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des diverses circonstances qui y sont énumérées (ci-dess., no 765 et suiv.). -On voit que notre Code distingue du flagrant délit véritable (qualification sous laquelle il range à tort le délit qui vient de se commettre) les cas réputés flagrant délit : de même que, dans l'ancienne jurisprudence napolitaine et dans les lois de 1808 au même royaume, on distinguait la flagranza et la quasiflagranza (1).—On voit aussi qu'à l'égard des objets dont le prévenu serait trouvé saisi, notre Code étend les dispositions du droit de Justinien communément reçues dans l'ancienne jurisprudénce européenne, mais qu'il restreint celle du Code de brumaire an IV, par cette addition: « pourvu que ce soit dans un temps voisin du » délit. » Il résulte formellement des discussions du projet au conseil d'Etat, que ce temps voisin du délit ne peut pas être limité à vingt-quatre heures ni à tout autre nombre: il est laissé à l'appréciation du magistrat de juger par les circonstances, par la nature du délit commis récemment et auquel se rattachent les objets dont le prévenu est trouvé nanti, si tout cet ensemble présente cette forte présomption et ce caractère d'urgence qui sont nécessaires en tous les cas pour constituer la quasi-flagrance. Le Code de Naples de 1819, dans la loi de procédure pénale (art. 50), a exigé la double condition du voisinage du temps et du lieu (in tempo e luogo vicino al reato); celle du lieu n'est pas nécessaire chez nous.

778. Une remarque très-importante pour notre jurisprudence pratique, c'est que la définition que donne notre Code d'instruction criminelle, du flagrant délit ou des cas assimilés au flagrant délit, est donnée particulièrement eu égard aux objets dont il est traité en cette partie du Code, c'est-à-dire eu égard aux attributions qui sont faites au procureur impérial ou à ses auxiliaires d'une part, au juge d'instruction de l'autre, ainsi qu'aux règles. de procédure à suivre en cas pareil. C'est pour cela même que le législateur a été conduit à étendre à cet égard, sans inconvénients, le cercle du flagrant délit plus qu'on ne le faisait communément dans notre ancienne jurisprudence, et jusqu'à des limites un peu vagues. Tant qu'il ne sera question que de ce point, la définition. du Code d'instruction criminelle fera pleine autorité; mais nous nions qu'il puisse en être de même dans tous les autres textes, soit da Code pénal, soit des lois spéciales, soit même du Code d'instruction criminelle, où, à propos de tous les autres effets, il est encore question de flagrant délit. Souvent la nature de ces effets et les règles de droit pénal qui doivent les régir s'y refuseront. Tout en attribuant un certain crédit général à la définition de l'article 41, il ne faut donc pas faire sortir cette définition, avec une force impérative, du cadre dans lequel elle se trouve placée ; il ne faut pas oublier que les divers cas, plus ou moins rapprochés

(1) NICCOLA NICOLINI, Della procedura penale, parte 2, no 485.

du délit flagrant, ne sauraient tous emporter les mêmes résultats (ci-dess., n° 770 et 771), et ce sera précisément d'après le résullat qu'il s'agira d'y attacher et d'après les règles de droit pénal spécialement applicables à ce résultat, qu'il faudra juger de la valeur plus ou moins étendue à donner au mot flagrant délit dans les textes où ce mot pourra se rencontrer.

779. Nous trouvons l'influence du délit flagrant ou quasi-flagrant en certains points qui concernent la pénalité :

Non pas en ce que le délit flagrant serait puni plus que le délit non flagrant une telle différence n'est plus admise chez nous.Cependant les articles 97, 100 et 213 du Code pénal semblent nous offrir quelque chose d'analogue à l'égard de ceux qui, dans le cas de bande ou d'altroupement en réunion séditieuse ou en rébellion, seraient saisis sur les lieux de la rébellion, c'est-à-dire en flagrant délit véritable, même sans opposer de résistance et sans armes, et ceux qui ne seraient saisis que hors des lieux. Les premiers encourront la peine du crime ou du délit, souvent fort grave, quelquefois même capitale (C. pén., art. 97); tandis qu'il ne sera prononcé aucune peine contre les autres. Mais ici, le but particulier de la loi a été de donner à ceux qui font partie de la bande un grand intérêt à s'en séparer au plus tôt. L'article 274 du Code pénal ne punit également le fait isolé de mendicité que lorsque le contrevenant a été trouvé mendiant, c'est-à-dire pris en flagrante contravention; et les articles 277 et 278 exigent aussi, pour l'application des peines qu'ils prononcent, que le mendiant ou vagabond ait été saisi travesti, ou porteur des armes, des instruments ou des effets dont ces articles punissent en lui la possession. Le Code ne frappe encore ici que le flagrant délit véritable, ou pour mieux dire, il n'admet pas d'autres preuves que celle résultant de ce flagrant délit.

