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Toute la maison tremble au bruit de leurs abois; Alors le Campagnard, honteux de son délire:

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Soyez heureux, dit-il; adieu! je me retire;

« Et je vais dans mon trou rejoindre en sûreté «< Le sommeil, un peu d'orge, et la tranquillité. »

SUR LA FRIVOLITÉ.

MÈRE du vain caprice et du léger prestige,
La Fantaisie ailée autour d'elle voltige:

Nymphe au corps ondoyant, né de lumière et d'air,
Qui mieux que l'onde agile ou le rapide éclair,
Ou la glace inquiète au Soleil présentée,
S'allume en un instant, purpurine, argentée,
Ou s'enflamme de rose, ou pétille d'azur.
Un vol la précipite, inégal et peu sûr.
La déesse jamais ne connut d'autre guide.
Les rêves transparens, troupe vaine et fluide,
D'un vol étincelant caressent ses lambris.
Auprès d'elle, à toute heure, elle occupe les Ris.
L'un pétrit les baisers des bouches embaumées;
L'autre le jeune éclat des lèvres enflammées;
L'autre, inutile et seul, au bout d'un chalumeau
En globe aérien souffle une goutte d'eau.
La reine, en cette cour, qu'anime la Folie,
Va, vient, chante, se tait, regarde, écoute, oublie;
Et dans mille cristaux, qui portent son palais,
Rit de voir mille fois étinceler ses traits.

Des bords du Rhône, le 7 juillet 1790.

TERRE, Terre chérie,

Que la Liberté sainte appelle sa patrie!

Père du grand sénat, ô sénat de Romans,
Qui de la Liberté jeta les fondemens!

Romans! berceau des lois! vous, Grenoble et Valence!
Vienne! toutes enfin ! Monts sacrés d'où la France
Vit naître le Soleil avec la Liberté!

Un jour le voyageur par le Rhône emporté,
Arrêtant l'aviron dans la main de son guide,
En silence, et debout sur sa barque rapide,
Fixant vers l'Orient un œil religieux,

Contemplera long-tems ces sommets glorieux;
Car son vieux père, ému de transports magnanimes,
Lui dira: «< Vois, mon fils, vois ces augustes cimes! >>

IAMBE I.

CONTRE LES SUISSES DU RÉGIMENT DE CHATEAUVIEUX,

RÉVOLTÉS A NANCY,

ET FÊTÉS A PARIS D'APRÈS UNE MOTION DE COLLOT-D'HER BOIS '.

SALUT, divin Triomphe! entre dans nos murailles!
Rends-nous ces guerriers illustrés

Par le sang de Desille et par les funérailles
De tant de Français massacrés.
Jamais rien de si grand n'embellit ton entrée,
Ni quand l'ombre de Mirabeau
S'achemina jadis vers la voûte sacrée

Où la gloire donne un tombeau;

Ni quand Voltaire mort et sa cendre bannie
Rentrèrent aux murs de Paris,

1. Voyez page 260, présent volume, l'ode composée sur le même sujet. (Note de l'Éditeur.)

2. Tous les Français ont présent à leur mémoire cet infortuné Desille, officier au régiment des Chasseurs du roi, en garnison à Nancy, et qui périt victime des troubles de cette ville, le 31 août 1790. (Note de l'Éditeur.)

Vainqueurs du Fanatisme et de la Calomnie,

Prosternés devant ses écrits.

Un seul jour peut atteindre à tant de renommée; Et ce beau jour luira bientôt !

C'est quand tu conduiras Jourdan à notre armée, Et La Fayette à l'échafaud1.

Quelle rage à Coblentz! quel deuil pour tous ces Princes,
Qui, partout diffamant nos lois,

Excitent contre nous et contre nos provinces
Et les esclaves et les rois !

Ils voulaient nous voir tous à la folie en proie.
Que leur front doit être abattu!

Tandis que parmi nous, quel orgueil, quelle joie,
Pour les amis de la vertu!

Pour vous tous, ô Mortels! qui rougissez encore,
Et qui savez baisser les yeux!

De voir des échevins que la Rapée honore,
Asseoir sur un char radieux

Ces héros, que jadis sur les bancs des Galères

1. Le sens ironique de cet Iambe est sensible par l'opposition que présente ce vers et les trois précédens. Un suppôt de Marat, que l'anarchie de ces tems aurait pu associer à la gloire de nos armées, y contraste avec un vertueux défenseur du droit des peuples. L'un est ce Jourdan, d'Avignon, connu sous le nom de Coupe-téte, et qui, condamné à mort par le tribunal révolutionnaire, périt sur l'échafaud. L'autre est cet ami éclairé de la liberté qui dès sa plus tendre jeunesse lui consacra son bras et sa vie.

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