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109. La seconde série est celle du quatorzième et de la presque totalité du quinzième siècles, depuis les réformes de saint Louis, jusqu'à la rédaction officielle des coutumes, en vertu de l'ordonhance de Charles VII, à Montils-lez-Tours, en 1453 (art. 125). C'est une époque intermédiaire durant laquelle la féodalité décroît et l'autorité royale prend son assiette. Lå se rangent: les Anciennes Constitutions du Chastelet de París, qui me paraissent avoir un cachet d'ancienneté plus grande qu'on ne le suppose ordinairement; les Décisions de messire Jean des Mares, conseiller el advocat du roy au Parlement, sous les roys Charles V et Charles VI; les Coustumes notoires jugées au Chastelet de Paris, qui se réfèrent à la même période; le Grand Coustumier de France, d'auteur inconnu, qui était du temps du roy Charles VI; et enfin la Somme rural de Jehan Bouteiller, conseiller du roi au Parlement de Paris, mort dans les premières années du quinzième siècle (1).

110. La troisième et dernière série comprend les nombreux textes de coutumes écrites suivant l'ordonnance de Charles VII et dans les règnes subséquents. Ici les coutumes se produisent sous l'autorité du pouvoir royal; elles sont rédigées par ordre du roi, vérifiées par le Grand Conseil, promulguées par le roi, enregistrées par les Parlements (2); plus la date en est récente, plus l'in

(1) Lés Anciennes Constitutions du Châtelet de París ont été mises par Laurière à la suite de son commentaire sur la Coutume de Paris. Les articles relatifs au droit pénal sont les suivants: Art. 30 et 40, ci paroles de crime; 58, ci paroles de gages; 39, ci parbles d'enqueste; et 67, ci dit du plet du croisié. L'article 59, qui parle d'enqueste et sur lequel nous reviendrons en traitant de l'introduction de la procédure inquisitoriale dans notre justice criminelle laïque, est à remarquer.

Les Décisions de messire Jean DES MARES (mort en 1382), éditées par Brodeau, à la suite de son commentaire sur la Coustume de Paris, offrent, sur leur nombre total de quatre cent vingt-deux, soixante et une décisions ou maximes se référant au droit péhal, et intéressantes pour l'histoire de ce droit.

Les Coustames notoires jugées au Chastelet de Paris (de 1300 à 1387, suivant les dates mêmes que portent la plupart de ces décisions) ont été éditées aussi par Brodeau, à la suite du même commentaire. Rien de spécial au droit pénal.

Le Grand Coustumier de France, contenant tout le droict françois et practique judiciaire, etc., a été édité par L. Charondas le Caron, en 1598. Qui soit l'Antheur de ee livre, je ne l'ay peu encores sçavoir, dit Charondas; toutesfois j'ay apprins de luymême qu'il estoit du temps du roy Charles VI. On voit en effet, par le chap. 6 du liv., où l'auteur rapporte une ordonnance de 1402 par le Roy nostre sire Charles VI, que son ouvrage doit se placer sous le règne de ce prince, après l'année 1402, par conséquent entre les années 1402 et 1422, époque de la mort de Charles VI. Ont trait directement ou indirectement au droit pénal: dans le livre premier, les chap. 1, 2, 3, 9 et 11; dans le livre deuxième, les chap. 44 et 46; et dans le livre quatrième et dernier, les chap. 1, 3, 5 et 6, qui est le dernier et qui traite des peines. Enfin, dans la Somme rural de Jehan BOUTEILLER, bu Grand Coustumier et practique du droict civil et canon observé en France, nous signalerons sur le droit pénal au premier livre les chap. 3, 28 et 29, 34 et 35, 38 et 39; au deuxième livre, les chap. 1 et 2, 7, 9, 11 et 12, 19, 28, 33, 38 et 40; plus les articles adjoutez qui estoient au manuscrit de la Somme rural, relatifs à la demande, aux formes, aux champions et à la tenue en champ de bataille.