Ce qui a trait à la légitime défense de soi-même ou d'autrui (C. pén., art. 328) suppose, suivant notre jurisprudence pratique comme suivant la science rationnelle, un péril imminent à repousser, et dès lors cesse d'être applicable dans les cas assimilés au flagrant délit, lesquels sont tous, en réalité, postérieurs au délit.

Mais l'article de notre Code pénal, qui punit de peine de simple police ceux qui refuseraient ou négligeraient de prêter le secours dont ils auraient été requis, comprend textuellement le flagrant delit et la clameur publique, suivant l'appréciation qu'en fera l'autorité chargée de requérir ce secours (C. p., art. 475, no 12).

L'excuse résultant de la provocation par violences graves envers les personnes (C. pén., art. 321), et particulièrement du flagrant délit d'adultère (C. pén., art. 324), ou d'un outrage violent à la pudeur (art. 325), exige, pour être admissible, une provocation immédiate (ce sont les expressions mêmes des articles 324 et 325, à l'instant, immédiatement); par conséquent le délit est ici, nonseulement celui qui se commet, mais aussi celui qui vient de se

commettre, lorsque la certitude et le spectacle de la culpabilité ont été tels qu'ils ont pu susciter l'emportement que le Code a voulu excuser. Mais les cas postérieurs, assimilés au flagrant délit par l'article 41 du Code d'instruction criminelle, demeurent étrangers à cette sorte d'excuse.

780. Nous trouvons l'influence du délit flagrant ou quasi-flagrant, en ce qui touche aux règles de compétence, d'attributions ou de procédure :

Pour le règlement des attributions du procureur impérial, de ses auxiliaires et du juge d'instruction (C. inst. crim., art. 32 et suiv., 49 et suiv., 59 et suiv.). C'est spécialement eu égard à ce règlement d'attributions qu'est faite la définition de l'article 41 du même Code;

Pour l'arrestation de fait, ou l'arrestation de droit, par voie de mandat, des prévenus (C. I. C., art. 16, 40 et 106). Le privilége des députés, quant à ces arrestations, cesse en cas de flagrant délit ou de clameur publique (1); nous ne pensons pas que le mot de flagrant délit puisse être interprété ici avec toute la latitude que comporte la définition de l'article 41 du Code d'instruction criminelle;

Pour divers actes de la procédure d'instruction, tels que le transport sur les lieux (C. I. C., art. 32 et suiv.), les visites domiciliaires (ib., art. 36), et la saisie des objets propres à servir d'éléments de preuve (ib., art. 35 et 37);

Quelquefois pour le genre de preuves admissibles, comme lorsqu'aux termes de l'article 338 du Code pénal, les seules preuves qui puissent être admises contre le prévenu de complicité avec la femme adultère sont : « outre le flagrant délit, celles résultant de lettres ou autres pièces écrites par le prévenu. » Il est évident que le flagrant délit n'est ici que celui qui se commet actuellement, ou tout au plus celui qui vient à l'instant même de se commettre, de manière à ne laisser, de visu, aucun doute sur la culpabilité;

Enfin pour la compétence des juridictions, dans le cas de flagrants délits commis à l'audience ou en tout autre lieu où se fait publiquement une instruction judiciaire, lesquels délits sont déférés, par exception, soit pour le jugement, soit au moins pour la police et l'instruction, suivant les cas, au juge, au tribunal ou à la cour devant lesquels ils ont eu lieu (C. I. Č., art. 504 et suiv.). Il est évident encore que les mots de délits flagrants ou crimes flagrants (ib., art. 507) ne désignent ici que le délit qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre à l'instant même.

Tous ces points, étrangers à la pénalité dont nous traitons en

(1) La charte de 1830, art. 44; la constitution de 1848, art. 37, et le décret organique pour l'élection des députés au corps législatif, du 2-21 février 1852, art. 11, se bornent à dire : sauf le cas de flagrant délit. » Le Code pénal, art. 121, porte : • hors les cas de flagrant délit ou de clameur publique.

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ce moment, reviendront plus tard avec détail chacun à leur place.

