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connu coupable est attribué par cet article 463 et par l'article 341 du Code d'instruction criminelle (1) au jury dans tous les cas de crime, une telle déclaration devant avoir pour effet obligé un abaissement de la peine ordinaire, dans les limites marquées par la loi. -S'il s'agit de délits de police correctionnelle ou de contraventions de simple police, le juge est chargé d'apprécier lui-même si les circonstances sont ou non atténuantes, et dans le cas où elles lui paraissent telles il est autorisé à abaisser les peines d'emprisonnement et d'amende jusqu'au dernier niveau de la punition de simple police la plus légère.

1118. C'est une question capitale au sujet de cette institution que de savoir à quelles sortes de crimes, de délits ou de contraventions est applicable le bénéfice des circonstances atténuantes.

Est-ce seulement à ceux prévus et réprimés par le Code pénal, ou même à ceux prévus et réprimés par des lois spéciales? La question se trouve résolue par les textes mêmes du Code pénal et du Code d'instruction criminelle.

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1119. En effet, à l'égard des délits de police correctionnelle et des contraventions de simple police, le texte s'en explique formellement : « Dans tous les cas où la peine de l'emprisonnement et » celle de l'amende sont prononcées par le Code pénal, » dit l'article 463;« L'article 463 du présent Code sera applicable à » toutes les contraventions ci-dessus indiquées, dit l'article 483. - D'où il suit que ce bénéfice est restreint, en règle générale, aux délits ou contraventions régis par le Code pénal, et que pour qu'il puisse être étendu à des délits ou contraventions régis par des lois particulières en dehors du Code, il faut que ces lois en aient donné l'autorisation expresse. C'est ce qu'ont fait, depuis la révision de 1832 surtout, la plupart des lois spéciales. Presque toutes contiennent quelque disposition concue à peu près en ces termes : « L'article 463 (ou l'article 483) du Code pénal pourra être appliqué, etc. (2). » Si la loi particulière garde le silence, cette appli

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(1) Code d'instruction criminelle, art. 341 En toute matière criminelle, même ⚫ en cas de récidive, le président, après avoir posé les questions résultant de l'acte d'accusation et des débats, avertit le jury, à peine de nullité, que s'il pense, à la majorité, qu'il existe en faveur d'un ou de plusieurs accusés reconnus coupables des - circonstances atténuantes, il doit en faire la déclaration en ces termes : A la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de l'accusé. »

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(2) Nous en citerons les exemples principaux : Loi du 25 mars 1822, sur la répression des délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publicité, art. 14; loi du 10 décembre 1830, sur les afficheurs et crieurs publics, art. 8;— loi du 21 mars 1832, sur le recrutement de l'armée, art. 46; loi du 16 février 1834, sur les crieurs publics, art. 2; loi du 24 mai 1834, relative aux détenteurs d'armes et de munitions de guerre, art. 11; loi du 21 mai 1836, portant prohibition des loteries, art. 3; loi du 30 juin 1838, sur les aliénés, art. 41; loi du 5 juillet 1844, sur les brevets d'invention, art. 44; loi du 15 juillet 1845, sur la police des chemins de fer, art. 26; - loi du 19 juillet 1845, sur la vente de substances rénéncuses, art. 1; - loi du 7 juin 1848, sur les ultroupements, art. 8 ; — décret du 9 septembre 1848, relatif aux heures de travail dans les manufactures, art.5;

cation n'est pas permise. Il eût été plus logique et plus commode législativement de renverser la règle, de telle sorte que le bénéfice des circonstances atténuantes put avoir lieu, à moins de disposition spéciale qui le prohibat, car, rationnellement, c'est ce dernier cas qui est l'exception (1).

1120. L'ancien article 463 du Code pénal contenait deux autres restrictions, savoir, que le préjudice causé par le délit de police correctionnelle n'excédat pas vingt-cinq francs, et que le délit füt puni d'emprisonnement. Ces deux restrictions ont été supprimées dans la révision de 1832: quelque soit le préjudice, le même pouvoir d'atténuation est conféré au juge; et au cas d'emprison nement a été ajouté celui d'amende (2).

