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PROTOCOLE N° XXII.

Séance du 8 avril 1856.

Présents: les Plénipotentiaires

de l'Autriche,

de la France,

de la Grande-Bretagne,

de la Prusse,

de la Russie,

de la Sardaigne,

de la Turquie.

Le protocole de la précédente séance est lu et approuvé.

M. le Comte de Clarendon rappelle que, dans la dernière réunion, et attendu que tous les Plénipotentiaires n'étaient pas encore en mesure d'accéder à d'autres propositions, le Congrès s'est borné à convenir de la levée des blocus. Il annonce que les Plénipotentiaires de la GrandeBretagne sont aujourd'hui autorisés à faire savoir que les décisions restrictives imposées, à l'occasion de la guerre, au commerce et à la navigation, sont à la veille d'être rapportées.

Messieurs les Plénipotentiaires de la Russie ayant renouvelé la déclaration analogue qu'ils ont faite dans la séance du 4 avril, et tous les autres Plénipotentiaires ayant émis un avis favorable, le Congrès arrête que toutes les mesures, sans distinction, prises à l'origine ou en vue de la guerre, et ayant pour objet de suspendre le commerce et la navigation avec l'État ennemi, sont abrogées, et qu'en tout ce qui concerne soit

les transactions commerciales, sans en excepter la contrebande de guerre, soit les expéditions de marchandises et le traitement des bâtiments de commerce, les choses sont rétablies partout, à dater de ce jour, sur le pied où elles se trouvaient avant la guerre.

Messieurs les Plénipotentiaires de la Russie annoncent qu'ils ont reçu l'ordre de déclarer, en réponse à la demande qui leur en a été faite, que le port de Sébastopol sera ouvert aux bâtiments des Puissances alliées, afin d'accélérer l'embarquement de leurs troupes et de leur matériel.

Ils ajoutent que les instructions qui leur sont parvenues leur permettent d'assurer que l'évacuation du territoire Ottoman en Asie, par l'armée Russe, commencera immédiatement après l'échange des ratifications; qu'il sera procédé, dès que la saison et l'état des routes le permettront, au transport des magasins et du matériel de

que.

guerre, et

le mouvement général de l'armée Russe s'opérera simultanément avec celui des Alliés, et se terminera à la même époque, et dans les délais fixés pour l'évacuation des autres territoires.

Au nom de la commission chargée d'en proposer la rédaction, M. le Baron de Bourqueney donne lecture d'un projet d'instructions destinées aux commissaires qui devront se rendre dans les Principautés, aux termes de l'article 23 du Traité de paix.

M. le Comte de Clarendon fait remarquer que le Congrès s'est, avant tout, proposé, en s'occupant des provinces Danubiennes, de provoquer l'expression, librement émise, des vœux des populations, et que cet objet pourrait ne pas se réaliser, si les Hospodars restaient en possession des pouvoirs dont ils disposent, et qu'il y aurait lieu peut-être de rechercher une combinaison de nature à assurer une liberté complète aux Divans

ad hoc.

M. le Premier Plénipotentiaire de l'Autriche répond qu'on ne doit toucher à l'administration, dans un moment de transition comme celui que les Principautés vont traverser, qu'avec une extrême réserve, et que ce serait tout compromettre que de mettre fin à tous les pouvoirs avant d'en avoir constitué de nouveaux; que c'est à la Porte, dans tous

les cas, que le Congrès devrait laisser le soin de prendre les mesures qui pourraient être jugées nécessaires.

Aali-Pacha expose que l'administration actuelle ne présente pas, peutêtre, toutes les garanties que le Congrès pourrait désirer; mais qu'on s'exposerait à tomber dans l'anarchie, si l'on tentait de sortir de l'ordre légal.

Lord Clarendon représente qu'il n'entend nullement proposer le renversement de tous les pouvoirs; et, avec d'autres Plénipotentiaires, il rappelle que l'autorité des Hospodars actuels touche au terme fixé par l'arrangement qui la leur a confiée, et que, pour rester dans les limites de l'ordre légal, il y a précisément lieu d'aviser.

Plusieurs Plénipotentiaires rappellent également que la loi organique prévoit l'interruption du pouvoir des Hospodars.

Après ces explications, le Congrès décide qu'il s'en réfère à la Sublime Porte pour prendre, s'il y a lieu, à l'expiration des pouvoirs des Hospodars actuels, les mesures nécessaires et propres à remplir les intentions du Congrès, en combinant la libre expression des vœux des Divans avec le maintien de l'ordre et le respect de l'état légal.

Sur la proposition de Messieurs les Premiers Plénipotentiaires de la Grande-Bretagne et de la France, pour prévenir tout conflit ou des discussions regrettables, il est également convenu que le Firman qui doit ordonner la convocation des Divans ad hoc fixera les règles qui devront être suivies en ce qui concerne la présidence de ces assemblées et le mode de leurs délibérations.

