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de tels moyens pour parvenir soit aux personnes, soit aux objets, soit au résultat qu'il a en vue dans son délit.

831. Le caractère de ces trois modalités ne sera pas toujours également grave. Certaines effractions, certaines escalades auront demandé plus d'audace, plus de violence, plus d'obstination de la part du délinquant dans l'accomplissement de son délit ; d'autres, au contraire, soit par l'objet auquel elles se seront appliquées, soit par la manière dont elles auront eu lieu, par la fragilité de l'obstacle à vaincre, par le peu d'efforts à faire, seront loin d'avoir la même signification. L'usage de fausses clefs, quoique moins susceptible de ces nuances, peut cependant les offrir aussi quelquefois. Il est impossible au législateur de tenir compte à l'avance de ces variations des faits; mais le juge ne doit pas négliger de le faire dans la limite des pouvoirs qu'il a pour la mesure de la culpabilité individuelle.

832. La situation dans laquelle l'effraction, l'escalade, l'emploi de fausses clefs revêtent incontestablement leur caractère le plus grave est celle dans laquelle le délinquant s'en est servi pour s'introduire et pour commettre son délit dans un lieu clos, soit une maison, un appartement, une cour, soit un jardin, un champ, un parc ou toute autre propriété, du moment qu'il y avait clôture de toutes parts. Indépendamment de la violence ou de la fraude que contiennent ces moyens d'introduction, la criminalité qui y domine est ici la violation de la clôture. Il importe à la sécurité privée et au bien-être social que, si faible que soit par elle-même une clôture, une sorte de respect tutélaire y soit attaché, et que la loi pénale sévisse contre les atteintes coupables qui y seraient portées.

L'effraction, l'escalade, l'emploi de fausses clefs se nomment dans ce cas effraction extérieure, escalade extérieure, emploi extérieur de fausses clefs.

Ce caractère prédominant, la violation de clôture extérieure, manque si l'on suppose une clôture non pas totale, mais partielle seulement c'est-à-dire si l'on suppose que le lieu dans lequel le délinquant a pénétré par effraction, escalade ou fausse clef, pour commettre son délit, était ouvert de quelque autre côté par lequel il était possible de s'introduire sans obstacle.

833. La seconde situation est celle dans laquelle le délinquant se trouvant d'une manière quelconque, même légitime, dans une enceinte close de toutes parts, maison, appartement, cour, jardin, parc ou tout autre enclos, y a pratiqué contre des clôtures intérieures des effractions, escalades ou emploi de fausses clefs pour commettre son délit effractions intérieures, escalades intérieures, emploi intérieur de fausses clefs. L'idée dominante qu'il faut chercher ici est encore celle d'une violation de clôture. Le lieu est clos de toutes parts, les propriétaires ou habitants doivent s'y croire plus à l'abri, protégés par l'enceinte extérieure qui les entoure, et cependant c'est dans cette enceinte même que le délinquant,

EFFRACT., ESCALADE, FAUSS. CLEFS. 343 profitant du hasard ou des motifs même légitimes qui lui en ont ouvert l'accès, porte une atteinte coupable aux clôtures intérieures, afin de parvenir à l'exécution de son délit. - Sous ce rapport, une distinction importante est à faire, dans cette situation, entre les effractions ou emploi de fausses clefs, et les escalades. En effet, au dedans de l'enceinte générale, s'il se rencontre des murs, cloisons ou séparations qui offrent une hauteur ou des ouvertures susceptibles d'être escaladées pour passer d'une pièce, d'une cour ou de tout autre compartiment dans un autre, on ne peut pas dire que ces murs aient été placés véritablement dans un but de clôture: ils l'ont été plutôt dans un but de division, de séparation. Le but de clôture intérieure existe au contraire si les murs, cloisons, portes ou fenêtres du dedans, si les chambres, cabinets, si les placards, armoires ou meubles quelconques sont tels qu'il faille, pour vaincre l'obstacle qu'ils opposent, user d'effractions ou de fausses clefs. D'où il suit que les escalades intérieures, bien qu'on puisse y voir sans aucun doute la circonstance d'un effort plus grand pour parvenir à l'exécution du délit, n'ont pas réellement la signification beaucoup plus grave d'une violation de clôture; tandis que cette signification reste aux effractions et aux emplois de fausses clefs à l'intérieur. 834. Une troisième situation est celle où, sans introduction dans aucun enclos, en dehors de toute enceinte semblable, un meuble fermé, par exemple une malle, une caisse, une valise soustraite à la porte d'un magasin, dans un bangar non clos, sur l'impériale d'une voiture ou sur la croupe d'un cheval en voyage, aurait été ouverte par effraction ou par fausses clefs. Il y a ici violation, non pas d'une clôture générale, mais d'une fermeture particulière; le cas est en conséquence moins grave que les deux précédents, et néanmoins la violation du respect qui est dû à tout moyen de clôture ou de fermeture s'y joint encore, quoiqu'en de moindres proportions, à la violence et à la fraude que contiennent en soi l'effraction et l'usage de fausses clefs. Il est clair que dans une semblable violation de fermeture il ne peut pas être question non plus d'escalade.

