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cruauté, que réprouve toujours la morale, peuvent être dangereux même pour la société. La société est donc là, envers laquelle l'obligation existe de s'en abstenir.

552. De même pour la violation des tombeaux, n'y eût-il aucun parent, aucun ami du mort, lésé par cette violation.

dans

553. De même, enfin, pour les actes qui constituent des attaques aux principes ou aux cultes religieux. Faire intervenir l'idée de Dieu, c'est-à-dire l'idée de l'infini, comme sujet passif du délit, ce serait porter à l'infini la mesure de la culpabilité, sortir de la sphère et de la puissance humaines, s'immiscer dans l'exercice d'une justice supérieure et absolue, qui n'est pas de ce monde. Tel est le vice radical de toutes les lois de sacrilége ou autres, lesquelles on a fait intervenir l'offense à la Divinité comme mesure de la culpabilité. Ce côté de la répression n'appartient pas au juge temporel. La personne lésée à considérer, c'est la société; et c'est dans cette limite inférieure de l'intérêt social que doit être restreinte la répression pénale de ces actes, quelque plus haute culpabilité qu'ils puissent renfermer en eux-mêmes. On ne fait en cela que se conformer aux principes fondamentaux du droit de punir pour la société (ci-dessus, no 205).

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554. On peut voir, en notre droit positif, certaines applications des principes rationnels qui précèdent dans les lois du 17 mai 1819, art. 13 et suivants, du 26 mai 1819, art. 2 et 4, et du 25 mars 1822, art. 5, relativement à la diffamation ou à l'injure par la voie de la presse contre des êtres collectifs ou corps constitués; dans les mêmes lois, art. 12 pour la première, et art. 3 pour la seconde, relativement à l'offense envers la personne des souverains ou envers celle des chefs des gouvernements étrangers; dans l'article 317 de notre Code pénal, relativement à l'avortement opéré soit par un autre que la femme avec le consentement de celle-ci, soit par la femme elle-même; - dans la loi sur le recrutement, du 21 mars 1832, art. 41, relativement aux jeunes gens qui, dans le but de se soustraire aux obligations du service militaire, se seraient rendus volontairement impropres à ce service d'une manière soit temporaire, soit permanente; et relativement à ceux qui auraient opéré sur eux, de leur consentement, les actes ou mutilations de nature à produire ces incapacités; — dans la loi récente du 2 juillet 1850 pour la répression des mauvais traitements exercés publiquement et abusivement envers les animaux domestiques; dans l'article 360 du Code pénal contre les violations de tombeaux ou de sépultures; - enfin, dans la loi du 11 octobre 1830, portant abrogation de celle du 20 avril 1825 sur les sacriléges; dans les articles 260 et suivants du Code pénal contre les entraves, troubles, outrages ou voies de fait relativement soit à l'exercice, soit aux objets, soit aux ministres d'un culte articles auxquels il faut joindre les dispositions de la loi du 17 mai 1819, art. 8, et de celle du 25 mars 1822, art. 1 et art. 6,

concernant les outrages publics à la morale religieuse, à toute religion légalement reconnue, ou aux ministres de l'une de ces religions soit à raison soit dans l'exercice de leurs fonctions.

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555. Si après avoir étudié séparément la personne de l'agent et celle du patient du délit, on les observe en les rapprochant l'une de l'autre, au point de vue des relations qui existaient entre elles lors du délit, on trouvera que certaines de ces relations, par exemple, de parenté ou d'alliance, de tutelle, de protection ou de confiance, d'autorité ou de direction morales, de commandement ou de subordination hiérarchiques, sont de nature à constituer, suivant les occurrences, des causes d'aggravation ou d'atténuation de culpabilité.

