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étant tenu pour vrai, il reste néanmoins encore au tribunal une mission importante: 1o de vérifier si le procès-verbal est valable, ou si par une cause quelconque il n'est pas frappé de nullité; 2o si le fait constaté constitue le délit ou la contravention poursuivie, car les procès-verbaux ne font foi que des faits matériels qui ont pu tomber sous le sens des agents, el pour lesquels ces agents ont compétence : les autres faits ou qualifications necessaires pour constituer la criminalité échappent à cette compétence; 3° si les conditions d'imputabilité ou de culpabilité existent, par exemple si la personne n'était pas en démence, ou contrainte par une force à laquelle elle ne pouvait résister, ou dans son droit; 4o finalement, l'application de la loi pénale.

Les procès-verbaux autres que ceux ainsi investis par les lois spéciales d'une autorité probante jusqu'à inscription de faux ou jusqu'à preuve contraire, rentrent sous la règle commune des preuves de conscience, dont ils ne sont plus que des éléments livrés à l'appréciation du juge. Il en est ainsi de tous les procèsverbaux en fait de crime.

1868. On aura encore certaines applications des preuves légales, dans le cas dont nous avons parlé ci-dess., no 1780.

§ 7. Jugement.

1869. Le mot de jugement est le terme générique; — Techniquement, il s'applique chez nous à la décision des tribunaux de simple police ou de police correctionnelle, celles des cours impériales ou autres cours souveraines prenant le nom d'arrêts (cidess., no 1699 et p. 796, note 1re).- La nécessité pour la validité des jugements ou arrêts, que le nombre de juges exigé en minimum par la loi y ait concouru; que chacun de ces juges ait assisté, sans aucune absence d'un intervalle quelconque, à toutes les audiences de la cause; que le ministère public y ait de même toujours été représenté; et la règle qu'en cas de partage, lorsque les juges sont en nombre pair, l'avis le plus favorable à la défense l'emporte, sont des principes fondamentaux consacrés soit par des textes de loi, soit par la jurisprudence.

1870. La prononciation orale, publiquement, à l'audience; la lecture ou l'insertion du texte de la loi pénale appliquée; les motifs; la rédaction par écrit; la mention sur la minute de l'accomplissement de toutes les conditions ou formalités substant elles prescrites à peine de nullité (ci-dess., n° 1800), sont des garanties dont l'ensemble existe dans notre législation d'après les lois de la Constituante, et dont la plupart sont textuellement consacrées par les articles de notre Code d'instruction criminelle, quoique avec certaines nuances pen justifiées entre les jugements de police simple, de police correctionnelle ou les arrêts de cour d'assises (C. i. c. Pour la police simple, art. 163 et 164; Pour la police

correctionnelle, art. 195-196; - Pour les arrêts de cour d'assises, art. 369, 370.-Loi du 20 avril 1810, art. 7.)

1871. Indépendamment de la mention des formalités substanfielles relatives au jugement, il est plusieurs de ces formalités, relatives à la tenue de l'audience, dont l'accomplissement a besoin aussi d'être constaté à peine de nullité, par exemple la prestation de serment des témoins. Ces formalités sont relatées dans les procès-verbaux des séances, que les greffiers sont tenus de dresser (voir notamment, pour les tribunaux de simple police, l'art. 155; pour ceux de police correctionnelle, l'art. 189, ci-dessus, p. 876, note 1; et surtout pour les cours d'assises, l'art. 372).

Jugement devant les cours d'assises.

1872. La mission de juger se décompose ici entre deux autorités différentes, le jury et les magistrats: la procédure doit suivre par conséquent cette décomposition.

1873. Les jurés, après avoir prêté serment à l'ouverture des débats (C. i. c., art 312); assisté sans aucune absence quelconque à tout le cours de ces débats, jusqu'à la clôture déclarée par le président (a11, 335); entendu le résumé fait par le président (art. 336); reçu dans la personne du chef du jury les questions écrites qui leur sont posces, les procès verbaux de constat et les pièces du procès autres que les déclarations écrites des témoins, avec les avertissements qui doivent leur être donnés (art. 341, tel qu'il a été modifié par la loi de 1853), se rendent dans leur chambre de délibération, dont ils ne pourront sortir qu'après avoir formé leur déclaration, et dont l'entrée ne pourra être permise pendant leur délibération, pour quelque cause que ce soit, que par le président des assises et par écrit (art. 342 et 343).

1874. Les questions à poser au jury sont une œuvre capitale. Elles sont posées par le président en cas d'incident contentieux. sur ce point, il faudra t cependant un arrêt de la cour. L'acte qui doit se vir de type avant tout est l'arrêt de mise en accusation; ou, si l'on veut, l'acte d'accusation, qui doit lui-même s'être modelé sur l'arrêt. Il faut que tous les chefs contenus en cet arrêt, sans exception, soient vidés; autrement l'accusation ne serait pas purgée. Il peut y avoir en outre des questions se rattachant aux memes faits comme modalités, qualifications diverses de ces fails, lesquelles seront ressorties des débats; mais aucune sur des faits nouveaux, non compris dans l'arrêt de mise en accusation, quelque connexité qu'il put y avoir entre eux, la cour d'assises n'étant pas compétente pour s'en saisir elle-même, sans une mise en accusation préalable.