Si l'on supposait que le meuble, que la malle, caisse ou valise fermés eussent été enlevés de l'enceinte d'un enclos où l'on se serait introduit d'une manière quelconque, et portés au dehors où ils auraient été ensuite ouverts par effraction ou fausses clefs, alors à la violation de la fermeture particulière se joindrait celle de l'enceinte générale d'un enclos; quoique consommées au dehors, ces sortes d'effractions ou d'ouvertures par fausses clefs ne différeraient guère de celles dont il a été parlé au paragraphe précédent.

835. Enfin, la dernière situation est celle où l'effraction, l'escalade se présentent dégagées de toute violation de clôture on de fermeture quelconque : par exemple, si l'effraction a été employée, non à vaincre aucun obstacle de clôture ou de fermeture, mais à enlever des choses qui étaient attachées à fer ou à clou, ou à

plâtre, ou de toute autre manière, comme des barres de fer, des tuyaux de plomb, des enseignes, des marbres ou pierres sculptées, des couvertures de zinc, etc.; ou bien si l'escalade a été employée pour atteindre et enlever des objets posés sur un mur, sur un toit, sur un arbre ou sur toute autre hauteur. -- Il est clair que du moment qu'il n'est question ici ni de clôture, ni de fermeture, il ne peut pas y être question non plus de fausses clefs. Par la même raison, cette dernière situation est la moins grave de toutes, parce qu'à la violence contenue dans l'effraction ou l'escalade ne vient pas se joindre en outre la violation du respect dû aux clôtures ou fermetures.

836. Notre Code pénal a pris en considération, pour la mesure des peines par lui édictées, les circonstances d'effraction, d'escalade et de fausses clefs, quand il s'agit de délits de vol; et à ce point de vue particulier, il en a donné les définitions suivantes :

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« Est qualifié effraction tout forcement, rupture, dégradation, » démolition, enlèvement de murs, toits, planchers, portes, fe» nêtres, serrures, cadenas ou autres ustensiles ou instruments » servant à fermer ou à empêcher le passage, et de toute espèce de >> clôture quelle qu'elle soit (C. pén., art. 393). Les effractions » sont extérieures ou intérieures (art. 394). Les effractions ex>> térieures sont celles à l'aide desquelles on peut s'introduire dans >> les maisons, cours, basses-cours, enclos ou dépendances, ou » dans les appartements ou logements particuliers (art. 395). » Les effractions intérieures sont celles qui, après l'introduction » dans les lieux mentionnés en l'article précédent, sont faites aux portes ou clôtures du dedans, ainsi qu'aux armoires ou autres >> meubles fermés. Est compris dans la classe des effractions » intérieures le simple enlèvement des caisses, boites, ballots sous » toile et corde et autres meubles fermés qui contiennent des effets >> quelconques, bien que l'effraction n'ait pas été faite sur le lieu »> (art. 396).

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« Est qualifiée escalade toute entrée dans les maisons, bati>>ments, cours, basses-cours, édifices quelconques, jardins, parcs » et enclos, exécutée par-dessus les murs, portes, toitures ou toute >> autre clôture. L'entrée par une ouverture souterraine, autre » que celle qui a été établie pour servir d'entrée, est une cir» constance de même gravité que l'escalade » (art. 397).

« Sont qualifiés fausses clefs tous crochets, rossignols, passe"partouts, clefs imitées, contrefaites, altérées ou qui n'ont pas » été destinées par le propriétaire, locataire, aubergiste ou logeur, >> aux serrures, cadenas ou autres fermetures quelconques auxquelles » le coupable les aura employés » (art. 398).

837. Il résulte de ces définitions et aussi des dispositions contenues dans les articles qui s'y réfèrent (notamment art. 381 4° et 384) que notre Code pénal n'a envisagé l'effraction, l'escalade et l'usage de fausses clefs, en cas de vols, qu'au point de vue de

la violation des clôtures ou fermetures. Tout autre genre d'effraction ou d'escalade est en dehors de ces définitions ou dispositions. Et encore faut-il que ces violations de clôtures ou fermetures aient été commises dans un lieu clos de tout côté. Partout ailleurs, elles sont pareillement en dehors des termes de notre Code. Ces définitions ne sont donc pas des définitions générales, susceptibles d'être appliquées en toute occasion. On voit d'ailleurs que notre Code y a compris sous le nom d'effraction jusqu'à l'enlèvement d'ustensiles ou instruments servant à fermer ou à empêcher le passage, pourvu, bien entendu, que cet enlèvement ne soit pas le moyen même d'ouverture ou de passage qu'emploient les propriétaires ou usagers légitimes, comme il en serait par exemple d'une traverse mobile destinée à être placée pour fermer les deux battants d'une porte, et enlevée pour les ouvrir. On voit aussi qu'il a compris sous le nom d'escalade jusqu'à l'acte de passer par-dessus les murs, portes ou toutes autres clôtures, si bas que soient ces murs ou clôtures, ne fallût-il qu'une enjambée pour les franchir en ce sens, sauter un fossé qui, par ses dimensions et sa disposition, est destiné à former clôture d'un lieu clos de toutes parts serait dans notre droit une escalade.