781. L'expression de flagrant délit est générale, et les circonstances qui constituent la flagrance ou la quasi-flagrance sont de nature à se rencontrer, en notre jurisprudence pratique, aussi bien dans les délits de police correctionnelle ou même dans les contraventions de simple police que dans les crimes. Ainsi il y a la contravention de simple police flagrante, le délit de police correctionnelle flagrant et le crime flagrant (voir cette dernière expression, C. I. C., art. 507). Mais les effets que notre législation positive y a attachés ne sont pas les mêmes dans ces trois cas. Quelques-uns de ces effets peuvent être communs aux divers degrés d'infractions. Ainsi les modifications de compétence à l'égard des faits commis à l'audience ont lieu, sauf certaines nuances, tant pour les contraventions de simple police que pour les délits correctionnels ou pour les crimes flagrants; ainsi quand la loi parle du flagrant délit d'adultère, il s'agit d'un délit de police correctionnelle; ainsi encore la disposition de l'article 16 du Code d'instruction criminelle est applicable tant au crime qu'au délit de police correctionnelle flagrants, pourvu que ce délit emporte peine d'emprisonnement. Mais le plus souvent et à l'égard des conséquences les plus usuelles et les plus importantes, celles relatives au règlement des attributions du procureur impérial, de ses auxiliaires et du juge d'instruction, ou bien aux règles de la procédure d'instruction, notre Code a exigé, pour l'application de ses dispositions relatives au flagrant délit, qu'il s'agit de délits emportant peine afflictive ou infamante, c'est-à-dire de crimes flagrants ou quasi-flagrants (C. I. C., art. 32, 40, 106). De telle sorte que l'expression de flagrant délit doit se traduire alors, dans notre jurisprudence pratique, par crime flagrant. C'est en ce sens que l'ordonnance du 29 octobre-29 novembre 1820, sur le service de la gendarmerie, a dit en son article 157 : « Toute infraction qui, par sa nature, est seulement punissable de peines correctionnelles, ne peut constituer un flagrant délit... Le flagrant délit doit être un véritable crime, c'est-à-dire une infraction contre laquelle une peine afflictive ou infamante est prononcée. » Ces propositions ne doivent pas être prises au pied de la lettre, d'une manière absolue, car ainsi entendues elles seraient fausses. Elles n'ont été écrites que pour l'instruction des officiers de gendarmerie, relativement aux attributions qui sont déférées à ces officiers par le Code d'instruction criminelle, à titre d'auxiliaires du procureur impérial, dans les cas seulement de crime flagrant (C. I. C., art. 48 et 49); et c'est dans cette disposition spéciale qu'il faut les restreindre (1).

(1) Le décret récent du 1er mars 1854 sur le service de la gendarmerie a reproduit cette disposition dans son article 250.

§ 8. Classification pour l'ordre à suivre dans le dénombrement des divers délits,

782. Les classifications qui précèdent tiennent toutes à quelque qualité, à quelque considération générale, sous chacune desquelles tour à tour vient se partager, en deux ou plusieurs groupes opposés, l'universalité des délits. Ce sont par conséquent des classifications qui appartiennent éminemment à la partie générale du droit pénal. Mais lorsqu'on arrive à la partie spéciale de ce droit, et qu'il est question de déterminer, de passer en revue chaque délit en particulier, dans quel ordre sera-t-il convenable de ranger les délits pour cette revue? C'est là une autre sorte de classification sur laquelle il est nécessaire de prendre un parti.

783. Remarquez bien que celle-ci n'offre rien d'absolu scientifiquement; elle peut varier d'un code à l'autre, d'un écrivain à l'autre ; il est même difficile, ou pour mieux dire impossible d'en trouver une qui à côté de ses avantages n'ait pas ses inconvénients. C'est de cette classification qu'on peut bien dire qu'elle n'est qu'une opération d'ordre.

Le défaut inévitable de toutes ces sortes de classifications, si bien faites qu'elles soient, proviendra toujours de ce que dans une telle ordonnance, dans un tel dénombrement de tous les délits, il sera impossible de prendre constamment pour guide une même idée ou les ramifications d'une même idée. L'ordre sera tiré ici de la personne du patient du délit, là de la personne de l'agent; plus loin de l'espèce de droit ou d'intérêt lésé ; ailleurs du mal qui aura été fait, ou des moyens employés, de la manière dont ce mal aura été fait, ou de l'espèce de vice, du genre d'immoralité dénotės par le délit. Tantôt ce sera cet élément de distinction et tantôt cet autre qu'il y aura avantage à mettre en saillie. Après en avoir choisi un pour son utilité à tel point de vue, on l'abandonnera pour en prendre un autre, plus utile sous un autre aspect. Une autre cause de défectuosité plus inévitable encore en ces elassifications, c'est qu'un grand nombre de délits se présentent fréquemment avec des éléments complexes: plusieurs personnes lésées, plusieurs droits violės, plusieurs maux produits, plusieurs moyens employés, plusieurs vices en action; de telle sorte que de tels délits appartiennent par des points divers à plusieurs catégories à la fois, et que, placés ici, ils sembleront faire lacune ailleurs.

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784. On pourrait ordonnancer les délits suivant les diverses branches du droit dont ils sont une violation : délits contre le droit public externe ou droit international; délits contre le droit public interne, tant politique qu'administratif; délits contre le droit privé, tant ordinaire que commercial; et dans chacune de ces grandes branches passer de divisions en subdivisions jusqu'à ce qu'on les

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