

405. Enfin, si l'on veut jeter un dernier jour sur la question, en dressant un tableau général méthodique des cas très-nombreux dans lesquels le Code pénal ou les lois spéciales ont voulu frapper de peines publiques la faute même non intentionnelle, on pourra les ranger suivant les quatre catégories que nous avons déjà rationnellement indiquées cidessus, no 384 (2).

406. En résumé, on voit que parmi ces faits figurent, d'après nos lois, quelques crimes, de nombreux délits correctionnels et presque toutes les contraventions de police.

407. Notre Code pénal n'a rien dit non plus de général sur l'ignorance ou l'erreur de fait ou de droit.

Quant à l'erreur de fait, quelques dispositions particulières que nous aurons à expliquer plus tard peuvent s'y référer (3); mais on

(1) Art. 475, no 8, et 479, nos 1 et 9, déjà cités ci-dessus, p. 160, note 1. (2) 1o Fonctionnaires et préposés, citoyens appelés à remplir certains services publies, à faire certains actes, certaines déclarations: Cod. pén., art. 119, fonctionnaires publics chargés de constater les détentions illégales et arbitraires; 155, officiers publics chargés de la délivrance des passe-ports; 192, 193, 194, officiers de l'état civil; 196, tout fonctionnaire entré en exercice de ses fonctions sans avoir prêté le serment voulu; 199, ministres d'un culte; 237 à 240, préposés à la conduite, au transport ou à la garde des détenus; 249, 250, gardiens de scellés; 254, greffiers, archivistes, notaires ou autres dépositaires de pièces; 346, déclaration d'accouchement; 347, remise à l'autorité ou déclaration d'enfant nouveau-né qui aurait été trouvé; plus, les nombreuses dispositions des autres codes ou des lois spéciales qui peuvent se ranger sous cette rubrique. 2o Certaines professions qui exigent des garanties, des connaissances ou une habileté spéciales, des précautions à prendre ou une surveillance de l'autorité : nombreuses lois spéciales réglementaires de ces professions. 3o Certains préjudices, certains risques si graves, que nous sommes obligés toujours, dans l'exercice de notre activité, d'apporter la plus grande attention à les prévenir: Cod. pén., 319, homicide; 320, blessures; 458, incendie; 459 à 462, maladies contagieuses d'animaux ou de bestiaux; art. 19, 20 et 21 de la loi spéciale du 15 juillet 1845, accidents sur les chemins de fer, etc. 40 Enfin, intérêt général ou municipal de perception des impôts, de tranquillité, de salubrité, d'ordre et de libre circulation, de conservation des monuments et des voies publiques, des forêts, des eaux, du poisson, du gibier, et autres semblables spécialités. Plusieurs articles du Code pénal se rangent sous cette rubrique art. 259, port public illégal de costume, uniforme ou décoration; 271, vagabondage; 274, mendicité; 291 à 294, association de plus de vingt personnes; 358, inhumation sans autorisation préalable; 456, conservation des fossés, clôtures, haies, bornes ou pieds corniers; plus tous les articles constitutifs de contraventions de simple police, à moins que la loi n'y ait exprimé formellement la nécessité de l'intention. Mais c'est ici surtout que se rangent un grand nombre de lois spéciales sur les forêts (Code forestier), sur la pêche fluviale, sur la police rurale, sur la chasse, sur la voirie et le roulage, sur les chemins de fer, sur les télégraphes électriques, sur la police sanitaire, sur les contributions indirectes, sur la poste aux lettres et la poste aux chevaux, sur les douanes, sur l'imprimerie, sur la presse, et tant d'autres innombrables dispositions conçues dans le même esprit.

