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Il suffit. Nous allons, l'un et l'autre, en tous lieux, Montrer de votre cœur le portrait glorieux.

ACASTE.

J'aurais de quoi vous dire, et belle est la matière;
Mais je ne vous tiens pas digne de ma colère;
Et je vous ferai voir que les petits marquis
Ont, pour se consoler, des cœurs du plus haut prix.

SCÈNE V.

CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE, ORONTE, PHILINTE.

ORONTE.

Quoi! de cette façon je vois qu'on me déchire,
Après tout ce qu'à moi je vous ai vu m'écrire!
Et votre cœur, paré de beaux semblants d'amour,
A tout le genre humain se promet tour à tour!
Allez, j'étais trop dupe, et je vais ne plus l'être;
Vous me faites un bien, me faisant vous connaître :
J'y profite d'un cœur qu'ainsi vous me rendez,
Et trouve ma vengeance en ce que vous perdez.

(à Alceste.)

Monsieur, je ne fais plus d'obstacle à votre flamme, Et vous pouvez conclure affaire avec madame.

SCÈNE VI.

CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ARSINOÉ, ALCESTE,

PHILINTE.

ARSINOÉ, à Célimène.

Certes, voilà le trait du monde le plus noir;
Je ne m'en saurais taire, et me sens émouvoir.
Voit-on des procédés qui soient pareils aux vôtres?
Je ne prends point de part aux intérêts des autres;
(montrant Alceste.)

Mais monsieur, que chez vous fixait votre bonheur,
Un homme comme lui, de mérite et d'honneur,
Et qui vous chérissait avec idolâtrie,
Devait-il...

ALCESTE.

Laissez-moi, madame, je vous prie,
Vider mes intérêts moi-même là-dessus;
Et ne vous chargez point de ces soins superflus.
Mon cœur a beau vous voir prendre ici sa querelle,
Il n'est point en état de payer ce grand zèle;
Et ce n'est pas à vous que je pourrai songer,
Si, par un autre choix, je cherche à me venger.
ARSINOÉ.

Eh! croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée,
Et que de vous avoir on soit tant empressée?
Je vous trouve un esprit bien plein de vanité.
Si de cette créance il peut s'être flatté.
Le rebut de madame est une marchandise
Dont on aurait grand tort d'être si fort éprise.

Détrompez-vous, de grâce, et portez-le moins haut.
Ce ne sont pas des gens comme moi qu'il vous faut.
Vous ferez bien encor de soupirer pour elle,
Et je brûle de voir une union si belle.
SCÈNE VII.

CÉLIMÈNE, ÉLIANTE, ALCESTE,
PHILINTE

ALCESTE, à Célimène.
Eh bien! je me suis tu, malgré ce que je voi,
Et j'ai laissé parler tout le monde avant moi.
Ai-je pris sur moi-même un assez long empire?
Et puis-je maintenant...

CÉLIMÈNE.

Oui, vous pouvez tout dire; Vous en êtes en droit, lorsque vous vous plaindrez, Et de me reprocher tout ce que vous voudrez. J'ai tort, je le confesse: et mon âme confuse Ne cherche à vous payer d'aucune vaine excuse. J'ai des autres ici méprisé le courroux; Mais je tombe d'accord de mon crime envers vous. Votre ressentiment, sans doute, est raisonnable; Je sais combien je dois vous paraître coupable, Que toute chose dit que j'ai pu vous trahir, Et qu'enfin vous avez sujet de me haïr. Faites-le, j'y consens.

ALCESTE.

Eh! le puis-je, traîtresse? Puis-je ainsi triompher de toute ma tendresse? Et, quoique avec ardeur je veuille vous hair, Trouvé-je un cœur en moi tout prêt à m'obéir?

(à Eliante et à Philinte.)

Vous voyez ce que peut une indigne tendresse,
Et je vous fais tous deux témoins de ma faiblesse.
Mais, à vous dire vrai, ce n'est pas encor tout,
Et vous allez me voir la pousser jusqu'au bout,
Montrer que c'est à tort que sages on nous nomme,
Et que dans tous les cœurs il est toujours de l'homme.
(à Célimène.)

Oui, je veux bien, perfide, oublier vos forfaits;
J'en saurai, dans mon âme, excuser tous les traits,
Et me les couvrirai du nom d'une faiblesse
Où le vice du temps porte votre jeunesse,
Pourvu que votre cœur veuille donner les mains
Au dessein que j'ai fait de fuir tous les humains,
Et que dans mon désert, où j'ai fait vœu de vivre,
Vous soyez, sans tarder, résolue à me suivre.
C'est par là seulement que, dans tous les esprits,
Vous pouvez réparer le mal de vos écrits,
Et qu'après cet éclat qu'un noble cœur abhorre,
Il peut m'être permis de vous aimer encore.
CÉLIMÈNE.
Moi, renoncer au monde avant que de vieillir.

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Vous pouvez suivre cette pensée : Ma main de se donner n'est pas embarrassée; Et voilà votre ami, sans trop m'inquiéter, Qui, si je l'en priais, la pourrait accepter.

PHILINTE.

Non. Mon cœur à présent vous déteste, Et ce refus lui seul fait plus que tout le reste. Puisque vous n'êtes point, en des liens si doux, Pour trouver tout en moi, comme moi tout en vous, | Et j'y sacrifîrais et mon sang et ma vie.

Allez, je vous refuse; et ce sensible outrage De vos indignes fers pour jamais me dégage.

SCÈNE VIII.

ÉLIANTE, ALCESTE, PHILINTE.
ALCESTE, à Éliante.

Madame, cent vertus ornent votre beauté,
Et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité;

Ah! cet honneur, madame, est toute mon envie,

ALCESTE.

Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements,
L'un pour l'autre à jamais garder ces sentiments!
Trahi de toutes parts, accablé d'injustices,

Je vais sortir d'un gouffre où triomphent les vices
Et chercher sur la terre un endroit écarté
Où d'être homme d'honneur on ait la liberté.
PHILINTE.

Allons, madame, allons employer toute chose
Pour rompre le dessein que son cœur se propose.

FIN DU MISANTHROPE.

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SGANARELLE.

gots qui sache comme moi raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux médecin, et qui ait su dans son jeune âge son rudiment par cœur.

Peste du fou fieffé!

MARTINE.

SGANARELLE.

Peste de la carogne!

MARTINE.

Que maudits soient l'heure et le jour où je m'avisai d'aller dire oui!

SGANARELLE.

Que maudit soit le bec cornu de notaire qui me fit signer ma ruine!

MARTINE.

C'est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire. Devrais-tu être un seul moment sans rendre grâces au ciel de m'avoir pour ta femme? et méritais-tu d'épouser une personne comme moi?

SGANARELLE.

Il est vrai que tu me fis trop d'honneur, et que j'eus lieu de me louer la première nuit de nos noces! Eh, morbleu! ne me fais point parler là-dessus : je dirais de certaines choses...

MARTINE.

Quoi? que dirais-tu ?

SGANARELLE.

Baste! laissons là ce chapitre. Il suffit que nous savons ce que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.

MARTINE.

Qu'appelles-tu bien heureuse de te trouver? Un homme qui me réduit à l'hôpital, un débauché, un traître, qui me mange tout ce que j'ai!...

SGANARELLE.

Tu as menti j'en bois une partie.

1 Bec cornu est une imitation du mot italien becco, qui signifie bouc. (B.) - Les vieux conteurs emploient quelquefois ces Oui, habile homme Trouve-moi un faiseur de fa- deux mots réunis dans le sens de cornard.

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