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(2) ..... Ordonnons et décernons, déclairons et statuons que les coustumes,

fluence de la couronne y devient marquée. Il y en a de générales pour toute une province; d'autres, locales, pour une ville ou pour une certaine circonscription. Le plus grand nombre des rédactions définitives occupe tout le cours du seizième siècle; on en trouve encore quelques-unes dans le commencement du siècle suivant, de 1619 à 1628: après quoi, cette source s'arrête. Le temps est venu où l'autorité royale, consolidée et agrandie, domine tout le territoire et tous les pouvoirs; où les idées d'unité apparaissent en germe dans les esprits supérieurs la tendance n'est plus de procéder, en fait de législation, par textes coutumiers et locaux; on procède par ordonnances royales et générales pour tout le royaume. Le droit coutumier, fixé dans ses textes, commenté par la doctrine des auteurs, subordonné aux dispositions générales des ordonnances, reste ainsi en vigueur jusqu'aux grandes réformes législatives accomplies par notre révolution.

111. On ne se préoccupe généralement du droit coutumier qu'en ce qui concerne le droit civil, et on s'habitue à le considérer comme une source peu importante pour le droit pénal. Ceci toutefois demande des distinctions.

En premier lieu, plus les documents du droit coutumier sont anciens, plus les dispositions relatives au droit pénal y tiennent de place. Ainsi, dans la première et dans la seconde séries que nous avons signalées, c'est-à-dire dans la série qui appartient à l'ère féodale (du dixième au treizième siècle inclusivement), et dans celle qui appartient à l'époque intermédiaire (au quatorzième et au quinzième siècles), la part du droit pénal est importante. Nous pouvons recueillir dans les textes et dans les traités coutumiers de ces deux séries les renseignements les plus précieux, les plus caractéristiques de chaque époque, eu égard tant à la pénalité qu'aux juridictions et à la procédure pénales.

En second lieu, les coutumes de la troisième série, c'est-à-dire les coutumes officiellement rédigées au seizième et au dix-septième siècles, sont encore fort utiles pour l'étude historique des juridictions pénales, car toutes ou presque toutes contiennent des chapitres spéciaux sur la justice et les juridictions, sur les haute, moyenne ou basse justices des justiciers. Et s'il est vrai qu'elles donnent généralement moins de place à la pénalité et à la procédure pénale, cependant, même sur ces deux points, plusieurs d'en

usages et stiles de tous les pays de nostre royaume soyent rédigez et mis en escrit, accordez par les coustumiers, praticiens et gens de chascun desdiz pays de nostre royaume, lesquels coustumes, usages et stiles ainsi accordez seront mis et escritz en livres, lesquels seront apportez par devers nous, pour les faire veoir et visiter par les gens de nostre grand Conseil, ou de nostre Parlement, et par nous les décreter et confermer;... et lesquelles coustumes, stiles et usages ainsi escritz, accordez et confermez, comme dict est, voulons estre gardez et observez en jugement et dehors. (Ordonnance de Montils-lez-Tours, d'avril 1453, art. 125.)

tre elles ne laissent pas que d'offrir un véritable intérêt et l'on aura fréquemment à en tirer profit (1).

§ 6. Ordonnances royales.

112. Les ordonnances nous offrent le travail de la monarchie, la part de l'autorité royale dans la progression historique de notre droit et de nos institutions, depuis les commencements de cette monarchie jusqu'à l'ère nouvelle ouverte en 1789.

Sous le titre de capitulaires ou constitutions, celles de la première et de la seconde race font partie des documents que nous avons assignés au droit barbare; elles rentrent dans la période et dans la destinée de ce droit (ci-dess. n° 76 et 80).

