SGANARELLE, à Ariste. Oui, l'affaire est ainsi. ( apercevant Léonor.) Ah! je la vois paraître, et sa suivante aussi. ARISTE. Léonor, sans courroux, j'ai sujet de me plaindre. Je ne sais pas sur quoi vous tenez ce discours; ARISTE. Dessus quel fondement venez-vous donc, mon frère... SGANARELLE. Quoi! vous ne sortez pas du logis de Valère? Qui vous a fait de moi de si belles peintures, SCÈNE X. ISABELLE, VALÈRE, LÉONOR, ARISTE, SGANARELLE, UN COMMISSAIRE, UN NOTAIRE, LISETTE, ERGASTE. ISABELLE. Ma sœur, je vous demande un généreux pardon, Par ma foi, je lui sais bon gré de cette affaire; Je ne sais si ce trait se doit faire estimer; Au sort d'être cocu son ascendant l'expose; Non, je ne puis sortir de mon étonnement. Bon. ERGASTE. ARISTE. Allons tous chez moi. Venez, seigneur Valère; Nous tâcherons demain d'apaiser sa colère. LISETTE, au parterre. Vous, si vous connaissez des maris loups-garous. Envoyez-les au moins à l'école chez nous. FIN DE L'ÉCOLE DES MARIS. SIRE, AU ROL J'ajoute une scène à la comédie; et c'est une espèce de fâcheux assez insupportable qu'un homme qui dédie un livre. VOTRE MAJESTÉ en sait des nouvelles plus que personne de son royaume, et ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ELLE se voit en butte à la furie des épitres dédicatoires. Mais, bien que je suive l'exemple des autres, et me mette moi-même au rang de ceux que j'ai joués, j'ose dire toutefois à VOTRE MAJESTÉ que ce que j'en ai fait n'est pas tant pour lui présenter un livre, que pour avoir lieu de lui rendre grâces du succès de cette comédie. Je le dois, SIRE, ce succès qui a passé mon attente, non-seulement à cette glorieuse approbation dont VOTRE MAJESTÉ honora d'abord la pièce, et qui a entraîné si hautement celle de tout le monde, mais encore à l'ordre qu'ELLE me donna d'y ajouter un caractère de fâcheux, dont elle eut la bonté de m'ouvrir les idées ELLE-MÊME, et qui a été trouvé partout le plus beau morceau de l'ouvrage1. Il faut avouer, SIRE, que je n'ai jamais rien fait avec tant de facilité, ni si promptement, que cet endroit où VOTRE MAJESTÉ me commanda de travailler. J'avais une joie à lui obéir qui me valait bien mieux qu'Apollon et toutes les muses; et je conçois par là ce que je serais capable d'exécuter pour une comédie entière, si j'étais inspiré par de pareils commandements. Ceux qui sont nés en un rang élevé peuvent se proposer l'honneur de servir VOTRE MAJESTÉ dans les grands emplois; mais, pour moi, toute la gloire où je puis aspirer, c'est de la réjouir. Je borne là l'ambition de mes souhaits, et je crois qu'en quelque façon ce n'est pas être inutile à la France que de contribuer quelque chose au divertissement de son roi. Quand je n'y réussirai pas, ce ne sera jamais par un défaut de zèle ni d'étude, mais seulement par un mauvais destin qui suit assez souvent les meilleures intentions, et qui sans doute affligerait sensiblement, SIRE, DE VOTRE MAJESTÉ, 2 Le très-humble, très-obéissant, et très-fidèle serviteur et sujet, J. B. P. MOLIÈRE. Le caractère de fácheux que le roi donna ordre à Molière d'ajouter sa pièce, est celui du chasseur, acte II, scène vu. 2 Dans toutes les éditions publiées du vivant de Molière, le AVERTISSEMENT.. Jamais entreprise au théâtre ne fut si précipitée que celle-ci, et c'est une chose, je crois, toute nouvelle, qu'une comédie ait été conçue, faite, apprise, et représentée en quinze jours. Je ne dis pas cela pour me piquer de l'impromptu, et en prétendre de la gloire, mais seulement pour prévenir certaines gens, qui pourraient trouver à redire que je n'aie pas mis ici toutes les espèces de fâcheux qui se trouvent. Je sais que le nombre en est grand, et à la cour et dans la ville; et que, sans épisodes, j'eusse bien pu en composer une comédie de cinq actes bien fournis, et avoir encore de la matière de reste. Mais dans le peu de temps qui me fut donné, il m'était impossible de faire un grand dessein, et de rêver beaucoup sur le choix de mes personnages, et sur la disposition de mon sujet. Je me réduisis donc à ne toucher qu'un petit nombre d'importuns; et je pris ceux qui s'offrirent d'abord à mon esprit, et que je crus les plus propres à réjouir les augustes personnes devant qui j'avais à paraître; et pour lier promptement toutes ces choses ensemble, je me servis du premier nœud que je pus trouver. Ce n'est pas mon dessein d'examiner maintenant si tout cela pouvait être mieux, et si tous ceux qui s'y sont divertis ont ri selon les règles. Le temps viendra de faire imprimer mes remarques sur les pièces que j'aurai faites, et je ne désespère pas de faire voir un