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crainte que peuvent produire des menaces. La force, les voies de fait, la menace ont pu être employées par le délinquant à surmonter, à détruire les obstacles, à vaincre les résistances et à exécuter matériellement le délit ; quand elles l'ont été à arracher à quelqu'un un consentement, une détermination, une signature, un acte que, libre, cette personne n'aurait pas voulus, le cas se désigne, d'après les résultats produits, par les noms de contrainte, d'extorsion.

816. Nous trouvons dans la partie spéciale de notre Code pénal, à propos de certains crimes où de certains délits particuliers, un grand nombre de dispositions relatives, soit à l'emploi de la fraude en général ou de quelques moyens particuliers de fraude (1), soit à celui de la violence (2). Pour tous les cas non prévus, à défaut de disposition expresse de la loi, c'est au juge, en notre pratique, à en tenir compte dans la mesure de la culpabilité individuelle, suivant la latitude qui lui est laissée à cet égard.

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817. La violence prend un caractère plus alarmant, plus significatif, lorsqu'elle s'annonce ou qu'elle s'exécute par des armes. Le fait seul de s'être muni d'armes apparentes ou cachées dénote chez le délinquant, soit la résolution éventuelle de s'en servir et de recourir, suivant l'occasion, aux moyens extrèmes pour l'accomplissement de son délit, soit du moins l'intention de les employer comme moyen d'intimidation et de vaincre, par l'effroi qu'elles inspireront, les résistances qui lui seraient opposées. S'il a fait usage des armes, la signification de ce fait, comme acte de violence, est encore bien plus grave.

818. Nous croyons qu'il y aurait rationnellement une distinction à faire entre les armes proprement dites, c'est-à-dire tous les instruments dont la destination principale et ordinaire est de servir de moyens d'attaque ou de défense, et les armes improprement dites, c'est-à-dire les instruments et objets quelconques qui, n'ayant pas cette destination, y ont été tournés ou employés occasionnellement par le délinquant. Dans ce dernier cas, il faut les faits dénotent bien chez le délinquant l'intention de transformer en armes ces objets, ou que l'usage qu'il en a fait ne laisse plus de doute à cet égard. Encore restera-t-il presque toujours, dans les détails particuliers de chaque délit, des nuances bien sensibles entre l'un et l'autre de ces cas.

que

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819. Notre Code pénal, à propos de divers crimes ou délits, en sa partie spéciale, a fait souvent mention des armes : dans le plus

en possession d'une chose dont on se prétend propriétaire, que contre des personnes. Ce dernier cas étant le plus fréquent, le mot en a pris sa signification la plus usuelle. (1) Par exemple, art. 60, 82, 354, 405 pour la fraude en général; art. 82, 242, 276, 344, 423, pour certains moyens particuliers de fraude. (2) Par exemple, art. 82, 95, 184, 241, 253, 256, 260, 276, 303, 344, 354, 400.

grand nombre de ses dispositions, pour marquer l'aggravation du délit au cas où le délinquant ou les délinquants seraient porteurs d'armes (1); quelquefois aussi en d'autres prévisions (2).

820. A l'occasion de bandes armées dans le but de commettre les crimes prévus en l'article 96 du Code pénal, ce Code a donné des armes la définition suivante (art. 101): « Sont compris dans » le mot armes toutes machines, tous instruments ou ustensiles » tranchants, perçants ou contondants. Les couteaux et ciseaux » de poche, les cannes simples ne seront réputés armes qu'autant qu'il en aura été fait usage pour tuer, blesser ou frapper (3). » 821. La formule de cette définition a été conçue à dessein, dans son premier paragraphe, en un sens très-étendu, tant par ces mots sont compris, que par les termes qui suivent. Notre Code n'y

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(1) Ces nombreux articles se réfèrent, en résumé, à ces trois hypothèses seulement :

1o bandes ou réunions armées, pour certains crimes ou rébellions, art. 96, 100, 101, 210 à 215 ; - 2° mendicité ou vagabondage avec port d'armes, art. 277; 3o vol avec port d'armes, art. 381 à 386. Voir aussi la loi du 13 floréal an xi, sur le crime de contrebande avec attroupement et port d'armes.