Celles de la troisième race doivent être rapprochées aussi des divers systèmes généraux dont elles ont été contemporaines. Ainsi, depuis le dixième siècle jusqu'au treizième inclusivement, elles appartiennent à l'ère féodale: parmi elles se distinguent surtout les ordonnances et établissements de saint Louis (ci-dess. n° 100). Depuis le commencement du quatorzième siècle, à partir de Philippe le Bel, jusqu'à la fin du quinzième, sous Louis XII, elles appartiennent à l'ère intermédiaire, durant laquelle la démolition de la féodalité politique et l'élévation du pouvoir royal s'accomplissent.

Enfin, pendant le seizième, le dix-septième et le dix-huitième siècles, depuis François Ier jusqu'à Louis XIV et Louis XV, elles appartiennent à l'ère monarchique, où le royaume de France est constitué, où la couronne, dégagée de la féodalité, agit d'abord contenue encore par le controle imparfait et par les influences intermittentes des parlements et des états généraux ou provinciaux, puis libre de tout contrôle et presque absolue dans sa volonté.

Il est, du reste, un point manifeste et dans la nature même des

(1) Les coutumes de cette série, avec quelques-unes des plus anciennes, ont été recueillies presque en totalité dans le Coutumier général, par BOURDOT DE RICHEBOURG, Paris, 1724, 8 tomes in-fol.

La Conférence des coustumes, tant générales que locales, etc., par Pierre GUENOYS (Paris, 1596, in-fol.), offre, sous des titres méthodiques, un rapprochement utile entre les dispositions des diverses coutumes. On y lira avec fruit, quant au droit pénal coutumier, première partie, les titres 3, 4, 5, 14, 15, 16, et surtout 26, des crimes et peines imposées à iceux.

Les maximes les plus saillantes et les dictons les plus originaux du droit coutumier ont été recueillis et classés par ordre de matières dans les Institutes coutumières d'Antoine LovSEL. Il faut voir cet ouvrage dans l'excellente édition qu'en ont donnée récemment MM. Dupin et Édouard Laboulaye. C'est dans le livre vi, de crimes et gages de bataille, tit. 1 et tit. 11, de peines et amendes, que se trouvent les maximes et dictons spécialement relatifs au droit pénal.

La dernière autorité des coutumes, déjà considérablement réduite par chaque loi générale, a été nominativement abrogée par la loi du 30 ventôse an XII (21 mars 1804), portant promulgation du Code civil des Français, appelé plus tard Code Napoléon.

choses: c'est qu'à toute époque et dans toute leur sérje, sous l'ère féodale comme dans les temps postérieurs, les ordonnances ont eu pour tendance propre, tout en se liant au système contemporain, de travailler à cette extension graduelle et à cette suprématie finale de la royauté.

113. Quoique le terme d'ordonnances soit générique, cependant on en distingue de plusieurs sortes, de même que les Romains dislinguaient plusieurs sortes de constitutions impériales. Le titre d'Ordonnances se réserve communément à celles qui ont le plus de généralité, qui embrassent et coordonnent un grand ensemble de matières diverses, ou du moins toute une matière générale, dans sa complète extension; les Edits ont un objet spécial et restreint; les Déclarations sont des accessoires aux ordonnances ou aux édits, qui les expliquent, les complètent ou les modifient; les Lettres patentes, ainsi nommées par opposition aux lettres secrètes ou lettres de cachet, sont adressées à quelque autorité sous forme de lettre contenant des ordres ou des instructions destinés à l'enregistrement parlementaire et à la publicité. Ces actes n'en sont pas moins tous des ordonnances, et souvent la dénomination spéciale qu'ils portent tient plus à l'usage qui la leur a donnée qu'à des règles précises sur ces dénominations.