1121. A l'égard des crimes, l'absence de restriction dans l'article 463 du Code pénal et la généralité des termes de l'article 341 du Code d'instruction: «En toute matière criminelle, le président avertit le jury, etc.,» font voir suffisamment qu'il n'y a pas à distinguer si le crime a été prévu et puni par le Code pénal luimême, ou par quelque loi particulière en dehors du Code : dans l'un comme dans l'autre cas, du moment qu'il s'agit de matière criminelle, le bénéfice des circonstances atténuantes est applicable (3).

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loi du 27 juillet 1849, sur la presse, art. 23; loi du 16 octobre 1849, relative au timbre-poste; - loi du 3 décembre 1849, sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France, art. 9; - loi du 13 avril 1850, relative à l'assainissement des logements insalubres, art. 12; loi du 2 juillet 1850, relative aux mauvais traitements exercés envers les animaux domestiques; - loi du 19 décembre 1850, relative au délit d'usure, art. 6; - loi du 22 février 1851, relative aux contrats d'apprentissage, art. 21; loi du 10 mars 1851, tendant à la répression plus efficace de certaines fraudes dans la vente des marchandises, art. 7; loi du 30 mai 1851, sur la police du roulage et des messageries publiques, art. 14; décret organique du 2 février 1852, pour l'élection des députés au corps législatif, art. 48; - décret du 27 décembre 1852, sur les lignes télégraphiques, art. 13; décret du 25 mars 1852, sur les bureaux de placement, art. 4; loi du 10 juin 1854, sur le libre écoulement des eaux provenant du drainage, art. 6; loi du 22 juin 1854, sur les livrets d'ouvriers,

art. 14.

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(1) Il fut bien proposé par amendement, dans la discussion de la loi de révision de 1832, de généraliser la disposition : ce qui arrêta le législateur, ce ne fut pas la considération des lois spéciales à venir, car pour ces lois le pouvoir législatif restait toujours en mesure de formuler, en les décrétant, une exception s'il croyait l'exception nécessaire; mais ce fut la considération des nombreuses lois antérieures, dont il était impossible à la Chambre, dit le garde des sceaux, de prendre connaissance, de déterminer les limites, de telle sorte que c'eût été voter sur l'inconnu.

(2) Conférez entre eux le texte de l'ancien et celui du nouvel art. 463, ci-dessus, no 1115, note 4, et no 1116, note 3.

(3) On a douté, dès les premiers temps dans la faveur de la révision de 1832, si ce bénéfice ne devrait pas être étendu même aux crimes militaires de l'armée de terre et de l'armée de mer. Cependant la jurisprudence, après quelque hésitation, s'est arrétée à la négative; et, entre autres raisons, on en a donné celle-ci, qui est déterminante, savoir que le système des peines n'étant pas le même, il y aurait souvent impossibilité même matérielle à appliquer les réductions ordonnées par l'article 463.— Mais cette raison cesse, et le changement de juridiction ne saurait entraîner un chan

1122. Non-seulement les circonstances atténuantes ne sont pas, comme les excuses, définies par le législateur; mais notre loi n'exige pas même qu'elles soient précisées par le juge de la culpabilité, qui en est l'appréciateur. Ni le jury (s'il s'agit de crime), ni le juge (s'il s'agit de délit ou de contravention) n'ont à dire dans quels faits, dans quelles considérations, en quoi enfin ils voient des circonstances atténuantes ils se bornent à déclarer qu'il en existe. Le jury « à la majorité, il existe des circonstances atténuantes en faveur d'un tel; » le juge : « attendu qu'il existe des circonstances atténuantes, etc. »

1123. Il ressort de tout ce que nous avons dit jusqu'à présent que la destination rationnelle de celle institution est de fournir le moyen de tenir compte, dans chaque procès et à l'égard de chaque personne, des nuances variées de la culpabilité individuelle, lesquelles échappent aux prévisions du législateur. Sous ce rapport, l'institution, ou du moins quelque chose d'analogue conduisant au même résultat, est indispensable dans toute législation positive bien faite,

