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1603. Il en est de même de la confiscation spéciale, peine accessoire qui est à prononcer par le juge, soit obligatoirement, soit facultativement, suivant le texte de loi qui la décrète. Quand elle a lieu, en cas d'acquittement ou en cas de délinquant inconnu, elle ne fonctionne plus comme peine (ci-dess., n° 1576); et dans les autres cas elle est toujours l'accessoire d'une condamnation principale.

1604. Peines qui fonctionnent ordinairement comme peines accessoires, et quelquefois cependant comme peines principales: -La dégradation civique et la surveillance de la haute police.

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1605. La dégradation civique est l'accessoire de plein droit (ipso jure) de toute condamnation à une peine criminelle soit des peines perpétuelles, en vertu de la loi du 31 mai 1854, art. 2 (nous croyons qu'il a été dans l'esprit de cette loi de comprendre sous cette qualification la peine de mort, ce qui aurait son importance pratique pour le condamné qui serait parvenu à se soustraire à l'exécution); soit des peines temporaires, en vertu de l'article 28 du Code pénal (1). Notez que le gouvernement, quand il s'agit de la peine des travaux forcés à perpétuité ou à temps, est autorisé par l'article 12 de la loi du 30 mai 1854, sur l'exécution de ces peines, à accorder aux libérés, dans la colonie, l'exercice de quelques-uns des droits dont ils sont privés par la dégradation civique, savoir: de ceux mentionnés au troisième et au quatrième paragraphe de l'article 34 du Code pénal, relatif aux effets de cette dégradation (voir le texte de l'article 12 de la loi de 1854, ci-dessus, page 691, en note; et celui de l'article 34 du Code pénal, page 716, note 1).

1606. Indépendamment de cet usage ordinaire et accessoire, la dégradation civique est employée encore quelquefois, en qualité de peine principale, contre certains crimes (2). Mais comme il s'agit là d'une affliction fort inégalement sentie, suivant la situation des personnes, qui même pour quelques-unes pourrait être complètement illusoire, la loi de révision de 1832 a voulu qu'elle fût corroborée par l'addition d'une peine d'emprisonnement qui, suivant le cas, peut ou doit être prononcée par le juge (3).

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(1) Code pénal. Art. 28. La condamnation à la peine des travaux forcés à temps, de la détention, de la réclusion ou du bannissement, emportera la dégradation civique. La dégradation civique sera encourue du jour où la condamnation sera devenue irrévocable, et, en cas de condamnation par contumace, du jour de l'exécution par effigie..

(2) Cas d'application de la dégradation civique comme peine principale, dans le Code pénal, art. 111, 114, 119, 121, 122, 126, 127, 130, 143, 167, 177, 179, 183, 228, 263, 362, 366.

(3) Code penal. Art. 35 (d'après la loi de 1882). Toutes les fois que la dégradation civique sera prononcée comme peine principale, elle pourra être accompagnée d'un emprisonnement dont la durée, fixée par l'arrêt de condamnation, n'excédera ⚫ pas cinq ans, Si le coupable est un étranger ou un Français ayant perdu la qualité de citoyen, la peine de l'emprisonnement devra toujours être prononcée.

L'application de la dégradation civique comme peine principale se présente rarement dans notre pratique criminelle. Dans les quarante-deux années depuis la mise à exécution du Code pénal, de 1810 jusqu'à 1853 (1811 à 1853), il n'y a eu en tout que 53 semblables condamnations. Encore la majeure partie se rapporte-t-elle aux années antérieures à 1826. Depuis 1826, la moyenne n'a pas été d'une par an. Les derniers chiffres sont: en 1851, 0; en 1852, 1; et en 1853, 2.

1607. La surveillance de la haute police est l'accessoire de plein droit (ipso jure) de toute peine criminelle temporaire. Le législateur, frappé sans doute de l'idée de perpétuité, n'en a rien dit en ce qui concerne les peines perpétuelles de la déportation dans une enceinte fortifiée, de la déportation simple, ou des travaux forcés à perpétuité; mais c'est évidemment une lacune, car l'effet d'une grâce pourrait mettre fin à ces peines perpétuelles, et replacer le libéré dans la société. La surveillance est l'accessoire obligé, qui doit être prononcé par le juge, de toute condamnation pour crimes ou délits intéressant la sûreté intérieure ou extérieure de l'État. Enfin, hors de ces cas, il faut une disposition particulière de la loi pour que le juge puisse la prononcer (1). Ces cas sont encore en grand nombre dans le Code pénal. La prononciation de la mise en surveillance est obligatoire ou facultative pour le juge, suivant le texte qu'il s'agit d'appliquer (2).

1608. On peut dire que la surveillance de la haute police fonctionne aussi comme peine principale, parce qu'il est quelques cas, rares il est vrai, dans lesquels le Code pénal, tout en dispensant le condamné, à raison de quelque excuse ou à raison de son age, de l'application de toute autre peine, ordonne cependant ou permet qu'il soit mis sous la surveillance de la haute police (3).

