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droit, est à considérer par rapport aux unes aussi bien que par rapport aux autres.

1673. La mort du condamné met fin à toute peine corporelle; des peines privatives de droit qui affectaient l'état et la capacité légale de ce condamné, il ne saurait non plus en être question. Mais l'effet des peines relatives aux biens (confiscations ou amendes) subsiste, et l'exécution peut en être poursuivie contre les héritiers. Le motif en est que l'effet pénal de ces deux dernières peines se produit ipso jure, au moment même de la condamnation devenne irrévocable, par conséquent du vivant encore du condamné. Dės cet instant l'Etat devient propriétaire de la chose confisquée, créancier de l'amende prononcée. La procédure qui suit n'est plus qu'une procédure à fin de mise en possession où à fin de payement, qui affecte le patrimoine.

1674. Le laps de temps écoulé depuis la condamnation exécutoire, sans que l'exécution de la peine prononcée ait eu lieu, produira aussi une prescription qui se nomme prescription de la peine, et qui n'est autre chose qu'une prescription libératoire, par laquelle le droit d'exécution pénale se trouve éteint. Le motif n'en est pas autre que l'absence d'intérêt social à une exécution tardive, lorsque la disparition des souvenirs du méfait a fait disparaitre les nécessités de l'exemple. C'est toujours de la théorie fondamentale du droit de punir que découle la démonstration (ci-dess., no 1662). — Les règles générales à en déduire pour cette prescription sont les suivantes :

1o Le droit qui s'éteint ici faute d'avoir été exercé en temps utile étant le droit d'exécution, les peines telles que les déchéances ou incapacités, dont le condamné s'est trouvé frappé par l'effet mème de la sentence, ne sont pas susceptibles de cette prescription. Mais notre Code a soumis à la prescription pénale, et non à la prescription civile, le droit d'exécuter les condamnations portant confiscation ou amende.

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2o Les souvenirs étant arrêtés d'une manière plus durable par le procès qui a eu lieu et par le monument que forme la condamnation, le temps de cette prescription devra être plus long que celui de la prescription précédente. Notre Code d'instruction criminelle, sauf une modification à laquelle il a été conduit par habitude du système décimal, l'a fixé au double: vingt ans, cinq ans ou deux ans, selon qu'il s'agit de condamnations en matière criminelle, de police correctionnelle ou de simple police (art. 635, 636, 639).

3o La prescription devrait commencer à courir du jour où la condamnation est devenue exécutoire. Cependant notre Code d'instruction criminelle a été plus favorable au condamné en la faisant courir, pour les arrêts ou jugements en dernier ressort, de la date de ces arrêts ou jugements: par là il a fait abstraction des quelques jours donnés pour le pourvoi en cassation; et pour les juge

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ments susceptibles d'appel, du jour où ils ne pourront plus être attaqués par cette voie (mêmes articles). Si le condamné à une peine privative de liberté, après avoir subi dėjà une partie de cette peine, parvenait à s'évader, la prescription pour le restant de la peine commencerait à courir du jour de son évasion.

4° Le Code ne s'est pas expliqué sur les actes qui seraient interruptifs de cette prescription: Pour la peine de mort, il n'y en a pas d'autre que l'exécution capitale elle-même, c'est-à-dire qu'il n'en existe pas; Mais pour les peines privatives de liberté, nous considérerons comme interruptive l'arrestation du condamné faite dans le but de lui faire subir sa peine, avant même qu'il ait été conduit dans l'établissement où il doit la subir; - Pour les peines pécuniaires, nous suivrons les règles relatives aux interruptions civiles.

5o Le condamné, libéré par prescription de la peine matérielle qu'il avait encourue, n'en reste pas moins frappé, dans son état et dans sa capacité, des déchéances, dégradations ou pertes de droits produites par sa condamnation. L'article 635, quand il s'agit de peines criminelles, lui fait même une situation à part. 6° Cette prescription, comme la précédente, est de droit public, puisqu'elle met fin pour la société au droit d'infliger la peine prononcée (1).

1675. Quant à la remise ou abandon du droit, il y a des distinctions à faire.

1676. L'amnistie, en même temps qu'elle arrête pour l'avenir tous les actes d'instruction ou de poursuite pénale à raison des faits amnistiés, fait tomber aussi les effets des condamnations pénales prononcées à raison de ces mêmes faits, puisque ces faits sont mis judiciairement en oubli les peines corporelles cessent ou ne peuvent plus être exécutées, les déchéances ou privations

(1) Code d'instruction criminelle. « Art. 635. Les peines portées par les arrêts ou jugements rendus en matière criminelle, se prescriront par vingt années révolues, à compter de la date des arrêts ou jugements. - Néanmoins le condamné ne pourra » résider dans le département où demeureraient, soit celui sur lequel ou contre la propriété duquel le crime aurait été commis, soit ses héritiers directs. Le gou. vernement pourra assigner au condamné le lieu de son domicile.