Après avoir pris ces résolutions, le Congrès adopte, sauf quelques modifications qui y sont introduites, les instructions dont M. le Baron de Bourqueney a présenté le projet, et qui sont annexées au présent protocole.

M. le Comte Walewski dit qu'il est à désirer que les Plénipotentiaires, avant de se séparer, échangent leurs idées sur différents sujets qui demandent des solutions, et dont il pourrait être utile de s'occuper afin de prévenir de nouvelles complications. Quoique réuni spécialement pour régler la question d'Orient, le Congrès, selon M. le Premier

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Plénipotentiaire de la France, pourrait se reprocher de ne pas avoir profité de la circonstance, qui met en présence les Représentants des principales Puissances de l'Europe, pour élucider certaines questions, poser certains principes, exprimer des intentions, toujours et uniquement dans le but d'assurer, pour l'avenir, le repos du monde, en dissipant, avant qu'ils ne soient devenus menaçants, les nuages que l'on voit encore poindre à l'horizon politique.

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« On ne saurait disconvenir, dit-il, que la Grèce ne soit dans une situation anormale. L'anarchie à laquelle a été livré ce pays a obligé la France et l'Angleterre à envoyer des troupes au Pirée, dans un mo«ment où leurs armées ne manquaient cependant pas d'emploi. Le Congrès sait dans quel état était la Grèce; il n'ignore pas non plus que celui dans lequel elle se trouve aujourd'hui est loin d'être satisfaisant. «< Ne serait-il pas utile, dès lors, que les Puissances représentées au "Congrès manifestassent le désir de voir les trois Cours protectrices prendre en mûre considération la situation déplorable du royaume qu'elles ont créé, en avisant aux moyens d'y pourvoir? »

joigne

M. le Comte Walewski ne doute pas que Lord Clarendon ne se à lui pour déclarer que les deux Gouvernements attendent avec impatience le moment où il leur sera permis de faire cesser une occupation à laquelle, cependant, ils ne sauraient mettre fin sans de très-sérieux inconvénients, tant qu'il ne sera pas apporté de modifications réelles à l'état actuel des choses en Grèce.

M. le Premier Plénipotentiaire de la France rappelle ensuite que les États-Pontificaux sont également dans une situation anormale; que la nécessité de ne pas laisser le pays livré à l'anarchie a déterminé la France, aussi bien que l'Autriche, à répondre à la demande du SaintSiége, en faisant occuper Rome par ses troupes, tandis que les troupes Autrichiennes occupaient les Légations.

II expose que la France avait un double motif de déférer, sans hésitation, à la demande du Saint-Siége, comme Puissance catholique et comme Puissance Européenne. Le titre de Fils aîné de l'Église, dont le Souverain de la France se glorifie, fait un devoir à l'Empereur de prêter aide

et soutien au Souverain Pontife; la tranquillité des États-Romains, dont dépend celle de toute l'Italie, touche de trop près au maintien de l'ordre en Europe pour que la France n'ait pas un intérêt majeur à y concourir par tous les moyens en son pouvoir. Mais, d'un autre côté, on ne saurait méconnaître ce qu'il y a d'anormal dans la situation d'une Puissance qui, pour se maintenir, a besoin d'être soutenue par des troupes étrangères.

M. le Comte Walewski n'hésite pas à déclarer, et il espère que M. le Comte de Buol s'associera en ce qui concerne l'Autriche à cette déclaration, que non-seulement la France est prête à retirer ses troupes, mais qu'elle appelle de tous ses vœux le moment où elle pourra le faire sans compromettre la tranquillité intérieure du pays et l'autorité du Gouvernement Pontifical, à la prospérité duquel l'Empereur, son Auguste Souverain, ne cessera jamais de prendre le plus vif intérêt.

M. le Premier Plénipotentiaire de la France représente combien il est à désirer, dans l'intérêt de l'équilibre Européen, que le Gouvernement Romain se consolide assez fortement pour que les troupes Françaises et Autrichiennes puissent évacuer, sans inconvénient, les ÉtatsPontificaux, et il croit qu'un vœu exprimé dans ce sens pourrait ne pas ètre sans utilité. Il ne doute pas, dans tous les cas, que les assurances qui seraient données par la France et par l'Autriche sur leurs intentions à cet égard ne produisent partout une impression favorable.

Poursuivant le même ordre d'idées, M. le Comte Walewski se demande s'il n'est pas à souhaiter que certains Gouvernements de la Péninsule Italique, appelant à eux, par des actes de clémence bien entendus, les esprits égarés et non pervertis, mettent fin à un système qui va directement contre son but, et qui, au lieu d'atteindre les ennemis de l'ordre, a pour effet d'affaiblir les Gouvernements et de donner des partisans à la démagogie. Dans son opinion, ce serait rendre un service signalé au Gouvernement des Deux-Siciles, aussi bien qu'à la cause de l'ordre dans la Péninsule Italienne, que d'éclairer ce Gouvernement sur la fausse voie dans laquelle il s'est engagé. Il pense que des avertissements, conçus dans ce sens et provenant des Puissances représentées au

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