(3) Cod. pén, art. 60, 61, 62, 63, 83, 96, 99, 135, 154, 248, 268 et 400.On peut aussi rapporter ici l'article 317, §§ 4 et 5, lequel, rapproché par comparaison de l'article 309, et confronté d'une part avec l'article 301, qui définit le crime d'empoisonnement, d'autre part avec l'article 295, qui définit le meurtre, présente de sérieuses difficultés sur le fait de celui qui aurait occasionné la mort de quelqu'un,

INTENTION. 163

voit que le législateur le législateur ne s'est point guidé sur un principe certain et réglementaire, et ses dispositions à cet égard ne sont pas toujours à l'abri de la controverse ou de la critique. Cependant, partout où le texte n'y fera pas obstacle, nous appliquerons la règle rationnelle exposée ci-dessus, no 387.

Quant à l'ignorance de droit, elle reste, sans aucun doute, sous l'empire du principe général que le délinquant ne saurait s'en prévaloir pour échapper à la punition; le juge toutefois, dans les cas où il a la faculté de se mouvoir entre un maximum et un minimum, ou d'avoir égard aux circonstances atténuantes, pourrait prendre cette ignorance en considération comme nuance de la culpabilité individuelle, suivant les observations que nous avons faites au point de vue rationnel (n° 388).

:

408. Rien non plus de généralement réglementaire dans le Code pénal relativement à la mesure dans laquelle le délinquant doit être puni à raison des conséquences préjudiciables de son délit, lorsque ces conséquences ont dépassé son intention mais seulement des dispositions particulières sur quelques cas spécialement prévus, dispositions qui n'offrent pas de caractère d'unité ni de fixité dans les principes (1).

409. Rien non plus enfin de général sur la responsabilité à l'oc

sans intention de la donner,

croyait de nature seulement à produire une maladie ou indisposition passagère, et dont

en lui administrant volontairement une substance qu'il

il ignorait le caractère mortel.

(1) Le Code pénal a tenu compte du résultat préjudiciable du délit, mais seulement comme circonstance aggravante qui fait augmenter la peine art. 309, 310, dans le cas de coups et blessures, suivant qu'elles ont occasionné la mort sans intention de la donner (crime), une maladie ou incapacité de travail personnel pendant plus de vingt jours (crime), correctionnel). Il faut remarquer que sous le Code de 1810 la jurisprudence, en cas de coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner, imputait à l'accusé cette mort comme s'il l'avait voulue et appliquait la peine du meurtre. La disposition nouvelle a été introduite par la loi de 1832. Art. 317, même distinction, introduite également en 1832, quant à l'administration de substances nuisibles à la santé; sauf ce qui concerne le cas de mort, que la loi n'a pas suffisamment réglé en cette hypothèse. Art. 461, dans le cas de maladie contagieuse occasionnée en lais

ou une maladie ou incapacité de moins de durée (délit

sant communiquer

Le Code impute au délinquant le résultat préjudiciable et le punit comme s'il l'avait den vue: art. 351, dans le cas d'exposition et de délaissement en un lieu solitaire - art. 434 et 435, incendie d'édifices,

avec d'autres les animaux ou bestiaux infectés.

d'un enfant au-dessous de sept ans accomplis;

navires, bateaux, magasins, chantiers, même non habités ni servant à l'habitation, ou

-

- Art. 437, même

meules, si la mort de quelqu'un en est résultée, peine de mort. ·
disposition pour la destruction ou le renversement, par quelque moyen que ce soit, en
tout ou en partie, d'édifices, ponts, digues ou chaussées, ou autres constructions, s'il

Ja eu homicide.

vement à l'homicide ou aux blessures occasionnées par quiconque aurait volontairecet article 437, dans la loi sur les chemins de fer, du 15 juillet 1845, art. 16, relatiOn peut ajouter pour exemple une disposition analogue à celle de ment détruit ou dérangé la voie de fer, placé un objet faisant obstacle à la circulation ou employé un moyen quelconque pour entraver la marche des convois ou les faire

sortir des rails.