tandis

556. Ainsi les liens de parenté ou d'alliance qui supposent entre l'agent et le patient du délit une sorte de communauté de biens, sinon légale, au moins en fait et en usage habituel, pourront atténuer certains délits dirigés uniquement contre les biens'; que les mêmes liens pourront être, suivant les cas et les personnes, une cause d'aggravation des délits contre le corps ou le moral. De même les relations de tutelle ou de protection, d'autorité ou de direction morales, de commandement hiérarchique, aggraveront, d'une part les délits qui constitueront un abus des pouvoirs ou de l'influence résultant de ces relations, et d'autre part ceux qui constitueront un manquement à la reconnaissance, au respect ou à la subordination qu'elles imposent. De même les relations de confiance, surtout si elles sont en quelque sorte obligées et quotidiennes, aggraveront les délits qui seraient une violation de cette confiance. En un mot, c'est la mesure du devoir dans personne de l'agent, et du droit dans la personne du patient du délit, qu'il faudra considérer. Toutes les fois que des relations entre ces deux personnes on conclura à un devoir plus étroit dans l'une, à un droit plus sacré dans l'autre, la culpabilité sera aggravée; tandis qu'elle sera atténuée en cas inverse.

la

557. Ces aggravations ou ces attenuations peuvent être telles qu'elles influent sur la culpabilité abstraite ou absolue, de telle sorte que le législateur puisse les prévoir et les préciser lui-même à l'avance; ou bien qu'elles influent seulement sur les nuances variées de la culpabilité individuelle, laissée à l'appréciation du juge dans chaque affaire. Mais dans l'un comme dans l'autre cas, on voit qu'elles dépendent de la diversité des délits et des situa

tions; de telle sorte qu'elles se réfèrent, non pas à la partie générale, mais à la partie spéciale du droit pénal.

558. On en trouvera plusieurs exemples en notre droit positif dans les articles 299, 302, 312, 323, 324 de notre Code pénal, relatifs aux meurtre, coups ou blessures de descendant à ascendant, ou entre conjoints; dans les articles 333, 334, 335, relatifs à divers délits contre les mœurs par ascendants, tuteurs, instituteurs ou tous autres chargés de la surveillance de la personne victime du délit, ou par les serviteurs à gages de l'une ou de l'autre de ces personnes; dans les articles 350 et 353 relatifs à l'exposition ou au délaissement d'un enfant mineur de sept ans par tuteurs ou instituteurs; dans l'article 380 relatif aux soustractions entre conjoints, entre ascendants et descendants ou alliés au mème degré; enfin, dans les articles 386 et 408 relatifs aux vols ou à certains abus de confiance par domestiques, gens de service à gages, élèves, cleres, commis, ouvriers, compagnons ou apprentis, au préjudice de leur maître.

RÉSUMÉ DU LIVRE PREMIER.

(PART. I ET II, TIT. I ET I.)

PARTIE I

THÉORIE FONDAMENTALE.

Trois problèmes distincts sont à résoudre par cette théorie: 1 Quelle a été l'origine historique de la pénalité? problème d'histoire; 2° Quel est le fondement légitime du droit de punir? problème de droit; - 3° Quel doit être le but du droit pénal et des peines? problème d'utilité.

L'origine historique de la pénalité se rencontre, en fait, au commencement des diverses civilisations, dans une passion instinctive, celle de la vengeance d'abord vengeance privée, et ensuite vengeance publique ; mais le fait n'est pas le droit.

Quant au droit, il s'est produit, pour le démontrer, un très-grand nombre de systèmes qui pourront, si on les réduit à leur plus simple expression, se grouper autour de l'une ou de l'autre des six idées que voici vengeance, contrat social, réparation, droit de conservation ou de défense sociale, utilité, justice absolue. Aucun de ces systèmes n'est exact, suivant nous, et tous conduisent à des conséquences inadmissibles. Pour démontrer le droit social de punir il faut réunir l'idée de la justice absolue avec celle de la nécessité ou de l'utilité sociale. L'une établit que le coupable mérite le châtiment, et l'autre que la société a le droit d'infliger ce châtiment. Déduit de la nature de l'homme et de la société, nature complexe (esprit et matière), ce droit ne peut avoir qu'une base complexe. Cette démonstration ne repose point sur des éléments nouveaux; au fond, elle est instinctive, et forme, pour ainsi dire, la doctrine du sens commun.

