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La vierge týrienne, Europe, son amour,
Imprudente, le flatte: il la flatte à son tour;
Et, se fiant à lui, la Belle désirée

Ose asseoir sur son flanc cette charge adorée.
Il s'élance dans l'onde; et le divin nageur,
Le taureau roi des Dieux, l'humide ravisseur,
A déja passé Chypre et ses rives fertiles;
Il approche de Crète, et va voir les cent villes.

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A M. DE PANGE L'AINÉ.

HEUREUX qui, se livrant aux sages disciplines,
Nourri du lait sacré des antiques doctrines,
Ainsi que de talens, a jadis hérité
D'un bien modique et sûr qui fait la liberté!
Il a, dans sa paisible et sainte solitude,
Du loisir, du sommeil, et les bois, et l'étude;
Le banquet des amis, et quelquefois, les soirs,
Le baiser jeune et frais d'une belle aux yeux noirs.
Il ne faut point qu'il dompte un ascendant suprême,
Opprime son génie, et s'éteigne lui-même,
Pour user, sans honneur, et sa plume et son tems
A des travaux obscurs, tristement importans.
Il n'a point, pour pousser sa barque vagabonde,
A se précipiter dans les flots du grand monde;
Il n'a point à souffrir vingt discours odieux
De raisonneurs, méchans encor plus qu'ennuyeux,
Tels qu'en de longs détours de disputes frivoles
Hurlent de vingt partis les prétentions folles :
Prêtres et Gens de cour, ambitieux tyrans;
Nobles et Magistrats, superbes ignorans;
Tous vieux usurpateurs, et voraces corsaires,

Et dignes héritiers de l'esprit de nos pères.

Il n'entend point tonner le chef-d'œuvre ampoulé D'un sourcilleux rimeur au fauteuil installé;

Il ne doit point toujours déguiser ce qu'il pense, Imposer à son âme un éternel silence,

Trahir la vérité pour avoir le repos,

Et feindre d'être un sot pour vivre avec les sots.

LES DEUX RATS,

FABLE.

(HORACE, sat. 6, liv. II.)

Un jour le rat des champs, ami du rat de ville,
Invita son ami dans son rustique asile.

Il était économe, et soigneux de son bien;
Mais l'hospitalité, leur antique lien,

Fit les frais de ce jour, comme d'un jour de fête.
Tout fut prêt lard, raisin, et fromage, et noisette.
Il cherchait par le luxe et la variété

A vaincre les dégoûts d'un hôte rebuté,
Qui, parcourant de l'oeil sa table officieuse,
Jetait sur tout à peine une dent dédaigneuse;
Et lui, d'orge et de blé faisant tout son repas,
Laissait au citadin les mets plus délicats.

« Ami! dit celui-ci, veux-tu, dans la misère, << Vivre au dos escarpé de ce mont solitaire, «< Ou préférer le monde à tes tristes forêts? << Viens; crois-moi, suis mes pas : la ville est ici près.

« Festins, fêtes, plaisirs, y sont en abondance. << L'heure s'écoule, ami; tout fuit; la mort s'avance: « Les grands ni les petits n'échappent à ses lois.

<< Jouis, et te souviens qu'on ne vit qu'une fois. »

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Le Villageois écoute, accepte la partie :

On se lève, et d'aller. Tous deux de compagnie, Nocturnes voyageurs, dans des sentiers obscurs, Se glissent vers la ville, et rampent sous les murs.

La nuit quittait les Cieux, quand notre couple avide
Arrive en un palais opulent et splendide,

Et voit fumer encor dans des plats de vermeil
Des restes d'un souper le brillant appareil.
L'un s'écrie; et, riant de sa frayeur naïve,
L'autre sur le duvet fait placer son convive,
S'empresse de servir, ordonner, disposer,
Va, vient, fait les honneurs, le priant d'excuser.

Le Campagnard bénit sa nouvelle fortune:
Sa vie en ses déserts était âpre, importune;
La tristesse, l'ennui, le travail et la faim.
Ici, l'on y peut vivre, et rire; quand soudain
Des volets à grand bruit interrompent la fête.
On court, on vole, on fuit: nul coin, nulle retraite.
Les dogues réveillés les glacent par leur voix;

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