1875. Il semble, à la rédaction encore conservée de l'article 337 du Code d'instruction criminelle, qu'il doive être posé au jury cette question genérale et comple e: L'accusé est-il coupable d'aroir commis tel crime, avec toutes les circonstances comprises dans

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le résumé de l'acte d'accusation? » Telle avait été, en effet, l'intention primitive du législateur de 1808. Mais avec une parcille complexité, chaque divergence sur quelque circonstance que ce fút devant se résoudre en une négation pour le tout, il était presque impossible d'avoir une réponse qui fût l'op ́nion véritable du jmy. La force de la logique avait amené déjà la jurisprudence pratique à une division inévitable dans les réponses, division qui a été m'eux arrêtée et textuellement consacrée par la loi du 13 mai 1836, article 1er (voir le texte à la page suivante, note 2)

1876. Les questions à poser seront donc celles-ci : 1o La question sur le fait principal, qui devra comprendre tous les éléments constitutifs du crime ou du délit objet de la poursuite (ci-dess., n° 1053 et suiv., et 1073); -- 2o Les circonstances aggravantes, tant celles comprises dans l'acte d'accusation que celles résultant des débats: lesquelles devront faire chacune l'objet d'une question séparée (art. 338); 3o Les excuses, avec mème observation, tant celles comprises dans l'acte d'accusation, que celles résultant des débats, ou proposées par conclusions forme les de l'accusé, à peine de nullité (art. 339 et 340); -4° La question de discernement pour les mineurs de se ze ans, à peine de nullité (art. 340); -5° Enfin les questions subsidiaires, s'il résulte des déba's que le fait compris dans l'arrêt de mise en accusation a changé de caractère ou qu'il peut être envisagé sous un autre aspect légal, et que subsidiairement, pour le cas où la première qualification serait écartée par le jury, il y a lieu de le présenter à leur délibération sous une autre qualification. Si l'accusation comprenait plusieurs chefs principaux, chacun d'eux pourrait donner lieu à la même série de questions.

1877. Les circonstances atténuantes ne font pas l'objet d'une question posée par écrit. Le président doit seulement, à peine de nullité, avertir le jury du pouvoir qui lui appartient à cet égard (1). Outre le désir d'une certaine spontanéité, et la crainte des réponses de style, considération qui disparait d'après la loi du 13 mai 1836, art. I, puisque le chef du jury est tenu de poser lui-même la question dans la chambre des délibérations, le véritable motif est qu'en cas de non admission des circonstances attė– nuantes le jury n'a rien à dire; tandis que s'il y avait eu question

(1) Code d'instruction criminelle. « Art. 341 (d'après la loi du 9 juin 1853). Fn toute matière criminelle, même en cas de récidive, le président, après avoir posé les questions résultant de l'acte d'accusation et des debats, avertit le jury, à peine de nullité, que s'il pense, à la maj rité, qu'il existe en faveur d'un ou de plus eurs » accusés reconnus coupables des circonstances allennantes, il doit en faire la decla⚫ration en ces termes : A la majorité, il y a des circonstances atténuan es en fareur

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» de l'accusé Ensuite le président remet les questions écrites aux jírés, dans la personne du chef du jury; il y joint l'acte d'accusation. les procès verbaux qui con ta» tent les délits, et les pièces du procès autres que les declarations écrites des témoins, —Le président avertit le jury que tout vote doit avoir lieu au scrutin secret. Il fait retirer l'accusé de la salle d'audience..

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écrite il eût fallu aussi une réponse négative écrite, qui aurait aggravé la situation de l'accusé.

1878. Ce qui concerne la délibération et le vote du jury a été régi par diverses lois successives qu'il est nécessaire encore de combiner pour avoir la règle actuelle; savoir : les articles du Code d'instruction criminelle tels qu'ils ont été modifiés par la loi de révision de 1832; la loi du 9 février 1835, sur les cours d'assises, modifiant de nouveau quelques-uns de ces articles; la loi du 13 mai 1836, sur le mode du vote du jury au scrutin secret; le décret du 6 mars 1848; et finalement la loi du 7 mai 1853, sur la déclaration du jury, par laquelle quelques articles du Code ou de la loi de 1836 out encore été modifiés.

1879. La délibération est dirigée par le chef du jury, qui n'est autre que le premier juré sorti par le sort. Le Code, pour le cas où ce premier juré déclinerait par une raison quelconque cette qualité, lui offre un moyen facile de se faire remplacer (art. 342).

Le vote, depuis la loi de septembre 1835 sur les cours d'assises, doit avoir lieu au scrutin secret; ce qui n'empêche pas qu'il puisse être précédé d'une délibération ou discussion ouverte entre les jurés, ainsi qu'a eu soin de s'en expliquer surabondamment le décret du 6 mars 1848 (I), le secret n'étant prescrit qu'à l'égard du vote. La loi du 13 mai 1836 en a organisé la forme (2).