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casion des faits d'autrui. Certaines lois spéciales en matière de contraventions prévues par elles ont quelquefois déclaré formellement la responsabilité pénale des patrons, maîtres ou gens exerçant certaine profession, à l'occasion des faits de leurs ouvriers, serviteurs ou agents (1) aucun doute n'existe alors. Mais quand la loi ne s'explique pas à cet égard, et c'est la majeure partie des cas, notamment dans le Code pénal au sujet des contraventions par lui spécifiées, quand faut-il admettre et quand repousser cette responsabilité? Le soin en est laissé à la jurisprudence, qui dans la pratique résout diversement, espèce par espèce, la difficulté. Nous croyons que ce sont les principes rationnels par nous exposés ci-dessus (no 394) qui doivent être pris pour base de semblables décisions.

Le Code pénal a été beaucoup plus loin, en imputant, dans certains cas, même des crimes à des personnes qui ne les ont pas commis, qui peuvent même les avoir ignorés et n'en avoir eu aucunement l'intention (2).

CHAPITRE III.

DE L'AGENT DU DÉLIT CONSIDÉRÉ DANS SON CORPS.

410. Le corps fournit aux facultés psychologiques de l'homme l'instrument pour s'exercer, les forces physiques à mettre en jeu ou à retenir. Considérer l'agent du délit dans son corps, c'est donc le considérer dans l'instrument physique d'exécution il s'agit de savoir de quelle manière et jusqu'à quel point le délinquant a participé de son corps au délit commis.

:

411. Čet examen n'offre aucune importance en ce qui concerne l'imputabilité, par la raison que la matière ne saurait être cause première ni cause raisonnable; ces deux conditions essentielles de l'imputabilité ne résident que dans le moral.

Il en offre fort peu quant à la mesure de la culpabilité, par

(1) Loi du 30 mai 1851 sur la police du roulage et des messageries publiques,

art. 7 et 13.

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(2) Art. 61, crimes et délits commis par des malfaiteurs exerçant des brigandages ou des violences spécifiés audit article, imputables aux personnes qui, connaissant la conduite criminelle de ces malfaiteurs, leur fournissent habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion, comme s'ils en étaient les complices. Art. 313, crimes et délits prévus dans les articles 295 et suiv., savoir: meurtre, assassinat, coups, blessures, etc., qui, s'ils ont été commis en réunion séditieuse, avec rébellion ou pillage, seront imputables aux chefs comme s'ils les avaient personnellement commis. loi sur les chemins de fer, art. 17, a reculé devant toutes les conséquences de cette rigueur, qui n'est point conforme aux principes de la justice rationnelle (ci-dessus, no 393), et les a adoucies lorsque la peine ainsi encourue serait celle de mort.

La

la raison que c'est aussi dans l'élément moral que la culpabilité a son principal fondement. Cependant, comme elle est susceptible de s'empreindre en ses nuances diverses d'un reflet de toutes les circonstances qui se rencontrent dans le délit (ci-dess., no 229), on conçoit que la considération du corps puisse y apporter, selon les cas, du plus on du moins, sans que cette influence sorte des limites de la culpabilité individuelle et de l'appréciation à faire par le juge de la culpabilité dans chaque cause.

412. Ainsi l'homme a-t-il exécuté lui-même l'acte qu'il a résolu (le moral et le corps): il est à la fois auteur moral et auteur matériel du délit. C'est le cas le plus fréquent.

413. Mais il pourrait se faire que, l'ayant conçu et résolu, il le fit exécuter par un autre à prix d'argent ou par des promesses, par des menaces, s'abstenant quant à lui d'y coopérer physiquement (le moral sans le corps): auteur moral sans être auteur matériel, le délit ne lui en serait pas moins imputable, sauf à apprécier les nuances de la culpabilité individuelle, qui pourra s'abaisser ou peut-être s'élever à raison de cette circonstance, suivant chaque cas.