Le but du droit pénal est de concourir à la conservation et au bienètre social, en contribuant à procurer l'observation du droit dans la société, au moyen de l'application d'un mal infligé dans certains cas à celui qui a violé le droit. Pour sortir de cette généralité, il faut déterminer le but des peines. Ce but peut être multiple; l'analyse en signale deux principaux: l'exemple et la correction morale; quand ces deux-là sont atteints, les autres le sont aussi; s'il y a nécessité d'opter entre les deux, l'exemple est le plus important pour la société.

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L'utilité pratique à retirer de la solution de nos trois problèmes est celle-ci-La solution du premier montre le développement graduel des mœurs et des institutions humaines sur ce point, et donne la leçon de l'histoire. La solution du second sert à fixer d'une part la nature et la limite des actes punissables, et d'autre part la nature, et la limite ou en d'autres termes la quantité de la peine. On y voit, sur le premier point, que nul acte n'est punissable par la société s'il n'est à la fois contraire à la justice absolue et contraire à la conservation ou au bienêtre social; et sur le deuxième point, que nulle peine infligée par la so

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ciété ne peut aller au delà de ce que comporte la justice absolue, ni au delà de ce que réclame la nécessité ou l'utilité sociale. La solution du troisième problème sert à fixer la qualité, ou, en d'autres termes, à faire le choix des peines bounes à employer. On y voit que les peines doivent être choisies et organisées de manière qu'elles soient à la fois répressives et correctionnelles.

PARTIE II.

PARTIE GÉNÉRALE DU DROIT PÉNAL.

Le délit est un fait complexe; en le décomposant par l'analyse, et en rangeant suivant la succession des événements et l'enchaînement naturel des idées les éléments qui le composent et les conséquences qui en dérivent, on voit que l'ordre méthodique pour en traiter est celui-ci 1° de l'agent ou sujet actif du délit; 2° du patient ou sujet passif du délit; 3o du délit, produit de ces deux facteurs; 4° des réparations et des peines, conséquences juridiques du délit.

AGENT OU SUJET ACTIF DU DÉLIT.

Imputabilité, responsabilité, culpabilité.

Les premières questions à résoudre au sujet de l'agent des délits sont celles qui concernent l'imputabilité, la responsabilité et la culpabilité. Les deux mots d'imputabilité et de responsabilité sont tirés tous les deux d'une même figure: celle d'un compte à régler par chacun de nous pour nos diverses actions. Le premier indique la possibilité de mettre un fait sur le compte d'une personne; et le second l'obligation de la part de cette personne de répondre à la voix qui l'appelle pour régler ce compte.

Quoique séparées par une nuance délicate, les deux idées se confondent en un même résultat ; de telle sorte qu'on peut se borner, pour plus de simplicité, à l'une ou à l'autre de ces deux expressions. Celle d'imputabilité est la plus technique en droit pénal. L'imputabilité, la responsabilité ont lieu, en réalité, pour les bonnes comme pour les mauvaises actions; mais le plus souvent, dans l'usage, ces deux termes sont employés en mauvaise part.

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Ör, premièrement, on ne peut mettre sur le compte d'une personne les faits dont elle a été la cause productrice, la cause première, et par conséquent la cause libre, car il n'y a que les causes libres qui soient véritablement causes premières, causes productrices;

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et secondement

on ne peut trouver chez une personne, dans les actes qu'elle a produits, du mérite ou du démérite, que si elle a été la cause éclairée sur le bien ou le mal moral de ces actes. Les deux conditions pour qu'il y ait imputabilité ou responsabilité, soit en bien, soit en mal, sont donc que l'agent ait été 1° cause première ou libre; 2o cause éclairée sur le bien ou le mal moral de l'action.

Mais de même que, dans le règlement de ce compte, pour qu'il y eût lieu à récompense il faudrait qu'il y eût eu mérite, de même pour qu'il y ait lieu à punition il faut qu'il y ait eu démérite moral de la

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