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838. Il résulte pareillement de ces dispositions que, même dans un lieu clos de toutes parts, notre Code n'a incriminé comme modalités aggravantes du vol que les escalades extérieures, c'est-à-dire celles qui ont servi à entrer dans ces lieux clos (art. 397, conféré avec les art. 381 4° et 384); quant aux escalades intérieures, elles restent encore en dehors des termes de notre Code (ci-dess., no 833). 839. Il n'en est pas de même des effractions ou emploi de fausses clefs notre Code a incriminé comme modalités aggravantes du vol tant celles extérieures, qui ont servi à procurer l'entrée dans des lieux clos de toutes parts, que celles intérieures, qui ont été commises après introduction d'une manière quelconque, même légitime, dans de semblables lieux (art. 395 et suiv. pour les effractions, et art. 397 pour l'usage de fausses clefs, conférés avec les art. 381 4o et 384).

840. Enfin il en résulte encore que des effractions opérées hors de ces lieux clos, mais sur des meubles fermés qui en ont été enlevės, sont considérées comme effractions intérieures (art. 396).

La même disposition n'est pas appliquée par le texte à l'ouverture de ces mêmes meubles par l'emploi de fausses clefs (ci-dessus, no 834).

841. Indépendamment des cas d'effractions qui précèdent, notre Code pénal en a prévu deux autres celui d'évasion de détenus avec bris de prison (art. 241), et celui de bris de scellés. Ce dernier fait, outre qu'il est puni en lui-même comme crime ou délit particulier (art. 249 à 252), s'il a été employé comme moyen de commettre un vol est mis, pour l'aggravation de ce vol, au même niveau que les effractions précédentes (art. 253).

842. Toutes les fois que l'effraction, l'escalade ou l'emploi de fausses clefs se présenteront d'une autre manière ou dans des délits autres que ceux spécialement prévus par le Code pénal ou par quelque texte de loi, l'influence en sera restreinte, dans notre pratique, aux simples nuances de la culpabilité individuelle, et le soin d'en tenir compte rentrera dans l'office du juge suivant la latitude laissée à ce juge pour la détermination de la peine.

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843. Quant à l'effraction, l'escalade, l'emploi de fausses clefs qui ne seraient pas l'accessoire d'un autre délit, mais qui se présenteraient seuls, comme fait principal, ils ne se trouvent pas incriminés en qualité de délits particuliers par notre Code. - II pourra se faire qu'ils aboutissent à une violation de domicile, mais alors c'est que les caractères exigés par le Code pour constituer ce délit de violation de domicile (art. 184) se rencontreraient dans les faits l'effraction, l'escalade, l'emploi de fausses clefs n'auraient été que des moyens de commettre ce délit. pourra se faire qu'ils aboutissent à une des contraventions de simple police frappées par les articles 471 n° 13 et 14, 475 nos 9 et 10, et 479 no 10 du Code pénal, le passage illicite sur le terrain d'autrui; mais alors ils n'auront été encore que des moyens d'arriver à ces sortes de contraventions. Enfin il pourra se faire aussi, surtout en ce qui concerne les effractions, que ces actes considérés en eux-mêmes comme fait principal, rentrent dans les divers cas prévus par le Code, de destructions, mutilations ou dégradations de monuments (C. p., art. 257), de destructions ou renversements, en tout ou en partie, d'édifices ou constructions appartenant à autrui (art. 437), de ruptures ou destructions de parcs de bestiaux ou cabanes de gardiens (art. 451), de destructions ou dégradations de clôtures (art. 456, et Code rural de 1791, tit. 2, art. 17), de dégâts ou dommages à quelque objet mobilier (C. p., art. 440 et 479 n° 1): ils seront alors punissables aux termes et suivant l'esprit de ces articles, à cause de la destruction ou dégradation qui sera contenue en eux.

§ 3. Du temps du délit.

844. Le temps, comme mesure de la durée, est un élément inséparable des faits, et partant de tout délit. Le temps mis à former et à nourrir le projet du délit, ou à préparer ou à exécuter le délit, ou à y persévérer s'il s'agit de quelque action ou de quelque inaction continue; quelquefois le temps que les conséquences préjudiciables auront mis à se produire, ou celui durant lequel elles se seront prolongées : voilà autant de considérations sur la durée qui entrent nécessairement avec une certaine influence dans l'appréciation des délits. Il est possible que le législateur en prévoie quelques-unes à l'avance et en marque les conséquences pénales. C'est ainsi que notre Code pénal, dans ses articles 341,

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