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rains ou magistrats chargés du gouvernement d'un pays, entre lesquels de pareils rapprochements sont ménagés, étant censés se réunir pour conférer sur des intérêts d'Etat.

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533. 2° Mais si cette hypothèse se trouve ostensiblement démentie, soit parce que les lois constitutionnelles du pays qu'ils gouvernent ne permettent pas au prince ou au magistrat de négocier personnellement, soit parce que le voyage, fait ouvertement ou dans un incognito vrai ou convenu, a un tout autre but, tel qu'une raison de santé, de distraction, d'instruction ou d'observations privées, alors les mêmes motifs cessent d'être applicables, et c'est dans une considération différente que la solution doit être cherchée. S'il s'agit d'un monarque régnant qui, dans le pays qu'il gouverne, est inviolable et dégagé de toute responsabilité pénale, parce que c'est sur sa personne même que repose le gouvernement de ce pays, ou s'il s'agit d'un magistrat, chef d'un gouvernement républicain, à l'égard duquel l'exercice de la responsabilité pénale se trouve suspendu, par les lois de sa république, pendant la durée de ses fonctions, nous croyons que les nations se doivent l'une à l'autre d'accepter, même sur leur territoire respectif et dans les mêmes termes, cette suppression ou cette suspension de la responsabilité pénale, plutôt que d'occasionner les perturbations qui résulteraient d'une pratique contraire. C'est un sacrifice de la justice absolue et de la juridiction territoriale fait au droit public intérieur d'un autre Etat, à cause de l'intérêt majeur qui s'attache pour cet Etat, et par suite pour toutes les puissances en rapport avec lui, à la personne du chef de son gouvernement, sacrifice qui nous paraît commandé par les convenances du droit des gens, lorsqu'il s'agit d'Etats souverains dont les gouvernements sont nécessairement en relation l'un avec l'autre. Que si, au contraire, le prince ou le magistrat chef du gouvernement étranger est pénalement responsable même dans le pays qu'il Jouverne, on ne voit pas pourquoi il cesserait de l'être dans un autre pays, lorsque sa présence ne s'y rattache à aucune affaire internationale.

534. Notez que nous ne distinguons pas, dans cette double solution, si le voyage du prince ou du magistrat étranger a été entrepris avec ou sans l'agrément de l'Etat sur le territoire duquel il se trouve, notre motif de décider étant tiré d'une tout autre considération. Bien entendu que les réparations qui pourraient être dues par suite de ces faits, quand l'irresponsabilité pénale est admise, deviennent une affaire à traiter diplomatiquement. - Bien entendu encore que, dans toutes ces hypothèses, s'il y avait actes agression, le droit de légitime défense, en vue d'écarter un péril dont on serait menacé, existerait toujours, tant pour l'Etat que pour les particuliers (n° 517 et 518).

535. Les questions de droit pénal qui se rattachent au passage de corps de troupes étrangères avec la permission du souverain

territorial, à celui des navires étrangers dans les ports ou dans les eaux territoriales, et enfin aux crimes ou aux délits commis hors du territoire par ou contre des nationaux ou des étrangers, sont aussi des questions en affinité plus ou moins grande avec le droit international; mais comme elles ne roulent pas uniquement sur la personne de l'agent des délits, qu'elles se compliquent, au contraire, de plusieurs autres éléments dont l'étude viendra pour nous plus tard, ce n'est pas le lieu de les examiner ici; nous les retrouverons à leur ordre logique dans le cours de ce travail.

TITRE II.

DU PATIENT OU SUJET PASSIF DU DÉLIT.

CHAPITRE PREMIER.

DU PATIENT DU DÉLIT CONSIDÉRÉ DANS SON CORPS, DANS SON MORAL

ET DANS SES DROITS.

536. La force mise en action par l'agent est dirigée, en violation du droit, contre une autre personne; nous nommerons cette personne le patient du délit. Quoique l'expression ne soit pas consacrée techniquement, elle est cependant exacte et correspond parfaitement à celle d'agent. Il y a en effet dans le délit deux rôles, l'un actif et l'autre passif, en conséquence deux personnages : le sujet actif et le sujet passif; violation d'un devoir si vous considérez l'un, violation d'un droit si vous considérez l'autre.