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Art. 636. Les peines portées par les arrêts ou jugements rendus en matière correctionnelle, se prescriront par cinq années révolues, à compter de la date de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort; et à l'égard des peines prononcées par les tribunaux de première instance, à compter du jour où ils ne pourront plus être attaqués par la voie de l'appel.

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Art. 639. Les peines portées par les jugements rendus pour contraventions de police seront prescrites après deux années révolues, savoir, pour les peines prononcées par arrêt ou jugement en dernier ressort, à compter du jour de l'arrêt; et,

l'égard des peines prononcées par les tribunaux de première instance, à compter du

jour où ils ne pourront plus être attaqués par la voie de l'appel.

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Art. 642. Les condamnations civiles portées par les arrêts ou par les jugements ndus en matière criminelle, correctionnelle ou de police, et devenues irrévocables, se prescriront d'après les règles établies par le Code civil..

de droits relatifs à l'état et à la capacité de la personne prennent fin; il ne reste que les effets qui ont formé droit acquis à des tiers (ci-dess., no 1665).

1677. Mais que décidera-t-on, dans la science pure, de la remise ou abandon qui serait fait individuellement à tel condamné, du droit d'exécution des peines matérielles, ou des déchéances ou incapacités produites par la sentence elle-même? Les mêmes matifs qui font repousser de telles concessions individuelles en ce qui concerne le droit d'action publique, les doivent-ils faire repousser en ce qui concerne le droit d'exécution et les effets légaux des condamnations pénales? Ou bien y a-t-il, dans les principes rationnels de la pénalité, des raisons pour que la société, à qui ces droits appartiennent, confère à quelque autorité le pouvoir d'en faire de telles remises individuelles?

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à restituer.

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1678. Ces deux pouvoirs, quoique contigus, ne sont pas iden tiques l'un ne concerne qu'une exécution à faire; l'autre concerne des effets légaux à défaire, un état amoindri par la loi elle-même A la première de ces concessions individuelles a été donné le nom de grace ou commutation de peines; à la seconde, qui a pour effet de rendre le condamné de nouveau habile, pour l'avenir, à la jouissance ou à l'exercice des droits qu'il avait perdus, le nom de réhabilitation.

1679. La philosophie du dix-huitième siècle, en présence des abus qui avaient été faits des lettres de grace sous l'ancien régime, avait attaqué cette institution dans son principe, et voulait qu'elle fût repoussée de la législation pénale. La Constituante, dans son Code pénal de 1791, l'avait abolie en effet, ainsi que celle des amnisties, pour tout crime poursuivi par voie de jurés (1),

Cependant, comme mesure extraordinaire, la grâce répond aux cas dans lesquels la loi pénale se trouverait en défaut ou trop rigoureuse à l'égard de certains condamnés. Ceci peut se rencontrer dans les législations pénales les mieux faites, parce que la loi ne formule ses règles qu'en abstraction pour ce qui a lieu communément, et que souvent les juridictions sont obligées de l'appliquer même en présence de situations exceptionnelles, à plus forte raison si ces situations ne sont révélées ou ne se produisent qu'après coup, et plus encore enfin dans les législations où se trouvent maintenues des peines extrêmes, telles que celle de mort, dont l'effet comminatoire n'est pas toujours nécessaire à réaliser. Ce premier usage de la grâce comme mesure extraordinaire, doit être fort rare et ne peut être motivé que sur des circonstances exceptionnelles, de nature à rentrer dans les considérations que nous

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(1) Code pénal de 1791. Ire partie, tit. 7, art. 13. L'usage de lous actes tendant à empêcher ou à suspendre l'exercice de la justice criminelle, l'usage des lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon et de commutation de peine, pour tout crime poursuivi par voie de jurés.

sont

abolis

AMNISTIE, GRACE. 775 venons de présenter. C'est le seul usage qui s'en présente au sujet de la peine de mort. Mais comme mesure ordinaire, fonctionnant régulièrement, la grâce est un rouage obligé de tout système construit à la fois sur l'idée de répression et de correction. C'est elle qui montre l'avenir ouvert; elle est l'espérance pour l'amendement qui doit se produire, la récompense pour celui qui s'est produit, le palliatif indispensable des peines perpétuelles. Comme telle elle a besoin d'être soumise à des règles qui en fassent concorder l'exercice avec cette destination. Concluons done aujourd'hui, par les vérités de la science, que la grâce est un complément nécessaire de la pénalité sociale.