114. Parmi les ordonnances, celles qui ont été faites d'après les demandes ou doléances de nos états généraux, ou bien à la suite d'une assemblée de notables, se lient à des événements majeurs de notre histoire et attirent de préférence l'attention. Ce n'est pas que le droit privé tienne une grande place dans les préoccupations dominantes en de pareils événements; mais les institutions politiques et le mode d'action du gouvernement, mais l'organisation des juridictions et l'administration générale de la justice, mais le droit pénal et la procédure usitée pour le mettre en application, tous objets qui tiennent plus à la vie publique et aux malaises de la société, forment le point naturel et ordinaire de ces préoccupations, de ces doléances, et par suite des dispositions de cette nature d'ordonnances.

A côté de celles-ci, il en faut placer d'autres qui, pour n'avoir pas été provoquées ou préparées par des assemblées d'états ou de notables, n'en ont pas moins eu, à cause de l'importance de leurs dispositions ou des institutions qu'elles ont fondées, une influence marquée sur le cours de notre législation; et qui ont fait événement, sinon dans l'histoire des troubles et des émotions politiques, du moins dans l'histoire du droit.

115. En ce qui concerne notre spécialité, le droit pénal, si nous nous en tenons à ces ordonnances plus étendues ou plus importantes, nous signalerons :

Celle du 3 mars 1356 donnée durant la captivité du roi Jean par son fils Charles V, lieutenant général du royaume, sur les doléances et réclamations des états généraux;

Celle de Montils-lez-Tours, du mois d'avril 1453, sous Charles VII: la même dont le dernier article prescrit la rédaction officielle des coutumes;

Celle de mars 1498, sous Louis XII, en assemblée de notables, sur la réformation de la justice et sur l'utilité générale du royaume: remarquable pour nous en ce qu'on y voit, entre autres dispositions, un premier essai de coordination générale des règles de la procédure criminelle;

L'édit de Crémieux, du 19 juin 1536, sous François Ier, réglant les attributions et la compétence de juridiction entre les baillis, sénéchaux, juges présidiaux, prévôts, chatelains et juges ordinaires;

La fameuse ordonnance de Villiers-Cotterests, du mois d'août 1539, sons François Ier, sur le fait de la justice et abréviation des procès œuvre du chancelier Poyet, que Dumoulin a brièvement commentée (tom. II de ses œuvres), et qui nous présente, entre antres dispositions, un nouveau règlement général de la procédure en matière criminelle;

Les trois ordonnances, non moins célèbres d'Orléans, de Moulins et de Blois les deux premières, œuvres du chancelier l'Hospital, sous Charles IX, en janvier 1560 et février 1566, et la troisième sous Henri III, en mai 1579: rendues, la première et la dernière, à la suite des états d'Orléans et de Blois, et l'autre en assemblée de notables;

L'ordonnance de janvier 1629, sous Louis XIII, préparée par les doléances des états de 1614 et par les délibérations de deux assemblées de notables. C'est cette ordonnance qui a été surnommée Code Marillac ou Code Michaux, du nom de son auteur, Michel Marillac, garde des sceaux. Conçue dans l'esprit du gouvernement de Richelieu, alors premier ministre, et dans des vues de réforme qui soulevèrent l'opposition de ceux dont les abus ou les priviléges étaient attaqués ou menacés, elle ne fut enregistrée qu'avec difficulté et sous diverses restrictions par quelques parlements. La chute de Marillac, survenue moins de deux ans après, acheva de la discréditer; le cardinal, en perdant Marillac', qui avait osé prendre parti pour la reine mère contre lui, laissa tomher son œuvre, et l'ordonnance resta sans autorité dans la pratique postérieure des affaires;

le

Enfin, le plus important de tous ces documents pour la législation pénale, l'ordonnance criminelle de Louis XIV, du mois d'août 1670. Discutée dans des conférences préparatoires dont nous avons procès-verbal, et dans lesquelles le premier président de Lamoignon et l'avocat général Talon ont souvent lutte contre la rudesse du commissaire royal Pussort, commentée par les criminalistes postérieurs, ou servant de base à leurs écrits, cette ordonnance fut un véritable code de compétence et de procédure criminelles;

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