537. Comme c'est en la personne seule de l'agent que résident les éléments de l'imputabilité (no 229), l'étude du patient du délit demeure étrangère à cette question. C'est surtout sous le rapport du droit qui a été violé, de la lésion qui a été éprouvée qu'elle se présente or le droit violé, la lésion éprouvée sont précisément ce qui constitue les divers genres et les espèces particulières de délits, avec les nuances de culpabilité propres à chacun d'eux. D'un autre côté, même dans un délit identique, on peut tirer de la considération de la personne lésée des motifs qui aggravent ou qui diminuent la culpabilité. D'où il suit, d'une part, que l'étude du patient du délit entre comme un élément essentiel dans la mesure de la culpabilité, et, d'autre part, qu'importante surtout dans la partie spéciale du droit pénal, lorsqu'il s'agit de déterminer et d'apprécier chaque délit en particulier suivant son genre et sui

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vant son espèce, elle l'est beaucoup moins quant à la partie générale, où elle ne donne lieu qu'à un petit nombre d'observations.

538. De quelque manière et par quelque moyen qu'il soit attaqué, l'homme n'est vulnérable que par les trois points sous lesquels nous l'avons considéré dans son corps, dans son moral, dans ses droits. Cette division tripartite, suivie par nous pour l'étude de l'agent, se reproduit donc, quoique avec un intérêt distinct, pour celle du patient du délit.

539. S'agit-il d'en déduire la diversité des délits? On trouvera : 1o Ceux par lesquels le patient du délit aura été attaqué dans son corps: homicide, mutilations, blessures, coups, altérations de la santé, privation des choses indispensables à l'existence, violences corporelles, séquestrations et autres atteintes contre la liberté physique;

2° Ceux par lesquels il aura été attaqué dans son moral injure, diffamation, calomnie, corruption des mœurs, excitation à la débauche, altération produite dans les facultés mentales, intimidation ou crainte opérée par menaces;

3o Ceux enfin par lesquels il aura été attaqué dans ses droits : ce qui comprendrait tous les délits, car tous, à vrai dire, sont dirigés contre un droit; mais ayant classé à part les droits relatifs à la garantie du corps ou du moral, il ne s'agit plus ici que de ceux qui se réfèrent à d'autres intérêts: droits réels relatifs à l'état de la personnee, soit l'état de famille, soit l'état politique dans la cité; droits réels relatifs aux biens propriété, démembrements divers de la propriété, gages ou hypothèques; et enfin, droits de créance ou d'obligation, en ce qui concerne soit la création, soit la dissolution, soit la constatation de ces droits.

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Sans oublier d'appliquer au patient du délit cette observation déjà produite au sujet de l'agent savoir, que l'analyse ne peut pas faire que le corps et le moral ne forment en l'homme un seul tout durant sa vie ici-bas, et que les droits ne se réfèrent à l'un et à l'autre en même temps; de telle sorte que malgré les distinctions analytiques entre ces trois points de vue, il y a toujours des relations inévitables de l'un à l'autre.

540. S'agit-il d'en déduire les considérations tirées de la personne du patient du délit, qui peuvent être de nature à aggraver ou à diminuer la culpabilité soit individuelle, soit absolue? on en trouvera, suivant les diverses occurrences

Sous le rapport du corps, dans l'âge, dans le sexe, dans la maladie, dans la force ou dans la faiblesse physique de la personne attaquée;

Sous le rapport du moral, dans l'état de ses diverses facultės psychologiques, de ses mœurs, de son ignorance ou de son instruction;

Sous le rapport des droits, dans les dignités, dans les fonctions

dont elle est revêtue, soit qu'elle ait été attaquée dans l'exercice, soit hors de l'exercice de ses fonctions.

541. Mais toutes ces appréciations diverses se modifiant suivant la variété des délits ou même suivant chaque cause, et se référant en conséquence à la partie spéciale du droit pénal, il nous suffira de les avoir signalées ici d'une manière générale.

CHAPITRE II.

QUI PEUT ÊTRE SUJET PASSIF D'UN DÉLIT.

542. Puisque le patient du délit ne joue dans cet acte qu'un rôle passif, qu'il n'est pas question à son égard d'imputabilité, et que ce qui est violation d'un devoir de la part de l'agent est uniquement en sa personne à lai violation d'un droit, il en résulte que tout être susceptible d'avoir des droits peut être patient ou sujet passif d'un délit.

