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Enfans dont au berceau la vie est terminée;
Vierges dont le trépas suspendit l'hyménée.

Mais ô bois, ô ruisseaux, ô monts, ô durs cailloux,
Quels doux frémissemens vous agitèrent tous,
Quand bientôt à Lemnos, sur l'enclume divine,
Il forgeait cette trame irrésistible et fine
Autant que d'Arachné les piéges inconnus,
Et dans ce fer mobile emprisonnait Vénus 1!
Et quand il revêtit d'une pierre soudaine
La fière Niobé, cette mère thébaine 2 !
Et quand il répétait en accens de douleurs
De la triste Aëdon l'imprudence et les pleurs 3,
Qui, d'un fils méconnu marâtre involontaire,
Vola, doux rossignol, sous le bois solitaire!
Ensuite, avec le vin, il versait aux héros

:

Le puissant Népeuthès, oubli de tous les maux 4;
Il cueillait le Moly, fleur qui rend l'homme sage 5;
Du paisible Lotos il mêlait le breuvage 6
Les mortels oubliaient, par ce philtre charmés,
Et la douce patrie et les parens aimés.
Enfin, l'Ossa, l'Olympe, et les bois du Pénée,

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1. Odyssée, liv. VIII. (Note de l'Éditeur.) 2. Iliade, liv. XXIV. (Id.)

3. Odyssée, liv. XIX. (Id.) 4. Ibid., liv. IV. (Id.)

5. Ibid., liv. X. (Id.)

6. Ibid., liv. IX, et la note de madame Dacier. (Id.)

Voyaient ensanglanter les banquets d'hyménée',
Quand Thésée, au milieu de la joie et du vin,
La nuit où son ami reçut à son festin

Le peuple monstrueux des enfans de la Nue,
Fut contraint d'arracher l'épouse demi-nue
Au bras ivre et nerveux du sauvage Eurytus.
Soudain, le glaive en main, l'ardent Pirithoüs:
<«< Attends, il faut ici que mon affront s'expie,
<«< Traître! » Mais, avant lui, sur le Centaure impie
Dryas a fait tomber, avec tous ses rameaux,
Un long arbre de fer, hérissé de flambeaux.
L'insolent quadrupède en vain s'écrie: il tombe;
Et son pied bat le sol qui doit être sa tombe.
Sous l'effort de Nessus, la table du repas
Roule, écrase Cymèle, Évagre, Périphas.
Pirithoüs égorge Antimaque, et Pétrée,

Et Cyllare aux pieds blancs, et le noir Macarée,
Qui de trois fiers lions, dépouillés par sa main,
Couvrait ses quatre flancs, armait son double sein.
Courbé, levant un roc choisi pour
leur vengeance,
Tout-à-coup, sous l'airain d'un vase antique, immense,

L'imprudent Bianor, par Hercule surpris,

Sent de sa tête énorme éclater les débris.
Hercule et sa massue entassent en trophée

1. Odyssée, liv. XXI, et, pour plus de détails, voyez les noces de Pirithoüs et d'Hippodamie dans les Métamorphoses d'Ovide, liv. XII. (Note de l'Éditeur.)

Clanis, Démoléon, Lycotas, et Riphée,

Qui portait sur ses crins, de taches colorés,
L'héréditaire éclat des nuages dorés.

Mais d'un double combat Eurynome est avide:
Car ses pieds, agités en un cercle rapide,
Battent à coups pressés l'armure de Nestor;
Le quadrupède Hélops fuit : l'agile Crantor,
Le bras lévé, l'atteint : Eurynome l'arrête;
D'un érable noueux il va fendre sa tête;
Lorsque le fils d'Égée, invincible, sanglant,
L'aperçoit, à l'autel prend un chêne brûlant;
Sur sa croupe indomptée, avec un cri terrible,
S'élance, va saisir sa chevelure horrible,

L'entraîne; et, quand sa bouche, ouverte avec effort, Crie, il y plonge ensemble et la flamme et la mort. L'autel est dépouillé : tous vont s'armer de flammes; Et le bois porte au loin les hurlemens des femmes, L'ongle frappant la terre, et les guerriers meurtris, Et les vases brisés, et l'injure, et les cris.

Ainsi le grand Vieillard, en images hardies,
Déployait le tissu des saintes mélodies.

Les trois enfans, émus à son auguste aspect,
Admiraient, d'un regard de joie et de respect,
De sa bouche abonder les paroles divines,
Comme en hiver la neige au sommet des collines;
Et, partout accourus, dansant sur son chemin,
Hommes, femmes, enfans, les rameaux à la main,

Et vierges et guerriers, jeunes fleurs de la ville, Chantaient: << Viens dans nos murs, viens habiter notre île; << Viens, Prophète éloquent, Aveugle harmonieux, << Convive du nectar, Disciple aimé des Dieux!

« Des jeux, tous les cinq ans, rendront saint et prospère « Le jour où nous avons reçu le grand HOMÈRE. >>

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II.

LE MENDIANT.

C'ÉTAIT quand le printems a reverdi les prés.
La fille de Lycus, vierge aux cheveux dorés,
Sous les monts Achéens, non loin de Cérynée,

Errait à l'ombre, aux bords du faible et pur Crathis; Car les eaux du Crathis, sous des berceaux de frêne, Entouraient de Lycus le fertile domaine.

Soudain, à l'autre bord, Du fond d'un bois épais, un noir fantôme sort, Tout pâle, demi-nu, la barbe hérissée.

Il remuait à peine une lèvre glacée,

Des hommes et des dieux implorait le secours,
Et dans la forêt sombre errait depuis deux jours.
Il se traîne, il n'attend qu'une mort douloureuse :
Il succombe. L'enfant, interdite et peureuse,
A ce spectre hideux sorti du fond du bois,
Veut fuir; mais elle entend sa lamentable voix.
Il tend les bras, il tombe à genoux; il lui crie
Qu'au nom de tous les dieux il la conjure, il prie;
Et qu'il n'est point à craindre; et qu'une ardente faim

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