jour, en grand auteur, que je puis citer Aristote et Horace. En attendant cet examen, qui peut-être ne viendra point, je m'en remets assez aux décisions de la multitude, et je tiens aussi difficile de combattre un ouvrage que le public approuve, que d'en défendre un qu'il condamne. Il n'y a personne qui ne sache pour quelle réjouissance la pièce fut composée; et cette fête a fait un tel éclat, qu'il n'est pas nécessaire d'en parler : mais il ne sera pas hors de propos de dire deux paroles des ornements qu'on a mêlés avec la comédie. Le dessein était de donner un ballet aussi; et comme il n'y avait qu'un petit nombre choisi de danseurs excellents, on fut contraint de séparer les entrées de ce ballet, et l'avis fut de les jeter dans les entr'actes de la comédie, afin que ces intervalles donnassent temps aux mêmes baladins de revenir sous d'autres habits; de sorte que, pour ne point rompre aussi le fil de la pièce par ces manières d'intermè verbe est ainsi employé activement. Les éditeurs de 1682 sont les premiers qui aient altéré le texte en corrigeant cette faute, qui n'en était point une à l'époque où Molière écrivait. des, on s'avisa de les coudre au sujet du mieux que l'on put, et de ne faire qu'une seule chose du ballet et de la comédie mais comme le temps était fort précipité, et que tout cela ne fut pas réglé entièrement par une même tête, on trouvera peut-être quelques endroits du ballet qui n'entrent pas dans la comédie aussi naturellement que d'autres. Quoi qu'il en soit, c'est un mélange qui est nouveau pour nos théâtres, et dont on pourrait chercher quelques autorités dans l'antiquité; et comme tout le monde l'a trouvé agréable, il peut servir d'idée à d'autres choses qui pourraient être méditées avec plus de loisir 1. D'abord que la toile fut levée, un des acteurs, comme vous pourriez dire moi, parut sur le théâtre en habit de ville, et s'adressant au roi avec le visage d'un homme surpris, fit des excuses en désordre sur ce qu'il se trouvait là seul, et manquait de temps et d'acteurs pour donner à Sa Majesté le divertissement qu'elle semblait attendre. En même temps, au milieu de vingt jets d'eau naturels, s'ouvrit cette coquille que tout le monde a vue; et l'agréable Naïade qui parut dedans 2 s'avança au bord du théâtre, et d'un air héroïque prononça les vers que M. Pellisson avait faits, et qui servent de prologue. Vous, soin de ses sujets, sa plus charmante étude, PROLOGUE. Le théâtre représente un jardin orné de termes et de plusieurs jets d'eau. UNE NAÏADE, sortant des eaux dans une coquille. Pour voir en ces beaux lieux le plus grand roi du monde, Mortels, je viens à vous de ma grotte profonde. Faut-il, en sa faveur, que la terre ou que l'eau Qu'il parle ou qu'il souhaite, il n'est rien d'impossible. Son règne, si fertile en miracles divers, Aussi doux que sévère, aussi puissant que juste : Joindre aux nobles travaux les plus nobles plaisirs; On voit, par ce passage, que Molière est l'inventeur de la comédie-ballet, et que les Fácheux en sont le premier exemple. (A.) 2 Cette agréable Naiade était la Béjart, que Molière épousa peu de temps après. LISANDRE. SCÈNE PREMIÈRE. ÉRASTE, LA MONTAGNE. Sous quel astre, bon Dieu! faut-il que je sois né, Il semble que partout le sort me les adresse, J'étais sur le théâtre en humeur d'écouter Je l'étais peu pourtant; mais on en voit paraître Et Corneille me vient lire tout ce qu'il fait. Tu te moques, marquis; nous nous connaissons Et je trouve avec toi des passe-temps plus doux. Je pestais contre moi, l'âme triste et confuse Du funeste succès qu'avait eu mon excuse, Et ne savais à quoi je devais recourir, Pour sortir d'une peine à me faire mourir ; Lorsqu'un carrosse fait de superbe manière, Et comblé de laquais et devant et derrière, S'est, avec un grand bruit, devant nous arrêté, D'où sautant un jeune homme amplement ajusté, Mon importun et lui courant à l'embrassade, Ont surpris les passants de leur brusque incartade; Et tandis que tous deux étaient précipités Dans les convulsions de leurs civilités, Je me suis doucement esquivé sans rien dire, LA MONTAGne. Ce sont chagrins mêlés aux plaisirs de la vie. Mais de tous mes fâcheux le plus fâcheux encore Le Cours est cette partie des Champs-Élysées qui porte le nom de Cours la Reine, à cause des plantations qu'y tit faire Marie de Médicis. Boursault, dans la préface de son petit roman d'Artémise et Poliante, nous apprend que la comédie se terminait alors à sept heures du soir. Cette circonstance explique suffisamment comment, en sortant du spectacle, le facheux peut aller au Cours faire voir sa calèche. |