1680. Le pouvoir de l'accorder, soit en totalité, soit en partie seulement, soit par la substitution d'une peine inférieure à une peine plus grave, rétabli, sous la constitution consulaire, par le sénatus-consulte du 16 thermidor an X, et consacré par les diverses constitutions suivantes, est dévolu aujourd'hui, avec celui d'amnistie, à l'empereur (constitution de 1852, art. 9, et sénatusconsulte cité ci-dessus, p. 771, en note). — Comme mesure ordinaire fonctionnant régulièrement, l'exercice en est réglementé quant aux conditions, présentations ou formalités nécessaires, par diverses ordonnances, décisions ou instructions, dont l'une des exigences principales est que le condamné ait déjà subi la moitié de la peine prononcée (1). Comme mesure extraordinaire, motivée par des considérations exceptionnelles, l'exercice du droit de grace reste toujours en dehors de ces règlements. C'est dans ce second ordre d'idées que pour toute condamnation capitale la règle est, depuis 1830, de surseoir à l'exécution, quand même il n'existerait aucun recours en grâce de la part du condamné, et de transmettre au ministère de la justice les pièces du procès, avec observations sur les circonstances qui pourraient motiver ou non l'exercice du droit de grâce (2).

1681. A cette question de renonciation an droit d'exécuter les peines prononcées, se lient comme spécialités tout à fait à part, les transactions que feraient après jugement les administrations des douanes ou des contributions indirectes (ci-dess., n° 1663); les réclamations du conseil municipal d'une commune, dont il est question dans l'article 273 du Code pénal; et le pouvoir conféré au mari par l'article 337 (3).

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(1) Ordonnance du 6 février 1818, avec les circulaires du ministre de la justice qui ont suivi, et les décisions ou instructions intervenues depuis, surtout après la révolution de 1830.

(2) Circulaire du 27 septembre 1830.

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(3) Code pénal. Art. 273. Les vagabonds nés en France pourront, après un juge»ment même passé en force de chose jugée, être réclamés par délibération du conseil. municipal de la commune où ils sont nés, ou cautionnés par un citoyen solvable.

Si le gouvernement accueille la réclamation ou agrée la caution, les individus ainsi réclamés ou cautionnés seront, par ses ordres, renvoyés ou conduits dans la com

1682. La grâce accordée n'étant autre chose que la renonciation au droit d'exécution de la peine, laisse subsister toutes les déchéances ou incapacités qui sont indépendantes de cette exécu tion, et dont le condamné s'est trouvé frappé par l'effet même de la condamnation devenue irrévocable (1). Mais pour ces sortes d'afflictions, les principes de la pénalité rationnelle veulent que l'espérance soit ouverte aussi au condamné, et que la possibilité de reprendre un jour, lorsqu'il s'en sera montré digne, son état intact dans la société lui soit laissée en perspective. Ces restitutions d'étal ou réhabilitations demandent une autre ordonnance celle de la que grâce ou commutation de peines.

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1683. L'ancienne jurisprudence criminelle avait rattaché la réhabilitation à deux idées à l'infamie dont la peine, suivant les mœurs et la législation du temps, avait frappé le condamné, et aux incapacités qui en avaient été la suite. Les lettres de réhabilitation, concédées par le monarque, avaient un double but: celui d'oter la note d'infamie, de rétablir, comme on disait, le condamné en sa bonne fame et renommée; et, par suite, celui de le rendre de nouveau habile à la jouissance et à l'exercice des droits qui lui avaient été retirés. Or, comme il n'y avait que les peines du grand criminel qui fussent infamantes, c'était au grand criminel seulement que s'appliquait la réhabilitation. La Constituante en recueillant cet héritage de peines qualifiées d'infamantes, recueillit aussi celui de la réhabilitation; et comme elle avait érigé en une solennité sacramentelle la proclamation de la dégradation civique (ci-dess., n° 1554), elle érigea en une solennité semblable la réhabilitation qui en faisait la contre-partie, et qu'elle appela du nom de second baptême civique. Deux officiers municipaux, par suite d'une décision du conseil général de la commune, devaient, revêtus de leur écharpe, conduire le condamné devant le tribunal criminel, y paraître avec lui dans l'auditoire, et, apès lecture du jugement prononcé contre le condamné, y dire à haute voix: « Un tel a expié son crime en subissant sa peine; maintenant sa conduite est irréprochable : nous demandons, au nom de son pays, que la tache de son crime soit effacée. » Et le président du tribunal, sans délibération, devait prononcer ces mots : « Sur l'attestation et la demande de votre pays, la loi et le tribunal effacent la tache de votre crime.» (C. p. de 1791, 1 part, tit. 7, art. 6 el 7.) - Ce fut toujours par suite des mêmes idées que la réhabilitation, en passant dans le Code d'iustruction crimi nelle de 1808, y passa seulement comme liée, en contre-partie, à

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mune qui les aura réclamés, ou dans celle qui leur sera assignée pour résidence, sur la demande de la caution.

Art. 337. La femme convaincue d'adultère subira la peine de l'emprisonnement pendant trois mois au moins et deux ans au plus. Le mari restera le maître d'ar

rêter l'effet de cette condamnation, en consentant à reprendre sa fiume. (1) Voir à ce sujet l'avis du conseil d'Etat du 8 janvier 1823.

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