Mais en fait, historiquement, un autre motif a présidé encore, en 1832, à la détermination de notre législateur. Le bénéfice des circonstances atténuantes a été présenté dans l'exposé des motifs par le gouvernement, dans les rapports des commissions législatives et dans tout le cours de la discussion, comme un moyen de suppléer à l'impossibilité dans laquelle on se trouvait de tenter, pour le moment, une codification de toute notre législation criminelle; comme une ressource pour étendre à toutes les matières la possibilité d'adoucir les rigueurs de la loi autrement que par une minutieuse révision des moindres détails (1); comme un expédient propre à éluder de très-graves difficultés, par lequel seraient résolues dans la pratique les plus fortes objections contre la peine de mort, contre la manière dont notre Code pénal a régi ce qui concerne la récidive, la complicité, la tentative (2); en un mot, comme une sorte de remède général aux imperfections qui pouvaient se trouver dans notre droit pénal positif, et que notre législateur n'avait pas le temps de rectifier. En d'autres termes, c'était le législateur se déchargeant sur le jury ou sur le juge de

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gement de pénalité, si c'est un crime commun qui, par quelque circonstance particulière, par exemple la qualité de militaire chez l'accusé, ou une mise en état de siége, se trouve déféré à la juridiction militaire. Cette juridiction, chargée alors d'appliquer les peines du droit commun, doit le faire avec le bénéfice de l'article 463 s'il y a lieu. La raison cesse encore si la loi militaire accorde elle-mème spécialement le bénéfice des circonstances atténuantes et en marque les effets, comme on le voit dans la loi de 1829, citée ci-dessus, p. 466, note 2.

(1) Exposé des motifs par le garde des sceaux.

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(2) Rapport au nom de la commission de la chambre des députés. - Et en effet, dans le cours de la discussion des autres articles de la loi de révision, plusieurs fois diverses propositions de modifications à faire à notre Code pénal n'ont été repoussées que par cette réponse : « Les circonstances atténuantes y pourvoiront.

la tàche qui lui incombait à lui-même; c'était la démission du pouvoir législatif au profit du jury ou du juge. 1124. Notez la grande différence : Si l'institution est exclusivement renfermée dans sa destination rationnelle, le jury ou le juge sont obligés, pour déclarer l'existence de circonstances atténuantes, de motiver en fait, dans leur conscience, cette déclaration; de se dire: Il y a, en réalité, dans le délit, au profit de telle. personne, tel fait ou tel ensemble de faits atténuants. Si l'on arrive au contraire à la seconde destination, le jury ou le juge n'ont plus qu'à motiver en droit, dans leur conscience, la détermination qu'ils prennent: «En réalité il n'y a dans le délit, au profit de telle personne, aucun fait atténuant; mais en droit, suivant mon appréciation consciencieuse, la disposition de la loi pénale est trop rigoureuse, j'estime qu'elle a besoin d'être adoucie, je n'admets pas la peine de mort, ou telle autre raison semblable, et en conséquence je déclare un mensonge, savoir, qu'il existe des circonstances atténuantes quoiqu'il n'en existe pas; ou bien, si l'on veut, la circonstance atténuante, c'est la nécessité, suivant moi, de corriger la loi. » Ceci est bien en contradiction manifeste avec une autre règle de notre procédure pénale, à savoir, que le juré ne doit pas se préoccuper, pour former son verdict, de la peine prononcée par la loi; qu'il manque à son premier devoir si, pensant aux lois pénales, il considère les suites que pourra avoir, par rapport à l'accusé, la déclaration qu'il est appelé à faire (C. i. c., art. 342). Mais cette règle de pure abstraction, trop opposée aux tendances inévitables de l'esprit humain pour ètre praticable en réalité, a été incontestablement abrogée dans l'esprit du législateur de 1832, en ce qui concerne les circonstances atténuantes. C'est le législateur lui-même qui a convié le jury à juger la loi et à pondérer sa déclaration en conséquence; préférant une répression atténuée à des déclarations de nonculpabilité auxquelles le jury arriverait souvent, plutôt que de voir appliquer, par suite de son verdict, une peine excessive suivant lui.