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(1) Code pénal. Art. 47. Les coupables, condamnés aux travaux forcés à temps, à la détention et à la réclusion, seront, de plein droit, après qu'ils auront subi leur peine, et pendant toute la vie, sous la surveillance de la haute police.

» Art. 48. Les coupables, condamnés au bannissement, seront, de plein droit, sous la même surveillance, pendant un temps égal à la durée de la peine qu'ils auront subie.

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Art. 49. Devront être renvoyés sous la même surveillance ceux qui auront été condamnés pour crimes ou délits qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat.

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Art. 50. Hors les cas déterminés par les articles précédents, les condamnés ne seront placés sous la surveillance de la haute police de l'Etat que dans le cas où une disposition particulière de la loi l'aura permis. »

(2) Cas dans lesquels le Code pénal ordonne par une disposition particulière, soit obligatoirement, soit facultativement pour le juge, la mise en surveillance du condamné art. 58, 67, 221, 246, 282, 308, 309, 315, 317, 326, 335, 343, 388, 400, 401, 416, 419, 420-2°, 421, 444, 452, 463.

(3) Voir les articles 100, 108, 138, 144, 213 et 271 du Code pénal.

§ 4. Classification des peines par rapport à l'effet à produire sur le condamné ou sur le public.

1609. Les peines sont divisées sous ce rapport, par notre droit positif, en peines afflictives, infamantes, ou correctionnelles; la première de ces qualités entraînant toujours avec elle la seconde (peines afflictives et infamantes), laquelle peut cependant exister séparément (peines infamantes seulement).

C'est là un mauvais héritage de l'ancienne jurisprudence criminelle, que la Constituante n'a pas eu le soin de répudier et qui s'est transmis comme une division principale des peines, jusque dans notre Code pénal de 1810 (art. 6 à 9, ci-dess., p. 738, notel). -Les deux premières, c'est-à-dire les peines afflictives et infamantes ou les peines infamantes seulement, étaient affectées au grand criminel; les troisièmes, c'est-à-dire les peines correctionnelles, au petit criminel (ci-dess., no 767 et suiv.); et c'est encore avec cette destination que la classification a passé dans notre Code. La distinction était basée sur cette idée, que pour les grands crimes il n'y avait qu'à affliger, qu'à faire souffrir le coupable (peines afflictives) et à le flètrir (peines infamantes); tandis que pour les délits inférieurs, on se proposait seulement de le corriger (ci-dess., n° 667 et suiv.).

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1610. Si donc nous cherchons une définition des peines afflictives, définition dont on a perdu la trace faute de se reporter à ces souvenirs historiques, et qu'on ne formule plus que d'une manière inexacte, nous dirons que les peines afflictives sont celles qui sont infligées au condamné dans le but de l'affliger, de le faire souffrir; tandis que les peines correctionnelles sont celles qui lui sont infligées dans le but de le corriger. Et voilà comment on en est venu à qualifier d'afflictives la détention, la réclusion, et de correctionnelle l'emprisonnement, quoique les unes et les autres ne soient que des peines privatives de liberté.

1611. Nous n'avons pas besoin d'insister sur les idées si souvent reproduites dans cet ouvrage, que toute peine doit être à la fois afflictive et correctionnelle, dans la proportion exigée pour chaque dėlit; que souvent ce sont les coupables des crimes graves qui sont le plus susceptibles d'être corrigés ; qu'il n'y a qu'une seule peine exclusivement afflictive, sans qu'il soit possible d'y songer à la correction, la peine de mort, laquelle doit disparaître du système répressif rationnel; et qu'enfin vouloir séparer ces deux qualités, de telle sorte qu'il y aurait des peines qui n'auraient que celle-ci et d'autres qui n'auraient que celle-là, c'est un contresens en droit pénal.

1612. Quant aux peines infamantes (in privatif, et fama, renommée), ce sont celles par lesquelles, à proprement parler, le législateur a la prétention d'infliger au condamné la perte d'une bonne renommée, note d'infamie, perte de bonne fame et re

nommée», comme disaient nos anciens. Telle était, en effet, la jurisprudence criminelle jadis, suivant une longue tradition, venue de la législation et des coutumes romaines, consacrée par les mœurs et par le droit. En droit, ce n'était pas au crime, c'était au genre de peine prononcée par la sentence, souvent même au mode d'exécution de cette peine, qu'était attachée l'infamie. Ainsi, par la hart, la mort était infamante, par le glaive elle ne l'était pas; en public, par la main du bourreau, le fouet était infamant, sous la custode, par la main du geòlier ou du questionnaire, il ne l'était pas. Cette infamie emportait, avant tout, une idée de déshonneur, de tache morale, qui s'étendait même, d'après la coutume universelle, jusque sur la famille du condamné.

