LA FEMME DESGANARELLE, regardant par la fenêtre. Ah! qu'est-ce que je voi? Mon mari dans ses bras... Mais je m'en vais descendre; Il faut se dépêcher de l'aller secourir; amène.) SCÈNE V. LA FEMME DE SGANARELLE. Il s'est subitement éloigné de ces lieux, SCÈNE VI. SGANARELLE, LA FEMME DE SGANARELLE. SGANARELLE, se croyant seul. On la croyait morte, et ce n'était rien. Il n'en faut plus qu'autant, elle se porte bien. Mais j'aperçois ma femme. LA FEMME DE Sganarelle, se croyant seule. O ciel! c'est miniature! Et voilà d'un bel homme une vive peinture! SGANARELLE, à part, et regardant par-dessus l'épaule de sa femme. Que considère-t-elle avec attention? Ce portrait, mon honneur, ne nous dit rien de bon. D'un fort vilain soupçon je me sens l'âme émue. LA FEMME DE SGANARELLE poursuit. Quand d'un homme ainsi fait on se peut voir servie, Le penchant serait grand à la tentation. Ah! que n'ai-je un mari d'une aussi bonne mine! Sganarelle, lui arrachant le portrait. Nous vous y surprenons en faute contre nous, LA FEMME DE SGANARElle. SGANARELLE. A d'autres, je vous prie: La chose est avérée, et je tiens dans mes mains Un bon certificat du mal dont je me plains. LA FEMME DE SGANARELLE. Mon courroux n'a déjà que trop de violence, SGANARELLE. Je songe à te rompre le cou. Que ne puis-je, aussi bien que je tiens la copie, Tenir l'original! LA FEMME DE SGANARELLE. Pourquoi? SGANARELLE. Pour rien, ma mie. Doux objet de mes vœux, j'ai grand tort de crier, Et mon front de vos dons vous doit remercier. (Regardant le portrait de Lélic.) Depuis huit jours entiers, avec vos longues traites, Ce grand empressement n'est point digne de blâme; Oui, mais un bon repas vous serait nécessaire Nous savons, Dieu merci, le souci qui vous tient; Quoi! celle, dites-vous, dont vous tenez ce gage... Ah! que viens-je d'entendre? On me l'avait bien dit, et que c'était de tous L'homme le plus mal fait qu'elle avait pour époux. Ah! quand mille serments de ta bouche infidèle Ne m'auraient pas promis une flamme éternelle, Le seul mépris d'un choix si bas et si honteux Devait bien soutenir l'intérêt de mes feux, 1 Marri est un vieux mot; il signifie fáché, chagrin. Le piquant jeu de mots auquel il donne lieu ici est devenu proverbe parmi tous les confrères de Sganarelle. (LEM.) Ce mot vient du latin barbare marritio, que Vossius interprète douleur, ressentiment d'un affront reçu. Par ce portrait enfin dont je suis alarmé SCÈNE XIV. SGANARELLE, LA FEMME de Sganarelle, sur la porte de sa maison, reconduisant Lélie; LÉLIE. SGANARELLE, à part, les voyant. Ah! que vois-je? Je meure! Il n'est plus question de portrait à cette heure; Voici, ma foi, la chose en propre original. LA FEMME DE SGANARELLE. C'est par trop vous hâter, monsieur; et votre mal, Non, non, je vous rends grâce, autant qu'on puisse La masque encore après lui fait civilité! (La femme de Sganarelle rentre dans sa maison.) SCÈNE XV. SGANARELLE, LÉLIE. SGANARELLE, à part. Il m'aperçoit; voyons ce qu'il me pourra dire. Ah! mon âme s'émeut, et cet objet m'inspire... SGANARELLE; CÉLIE, à sa fenêtre, voyant SGANARELLE, seul. Ce n'est point s'expliquer en termes ambigus. Cet étrange propos me rend aussi confus Que s'il m'était venu des cornes à la tête. (regardant le côté par où Lélie est sorti.) Allez, ce procédé n'est point du tout honnête. CÉLIE, à part, en entrant. Quoi! Lélie a paru tout à l'heure à mes yeux! Qui pourrait me cacher son retour en ces lieux? SGANARELLE, sans voir Célie. Oh! trop heureux d'avoir une si belle femme! Malheureux bien plutôt de l'avoir cette infâme, Dont le coupable feu, trop bien vérifié, Ah! j'avais bien jugé que ce secret retour 1 Jocrisse, mot populaire qui renferme toute la peinture d'un individu. Un jocrisse est en même temps sot, avare, laid, et poltron. C'est un homme qui ferme les yeux sur les désordres de sa femme, et s'abaisse aux plus petits détails du ménage. Nos étymologistes, dit le savant Court de Gébelin, n'ont pu découvrir l'origine de ce mot; il est vrai qu'elle n'était pas aisée à trouver. C'est un dérivé ou diminutif de l'italien zugo, prononcé jog, et qui a exactement la même signification que jocrisse. Monde primitif, tome V, page 576. › Ce n'est pas pour des prunes. Proverbialement, ce n'est pas pour peu de chose. |