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(2) Art. 60, 243, 268, 314, 471 no 7, et 479 no 3.

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(3) Gaïus, à propos de la disposition des douze Tables qui permettait de tuer le voleur durant le jour si telo se defendat, a dit : « Teli autem appellatione et ferrum, et fustis, et lapis, et denique omne quod nocendi causa habetur, significatur. (DIG. 47, 2, De furtis, 54, § 2, Fr. Gai.).—Et ailleurs : « Telum vulgo quidem id appellatur quod ab arcu mittitur: sed nunc omne significatur quod mittitur manu. Ita sequitur ut et lapis, et lignum, et ferrum hoc nomine contineatur. (DIG. 50, 16, De verborum significatione, 233, § 2, Fr. Gai.).— De même quant au mot arma: Armorum appellatio non utique scuda, et gladios, et galeas significat: sed et fustes, et lapides. (DIG. 50, 16, De verborum significatione, 41, Fr. Gai.). Le juriscon sulte Paul nous offre les mêmes idées : Telorum autem appellatione, omnia ex quibus singuli homines nocere possunt accipiuntur. » Armatos non utique eos intelligere debemus qui tela habuerunt, sed etiam quid aliud quod nocere potest.» (DIG. 18, 6, Ad legem Juliam de vi publica, 9 et 11, § 1, Fr. Paul.). Enfin Ulpien, à propos de celui qui serait expulsé de sa possession à force armée (armis dejectus), répète Arma sunt omnia tela; hoc est et fustes, et lapides non solum gladii, hasta, frameæ, id est rompheæ.» (DIG. 43, 16, De vi et de vi armata, 3, § 2, Fr. Ulp.). Nous savons que la loi Cornelia, De sicariis, atteignait de sa pénalité celui qui hominis occidendi, furtive faciendi causa cum telo ambulaverit. (DIG. 18, 8, Ad legem Corneliam de sicariis, 1, pr. Fr. Marcian.). — Et à ce sujet, la définition du Telum donnée par Gaïus a été transportée identiquement dans les Instituts de Justinien. (INSTITUT. 4, 18, De publicis judicis, § 5.)

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Antérieurement au Code pénal de 1810, la loi du 13 floréal an xi, à propos du crime de contrebande avec attroupement et port d'armes, avait donné des armes cette définition Art. 3. La contrebande est avec altroupement et port d'armes lorsqu'elle est faite par trois personnes ou plus, et que, dans le nombre, une ou plusieurs sont porteurs d'armes en évidence ou cachées, telles que fusils, pistolets et autres armes à feu, sabres, épées, poignards, massues, et généralement de tous instruments tranchants, perçants ou contondants. Ne sont réputées armes, les cannes ordinaires sans dards ni ferrements, ni les couteaux fermant et servant habituellement aux usages ordinaires de la vie. - La loi du 19 pluviôse an xur, art. 2, avait reproduit textuellement, à propos du crime de rébellion avec armes, cette disposition en ce qui concerne les armes; mais le Code pénal de 1810 ayant statué sur la rébellion (art. 210 et suiv.), ce sont aujourd'hui les dispositions de ce Code, et par conséquent la définition de l'art. 101, qui doivent y être appliquées.

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a pas établi de distinction légale entre les armes proprement dites et les armes improprement dites (ci-dess., n° 818). C'est à la jurisprudence à combler, autant qu'il est en elle, cette lacune; et voici selon nous la différence rationnelle qu'elle doit y mettre. Tandis que s'il s'agit d'armes proprement dites il sera facile de présumer que le délinquant s'en est muni à dessein, comme moyen d'exécution ou d'intimidation pour commettre son crime, de telle sorte que ce sera à lui, s'il veut combattre cette présomption, à prouver que c'était accidentellement, dans un tout autre but innocent ou légitime, qu'il s'en trouvait porteur (ci-dess., n° 817): - au contraire, lorsqu'il s'agira d'armes improprement dites, par exemple d'outils de travail ou ustensiles de ménage, marteaux, bèches, leviers, aiguillons, fourches, faux, broches ou autres semblables, la présomption générale sera en sens opposé; ce sera à l'accusation à prouver que ces objets étaient, dans la circonstance présente, détournés de leur usage ordinaire et transformés en armes par le délinquant; et cette preuve devra être plus ou moins facilement accueillie, suivant la nature ou la disposition de ces objets, et suivant les faits particuliers de chaque cause.