414. Enfin, si l'homme a produit l'acte physiquement, sans que le moral y ait eu part (le corps sans le moral), comme lorsqu'il est contraint par une force matérielle irrésistible, ou bien dans certains autres cas par nous examinés aux précédents chapitres, auteur matériel sans être auteur moral, il n'y a pas d'imputabilité. 415. On voit par ces trois hypothèses, qui sont les seules possibles, combien peu d'importance a la considération du corps ou instrument physique, quant à l'imputabilité, et même quant à la mesure de la culpabilité abstraite ou générale. En procédure, en ce qui concerne les éléments de preuve, elle en a bien davantage.

CHAPITRE IV.

DE L'AGENT DU DÉLIT CONSIDÉRÉ DANS SES DROITS.

état de raison et de liberté, avec l'intention du mal qu'il a produit, 416. Tout n'est pas dit lorsqu'il est établi que l'agent a fait, en un acte rentrant par le préjudice occasionné dans la définition d'un crime ou d'un délit; car s'il avait le droit, même le devoir d'agir ainsi, l'acte lui serait sans doute imputable; mais loin qu'il y eût place à aucune culpabilité, il lui serait souvent imputable à bien, imputable à éloge ou à honneur. Que si on suppose les conditions constitutives du droit de l'agent incomplètes, ou si l'agent a dépassé les limites de son droit, alors la culpabilité existe, mais elle est atténuée.-Soit donc pour la question sur l'existence, soit pour

celle

sur la mesure de la culpabilité, après l'étude de l'agent dans son moral et dans son corps il reste encore à l'étudier dans ses droits.

§ 1. Du droit de légitime défense.

1° Suivant la science rationnelle.

417. Du droit de conservation et de bien-être qui appartient à l'homme, dérive pour lui le droit de repousser par la force les agressions injustes dont il serait l'objet.

418. Vivant, par la propre loi de sa création, en société, les forces collectives de l'association sont organisées pour le mettre à l'abri de semblables agressions et pour le défendre au besoin, de telle sorte que les luttes privées ne soient plus nécessaires et soient interdites généralement.

419. Mais la force sociale n'est pas toujours présente, et même présente il pourrait se faire qu'elle ne fût pas en état de défendre avec efficacité l'individu en danger: alors celui-ci a le droit incontestable de recourir à sa force personnelle, à la défense privée, à défaut de la défense publique qui est absente ou insuffisante.

420. De là découlent les premières conditions à assigner au droit de défense: il faut que l'agression soit injuste, autrement le droit de la repousser n'existerait pas; ainsi le malfaiteur que la force publique poursuit et veut arrêter ne peut pas se dire en état de légitime défense. -Il faut de plus que l'agression soit violente, c'est-à-dire employant une force de fait à produire la lésion de droit à laquelle elle tend, car si ce caractère manque il n'est pas nécessaire de recourir à la force pour la repousser. — Il faut qu'elle soit présente, faisant courir un péril imminent : car passée, le mal est fait, il ne s'agit plus de se défendre contre elle, il s'agit seulement de la faire punir s'il y a lieu, or prétendre la punir soi-même serait nou plus défense mais vengeance; et future, c'est-à-dire consistant seulement en menaces pour l'avenir, on a le temps d'y pourvoir, l'emploi immédiat de la force n'est pas motivé. Enfin il faut que les circonstances soient telles que la personne attaquée en soit réduite à faire usage de sa propre énergie, de ses propres forces de résistance et de protection individuelles; s'il peut recourir à l'autorité, appeler à l'aide efficacement, et qu'il se trouve suffisamment garanti par le secours public qui lui arrive, la lutte privée ne doit plus avoir lieu.

421. Sur tout cela on est d'accord. Un point qui offre plus de difficulté est de savoir contre quelle sorte de danger l'homme est autorisé à se défendre ainsi. Est-ce seulement contre un danger de mort ou contre tout péril dont l'agresseur le menace, soit dans son corps, soit dans son moral, soit dans ses droits, y compris même les droits purement pécuniaires qui n'ont trait qu'à la fortune? Nous tenons pour constante l'affirmative générale: du mo

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