1613. Mais la renommée, la réputation bonne ou mauvaise, n'est que l'œuvre de l'opinion; or l'opinion est un fait qui échappe au pouvoir du législateur et du juge. Généreuse ou impitoyable, juste ou injuste, pour ainsi dire au hasard, dans tous les cas passionnée, versatile, facile à surprendre, elle obéit à des courants divers, et il lui faut un temps d'oscillations épuisé pour se bien fixer. Ce qui a pu se produire jadis est même détruit aujourd'hui, et les courants ont changé. Comment lui commander par arrêt? La loi qualifie d'infamantes les peines de la déportation ou de la détention appliquées à un condamné politique, et de non infamante la peine d'emprisonnement appliquée à un escroc, à un filou de profession qu'en dira l'opinion? Et puisque c'est puérilité ou en d'autres termes jeu d'enfant, que la prétention d'un acte qu'on est impuissant à produire, nous dirons que la loi pénale est puérile qui prétend faire telle peine infamante et telle autre non infamante.

1614. Mais s'il est vrai que cette qualification des peines ne soit qu'un mot, sans réalité dont la loi puisse être maîtresse, il y a cependant un autre côté par lequel le législateur reprend son empire: c'est celui des pertes ou des déchéances de droits qu'il attache à l'infamie légale par lui décrétée. Ainsi, dans la législation romaine, suivant les degrés de la note d'infamie, les incapacités étaient plus ou moins nombreuses; ainsi, dans notre ancienne jurisprudence criminelle, outre le déshonneur, la tache morale, qui ne relèvent que de l'opinion, les peines infamantes emportaient contre celui qui en était frappé certains effets de droit bien réels, la mort civile ou un ensemble de déchéances, telles que la dégradation de noblesse, l'incapacité de posséder aucun office, charge publique ou bénéfice, ou d'être ouï en témoignage. Ainsi, encore aujourd'hui, si l'on peut dire dans un sens ayant quelque réalité, que toutes les peines en matière criminelle sont infamantes, c'est uniquement en ce sens que toutes emportent la dégradation civique. Même dans ce sens, les mots répondent bien mal à l'idée; la véritable qualification est celle de peines privatives de droits : or, du plus au moins, il en existe de cette qualité tant contre les crimes que contre les délits.

1615. En somme, les effets essentiels à produire par la pénalité sont sur le public l'exemple, sur le condamné l'affliction et la correction. Ces trois qualités, exemplaires, afflictives, correctionnelles, doivent se trouver en toutes les peines, dans la proportion voulue pour chaque délit. Les vieilles qualifications en désaccord avec ces vérités fondamentales doivent disparaître à mesure des progrès du droit pénal. Heureusement, nous sommes autorisés à n'y voir que des termes vicieux, qu'il nous est permis de rectifier quant aux pensées, et sans influence pratique dans l'application,

§ 5. Classification des peines sous le rapport de la durée.

1616. Les seules peines susceptibles d'une mesure de durée, parmi celles employees aujourd'hui en notre droit positif, sont les peines privatives de liberté et les peines privatives de droits. Parmi elles il en est qui sont perpétuelles, d'autres temporaires, et quelques-unes qui fonctionnent tantôt comme perpétuelles et tantôt comme temporaires.

1617. Les peines perpétuelles sont-elles bonnes à être admises dans le système répressif rationnel? Destructives de tout espoir, ne réalisent-elles pas, dans la pénalité, l'inscription de l'enfer de Dante :

Lasciat' ogni speranza, voi ch' entrate!

et par cette désespérance ne sont-elles pas destructives aussi des chances d'amendement ? S'il s'agit de peines perpétuelles irrémissibles, oui; mais s'il s'agit de peines perpétuelles qu'un moyen reconnu par la loi pénale puisse faire cesser, et dont la rémission puisse toujours être entrevue par le condamné, non. La Constituante, qui n'avait pas admis le droit de grâce en matière criminelle, avait repoussé de son Code pénal de 1791 les peines perpétuelles; le Code pénal de 1810 les à rétablies. Elles fournissent des échelons utiles au sommet de la pénalité pour la graduation suprême des châtiments; surtout dans les législations dont la peine de mort serait exclue.

1618. Sont perpétuelles:

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Parmi les peines privatives de liberté la déportation dans une enceinte fortifiée, la déportation simple, les travaux forcés à perpétuité; - parmi les peines privatives de droits : l'incapacité de disposer ou de recevoir par donation entre-vifs ou par testament, la dégradation civique.

1619. Sont temporaires : - Parmi les peines privatives de

liberté :

Les travaux forcés à temps, de cinq ans à vingt ans (C. pr., art. 19); sauf l'augmentation pour cause de récidive, qui peut faire élever le temps de la peine jusqu'au double (C. p., art. 56); La détention, même durée et même observation (C. p., art.

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