822. C'est ainsi que nous résoudrons les controverses suscitées dans la jurisprudence et dans la doctrine en ce qui concerne les bâtons ou les pierres. Des bâtons, même ferrés, même noueux, s'ils sont employés ordinairement à des usages utiles ou innocents, suivant les habitudes du pays ou la profession de celui qui les porte, ne sont point des armes proprement dites; à plus forte raison en faut-il dire autant des pierres. Mais les circonstances de fait, mais la disposition de ces objets peuvent venir démontrer que les délinquants en avaient détourné la destination et s'en étaient fait des armes. Si, par exemple, il s'agit de frondes et de pierres pour les armer, nul doute voilà un instrument d'attaque, une arme proprement dite. Si la bande en état de rébellion s'est retranchée dans un édifice, a monté des pavés ou des pierres, en a muni les appartements, les fenêtres, s'apprêtant à les précipiter comme projectiles sur la force publique qu'elle attend et à laquelle elle veut faire résistance (art. 96), qui pourra nier qu'il n'y ait là des armes par occasion, des armes improprement dites, et que les tribunaux ne puissent, appréciant les faits, reconnaître à ces projectiles ce caractère (1)?

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823. Mais à l'égard des objets énumérés dans le second paragraphe de l'article 101, savoir les couteaux et ciseaux de poche et les cannes simples, les juges n'auront pas, dans notre jurispru dence pratique, le même pouvoir. Ce n'est point à l'avance, d'après

(1) L'objection tirée de ce que des pierres sont des objets et non des instruments n'est qu'une objection de mot peu sérieuse. La pierre devient un instrument dès qu'elle est accommodée, disposée comme moyen d'action à produire ; et c'est là précisément le fait qu'il faut établir à la charge des inculpés.

la destination exceptionnelle qu'ils paraîtraient avoir reçue du délinquant, c'est seulement après coup, d'après l'usage même qui en aura été fait, que ces objets pourront être réputés armes. Si le juge en décidait autrement il y aurait violation de la loi, cause de cassation, et dans ce sens nous tenons ce second paragraphe pour limitatif. Sans doute il peut y avoir plusieurs autres objets semblables, dans lesquels le juge se refusera, en fait, à voir des armes autrement que d'après l'usage même qui en aura été fait ; mais ceci reste dans le domaine de l'appréciation de ce juge, et la restriction impérative du second paragraphe de notre article n'existe pour lui, comme limite légale, qu'à l'égard des couteaux et ciseaux de poche ou cannes simples. Il va sans dire que si l'agencement de ces objets a été changé, si, par exemple, les couteaux ou les ciseaux ont été attachés ou fixés au bout de la canne, au bout d'un bâton en guise de dards ou de piques, la restriction du second paragraphe de l'article 101 cesse, parce que ces objets ne sont plus là dans leur état ordinaire.

824. Une question plus générale est celle de savoir si la définition de l'article 101, donnée seulement à l'occasion de bandes armées ayant pour but de commettre les crimes mentionnés en l'article 96, doit régir également tous les autres cas prévus par le Code pénal, comme si elle avait été mise dans la partie générale de ce Code. Nous l'appliquerons sans hésiter, parce que les motifs de décider étant les mêmes l'esprit du législateur n'a pas dû changer, dans les cas de rébellion en réunion armée (art. 210 et suiv.), et généralement dans tous ceux à l'égard desquels le port d'armes constitue, suivant notre Code pénal, une modalité aggravante du délit (art. 277, 381 à 386). Mais là où les motifs cesseront d'être identiques, la définition, tout en conservant un certain crédit général par voie d'analogie, cessera à nos yeux d'être légalement obligatoire. On serait conduit à des conséquences inadmissibles si partout où le législateur a parlé d'armes on voulait substituer à ce mot la définition de l'article 101. Il est évident, par exemple, que dans les articles 471 n° 7 et 479 n° 3, notre Code n'a pas pris le mot armes absolument dans le même

sens.