1880. Le nombre de voix nécessaire pour former la décision du jury a subi de si nombreuses variations depuis la loi de 1791 de

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(1) Décret du 6 murs 1848. Art. 5 (encore en vigueur). La discussion dans le sein de l'assemblée du jury avant le vote est de droit.

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(2) Loi sur le mode du vote du jury au scrutin secret, du 13 mai 1836. - Art. 1er. Le jury votera par bulletins écrits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal d'abord, et, s'il y a lieu, sur chacune des circonstances aggravantes, sur chacun des faits d'excuse légale, sur la question de discernement, et enfin sur la question de circonstances atténuantes, que le chef du jury sera tenu de poser toutes les fois que la culpabilité de l'accusé aura été reconnue.

Art. 2. A cet effet, chacun des jurés, appelé par le chef du jury, recevra de lui un bulletin ouvert, marqué du timbre de la cour d'assises, et portant ces mots : Sur mon honneur et ma conscience, mu déclaration est.... Il écrira à la suite ou fera écrire secrè tement par un juré de son choix, le mot oui ou le mot non, sur une table disposée de manière que personne ne puisse voir le vote inscrit au bulletin. Il remettra le bulletin écrit et fermé au chef du jury, qui le déposera dans une boîte destinée à cet usage.

Art. 3 (tel qu'il a été modifié par la loi du 9 juin 1853). Le chet du jury dépouille chaque scrutin en présence des jurés, qui peuvent vérifier les bulletins. Il constate sur-le-champ le résultat du vote en marge ou à la suite de la question résolue. La déclaration du jury, en ce qui concerne les circonstances atténuantes, n'est exprimée que si le résultat du scrutin est affirmatif.

Art. 4. S'il arrivait que, dans le nombre des bulletins, il s'en trouvât sur lesquels aucun vote ne fût exprimé, ils seraient comptés comme portant une réponse favorable à l'accusé. Il en serait de même des bulletins que six jurés au moins auraient déclarés illisibles.

Art. 5. Immédiatement après le dépouillement de chaque scrutin, les bulletins seront brûlés en présence du jury.

Art. 6. La présente loi sera affichée, en gros caractères, dans la chambre des délibérations du jury. ›

la Constituante, que rien qu'à les énumérer nous en aurions ici une longue liste. Depuis le nombre de dix voix jusqu'à celui de sept, ou la majorité simple, qui est revenue à diverses reprises et qui est actuellement notre règle, nous avons essayé de tout, au gré des fluctuations de gouvernement, et de préoccupations portées plus souvent sur les procès politiques que sur les procès de droit

commun.

Nous avons essayé même, d'une certaine façon, de l'unanimité anglaise (loi du 29 fructidor an V). Cette règle de l'unanimité n'est admissible que telle qu'elle se présente dans les coutumes de la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis d'Amérique : l'unanimité soit pour acquitter soit pour condamner; sinon, après que les jurés sont restés enfermés, sans pouvoir se mettre d'accord, dans leur salle de délibération, privés d'aliments jusqu'à exténuation ou impossibilité d'aller plus loin, il y a doute, l'affaire est renvoyée à d'autres assises; et si la divergence se reproduit successivement, de guerre lasse l'affaire reste insoluble. L'unanimité, entre les esprits divers de douze hommes, même sur des questions futiles, à plus forte raison sur des questions aussi graves et aussi délicates que celles de la culpabilité ou de la non-culpabilité en des causes criminelles, n'est pas dans notre nature. La pratique anglaise, hors des causes de toute évidence, se trouve donc placée entre celle alternative: ou bien une unanimité fictive, obtenue par capitulation, qui n'existe pas en réalité; ou bien l'impossibilité de résoudre l'affaire. Notre loi de fructidor an V, après vingtquatre heures écoulées sans unanimité obtenue dans un sens ou dans l'autre, voulait que la condamnation put être prononcée à la simple majorité. C'était un moyen de faire passer cette majorité simple, qui apparaissait alors pour la première fois dans notre législation.

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Sous le Code d'instruction criminelle de 1808, cette majorité simple a fait la règle, et nous y sommes revenus d'après la loi de 1853 (1).

L'article 347 modifié par cette loi se bornant à déclarer que la décision du jury se forme à la majorité tant contre l'accusé que sur les circonstances atténuantes, il importe de voir le jeu de cette règle en chacune des questions posées au jury.—Quant aux questions sur le fait principal et sur les circonstances aggravantes, ou

(1) Code d'instruction criminelle. « Art. 347 (d'après la loi du 7 mai 1853). La décision du jury, tant contre l'accusé que sur les circonstances atténuantes, de forme à la majorité. La déclaration du jury constate cette majorité, sans que le nombre de voix puisse y être exprimé; le tout à peine de nullité.

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L'ordonnance criminelle de Louis XIV, de 1670, voulait pour la condamnation, dans les arrêts ou jugements sans appel, deux voix de majorité. Tit. 25, art. 12. Les jugements, soit définitifs ou d'instruction, passeront à l'avis le plus doux, si le plus sévère ne prévaut d'une voix dans les procès qui se jugeront à la charge de l'appel, et de deux dans ceux qui se jugeront en dernier ressort,»

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