543. Ainsi tout homme considéré individuellement : et per importe qu'il soit enfant, ou fou, ou mort civilement dans les législations qui admettent cette sorte de déchéance; car tous ont, quant à leur personne physique, quant à leur moral, quant à leur état ou à leurs biens, des droits qui peuvent être lésés et qui demandent à être garantis.

544. De même les êtres collectifs ou métaphysiques, colléges', corporations, communautés, établissements publics, compagnies ou autres semblables, érigés par la loi en personne juridique; car ces êtres ont des droits dans lesquels ils pourraient se trouver lésés : non pas quant au corps matériellement, puisqu'ils en sont dépourvus, mais quant à leurs intérêts moraux, par exemple par l'injure, par la diffamation portant atteinte à leur réputation, à leur crédit;-ou bien quant à leur état, à leur existence légale, et surtout quant à leur fortune.

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545. Dans cette condition d'êtres juridiques our collectifs se trouvent les nations étrangères, qu'il est du devoir du législateur de chaque pays de protéger, duns les lieux ou à l'égard des personnes dépendant de sa juridiction, contre les délits qui pourraient se commettre à leur préjudice, toutes les fois que les deux conditions, bases essentielles de la pénalité humaine, à savoir la justice et l'utilité sociale, se trouvent réunies pour réclamer la répression.

546. Enfin la nation elle-même ou l'Etat qui exerce le droit de punir. Ici se place, dérivant des conditions mêmes de ce droit de punir, un grand principe du droit pénal, sur lequel il est né cessaire d'insister. -Non-seulement il pourra se faire que cet Elat figure lui-même comme sujet passif du délit, attaqué directement

qu'il sera soit dans son existence ou dans sa constitution légales, soit dans ses droits publics de toute nature, y compris ceux de territoire et de fortune mobilière ou immobilière;

mais, en outre, si l'on veut bien se rappeler que le droit de s'immiscer dans la punition des actes contraires à la loi du juste n'existe pour un Etat que lorsqu'il y va pour lui de la conservation ou du bien-être social (n° 187 et suiv.); si l'on veut bien se reporter à l'analyse que nous avons faite des préjudices sociaux les plus notables qui résultent des délits même contre les particuliers (n° 193 et suiv), on en déduira cette vérité, féconde en applications ultérieures, que dans tout délit, quelqu'en soit le sujet passif direct, la société, ou en d'autres termes la nation, l'Etat qui a le droit de punir est toujours lui-même partie lésée.

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547. C'est par l'application de cette vérité qu'on résoudra facilement une série de questions qui se trouvent posées dans les anciens criminalistes s'il est possible qu'il y ait délit contre un fœtus qui n'a jamais pris vie, contre une personne qui donne son consentement à l'acte, contre soi-même, contre les bêtes ou animaux, contre les morts, contre Dieu?

548. Si dans l'avortement pratiqué par la mère il n'y a pas encore d'être ayant pris vie, et qu'il ne se trouve aucune autre personne directement intéressée, il y a toujours l'Etat lésé par de tels actes, qui sont, en même temps, contraires à la loi morale de la justice.

549. Si dans le cas d'une personne ayant consenti à l'acte on veut invoquer ce brocard: «Volenti non fit injuria,» il faudra demander si cette personne avait la libre et pleine disposition de l'intérêt qui a été lésé. Ne s'agit-il que de ses biens, cette question de capacité ne serait pas sans importance; mais s'il s'agit de son corps à livrer à des souillures, à des mutilations, à la destruction, qu'y fait son consentement? A peine suffira-t-il, en certains cas, pour nuancer en moins la culpabilité. Derrière celui qui prie, à la manière antique, un de ses amis de lui donner la mort, se trouve la société lésée par de tels actes qui sont, en même temps, contraires à la loi morale de la justice.

550. Il en faut dire autant de celui qui pratique contre luimême un acte que la morale réprouve, du moment qu'il y a intérêt social à la répression de pareils actes; par exemple, dans le cas de maladie qu'on se serait donnée, ou de mutilation qu'on se serait faite pour se rendre impropre et pour se soustraire ainsi à quelque obligation ou à quelque service publics.

551. De même quant aux actes de cruauté exercés contre des animaux, sans distinguer si l'on est ou non propriétaire, ou si le propriétaire y a donné ou non son consentement. Aucun rapport de droit ne peut exister, sans doute, entre l'homme et les créatures dépourvues de raison qu'il approprie à son utilité (ci-dess. n° 14 et 16); 'mais il est des cas et des circonstances où de tels actes de

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