825. Les circonstances de port ou d'emploi d'armes dans l'exécution sont susceptibles de se présenter en beaucoup d'autres sortes de crimes ou de délits que ceux spécifiés par notre Code pénal ou par nos lois particulières. Ce sera alors à la sagesse du juge à en tenir compte dans la mesure de la culpabilité individuelle, suivant la latitude qu'il pourra en avoir.

.826. Trois autres sortes de modalités dans les actes de préparation ou d'exécution, modalités qui ne sont autres que certains emplois particuliers de la fraude et surtout de la violence, nous restent à signaler: l'effraction, l'escalade, et l'usage de fausses clefs. 827. Le mot effraction, dans son extension la plus grande, em

porte l'idée de la violence employée à rompre, à briser un objet ; si cette sorte de violence a eu lieu pour préparer ou pour parvenir à exécuter un délit, on pourra dire que ce délit a été commis avec ou par effraction par rupture et fracture, par bris ou forcement, suivant les anciennes locutions.

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828. Le mot d'escalade emporte l'idée d'une échelle employée pour parvenir à une hauteur à laquelle on veut atteindre, comme échellement de maisons ou murailles, dans le langage des anciens édits. Par extension, on l'entendra aussi de l'emploi de tout appareil, de tout moyen équivalent pour faire cette ascension: comme si on s'est servi du voisinage d'un arbre, ou des aspérités d'un mur, ou de cordes, ou du secours, du soutien fournis par quelqu'un, ou de l'élan qu'on a pu prendre et de l'action de ses forces musculaires. Nous croyons que si l'échelle ou les moyens équivalents, au lieu d'être employés à monter, l'avaient été à descendre: par exemple si, se trouvant par une chaussée, par une colline, par une fenêtre ou par une rue, à la hauteur supérieure d'un mur de jardin ou de cour, d'un orifice de cave, on s'était servi de quelqu'un de ces expédients pour descendre en l'un ou l'autre de ces lieux, il y aurait également, tant d'après les considérations rationnelles que d'après la racine même du mot, une escalade, quoique à vrai dire l'idée réveillée communément par ce terme soit celle d'une ascension et non d'une descente.

829. L'usage de fausses clefs emporte nécessairement l'idée d'un lieu ou d'un meuble quelconque, clôturé et fermé par un système mécanique de serrure quel qu'il soit, lequel aura été ouvert à l'aide d'un instrument autre que celui employé par les personnes ayant la propriété ou l'usage légitime de la serrure, que cet instrument soit un crochet, un rossignol, une clef fabriquée ou altérée de manière à pouvoir entrer et jouer dans cette serrure, ou bien une clef étrangère s'y adaptant sans altération. La clef est fausse du moment que ce n'est pas la clef même servant aux propriétaires ou usagers légitimes. D'où il suit que si la clef vérilable ayant été perdue ou soustraite, les propriétaires ou usagers en ont fait faire une nouvelle, même sans avoir eu soin de la faire modifier en quelques points, l'ancienne clef passée hors de service deviendra, dans la main des étrangers qui s'en serviraient, une fausse clef.

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830. L'effraction, l'escalade, l'usage de fausses clefs peuvent se présenter comme moyen de préparation ou d'exécution dans un grand nombre de délits. On ne les considère généralement qu'à l'occasion du vol; mais les homicides, coups ou blessures, les enlèvements ou détournements de personnes, les attentats ou violences contre les mœurs, les évasions de détenus, les altérations d'actes, les appositions frauduleuses de poinçons, marques ou timbres du gouvernement, et bien d'autres encore sont susceptibles de ces diverses modalités, le délinquant pouvant avoir recours à

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