1125. Depuis que cette institution s'est mise à fonctionner, un grand nombre d'esprits ont été portés à s'alarmer de la multiplicité des déclarations de circonstances atténuantes, et de la tendance qui a présidé souvent à ces déclarations, sans réfléchir que c'est le législateur lui-même qui a voulu celle tendance et qui en a imprimé le mouvement. On s'est ingénié à proposer divers moyens d'y porter remède. Par exemple, celui d'obliger la défense dans ses conclusions, ou le jury dans sa déclaration, à préciser le fait invoqué ou reconnu comme atténuant; en d'autres termes, à motiver en fait la déclaration des circonstances atténuantes sans songer, indépendamment de beaucoup d'autres inconvénients (1), que dès lors le second but que s'est proposé le lé

(1) En passant par-dessus la difficulté d'imposer à des jurés l'obligation de formu

gislateur lors de la révision de 1832 (ci-dess., n° 1123) cesserait de pouvoir être atteint; ou bien celui d'enlever au jury et de transporter aux magistrats le droit de déclarer l'existence des circonstances atténuantes: sans songer que c'est le pouvoir maître de déclarer ou non la culpabilité qui doit rester maitre aussi d'en tempérer la déclaration; qu'autrement le jury, incertain de ce que feront les magistrats, et remis en face des sévérités de la loi, qu'il craindra de voir appliquer rigoureusement, optera plus d'une fois pour l'acquittement, et que le but d'une répression plus efficace quoique atténuée sera encore manqué (1). Sans doute l'abus est possible, l'abus existe dans certaines causes, et le législateur de 1832 ne s'était pas dissimulé qu'il en serait ainsi; sans doute il vaudrait mieux, au lieu de recourir à un tel mode de modération ou de correction de la loi pénale, que ce fût le législateur luimême qui eût rempli sa tâche, et qui n'eût plus laissé à la déclaration de circonstances attenuantes d'autre destination que celle qu'elle doit avoir rationnellement, c'est-à-dire le compte à tenir des nuances variées et effectives de la culpabilité individuelle; mais en l'état de notre droit pénal positif nous considérons cette institution, telle qu'elle est, comme ayant été et comme étant encore chaque jour très-utile dans notre pratique; nous aimons mieux, en somme, ce remède, même avec ses inconvénients, que s'il n'en existait aucun (ci-dess., n° 1025).

La proportion des déclarations de circonstances atténuantes au

ler leur déclaration, par-dessus la difficulté pour eux de démêler, dans une impression qui résultera souvent de l'ensemble de l'affaire, un fait précis auquel sera attribué exclusivement le caractère atténuant, et celle de s'accorder sur l'indication de ce fait; en supposant que ce soit sur la défense qu'on rejette cette charge, on retombe précisément dans tous les inconvénients déjà expérimentés par la pratique de l'article 646 du Code de brumaire an IV (ci-dess., nos 1094 et 1095): l'insignifiance, la bizarrerie, pent-être même l'immoralité de faits présentés et admis comme atténuants quoiqu'ils ne le soient pas; ou bien certains faits passant en formule banale et devenant comme de style pour éluder la difficulté; ou bien l'autorité donnée aux magistrats d'admettre ou de rejeter la position des questions relatives à ces faits, ce qui serait détruire le système des circonstances: inconvénients qui, déjà sous l'empire de l'article 646 du Code de brumaire an IV, avaient fini par conduire la pratique à poser quelquefois aux jurés cette seule question : L'accusé est-il excusable? sans préciser aucun fait (CARNOT, Instruction crim., sous l'art. 339, no 7), quoiqu'il y eùt en cela une violation bien manifeste de la loi.

(1) Déjà l'empereur, présidant la séance du conseil d'Etat du 16 septembre 1808, dans la discussion animée qui s'éleva pour décider à qui du jury ou des magistrats serait attribué le pouvoir de prononcer sur l'existence ou la non-existence des excuses, faisait des observations semblables: Le jury, disait-il, ne remplirait qu'à demi son ministère si, lorsqu'il existe tant de degrés dans les crimes, et que ces degrés dépendent des circonstances, il se bornait à une déclaration simple sur la culpabilité, ete. »

Quand on ne soumettrait pas aux jurés les circonstances qui aggravent ou atténuent le crime, ils y auraient toujours égard pour former leur déclaration. Par exemple (exemple d'une circonstance aggravante).... Mais alors qu'arrivera-t-il si on ne les fait pas voter spécialement sur cette circonstance? Qu'ils absoudront l'accusé, par la crainte qu'on ne lui inflige une peine que, dans leur opinion, il ne mérite pas. » (LOCRÉ, tom. 25, p. 506 et 507; ci-dess., no 1097, note 1.)

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