PRESES. ARGAN. TROISIÈME INTERMÈDE. Comment, tout à l'heure ? BÉRALDE. C'est une cérémonie burlesque d'un homme qu'on fait médecin Oui, et dans votre maison, en récit, chant, et danse. Plusieurs tapissiers viennent préARGAN. parer la salle et placer les bancs en cadence. Ensuite de quoi toute l'assemblée, composée de huit porte-seringues, six apoDans ma maison ! thicaires, vingt-deux docteurs, et celui qui se fait recevoir BÉRALDE. médecin, huit chirurgiens dansants , et deux chantants, enOui. Je connais une faculté de mes amies, qui trent, et prennent place, chacun selon son rang. viendra tout à l'heure en faire la cérémonie dans votre salle. Cela ne vous coûtera rien. PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET. Savantissimi doctores, Medicinæ professores, nera par écrit ce que vous devez dire. Allez-vous Qui hìc assemblati estis: Et vos altri messiores, en vous mettre en habit décent. Je vais les envoyer Sententiarum facultatis querir. Fideles executores, Chirurgiani et apothicari, Atque tota compania aussi, Salus, honor et argentum, Atque bonum appetitum. Non possum, docti confreri, En moi satis admirari Qualis bona in ventio Est medici professio; Quàm bella chosa est et benè trovata , Que voulez-vous dire? et qu'entendez-vous avec Medicina illa benedicta, cette faculté de vos amies? Quæ, suo nomine solo, Surprenanti miraculo, Depuis si longo tempore, Facit à gogo vivere Tant de gens omni genere. ont fait un petit intermède de la réception d'un mé Per totam terram videmus decin, avec des danses et de la musique; je veux que Grandam vogam ubi sumus; nous en prenions ensemble le divertissement, et que Et quod grandes et petiti mon frère y fasse le premier personnage. Sunt de nobis infatuti. Tolus mundus, currens ad nostros remedios, Nos regardat sicut deos; un peu beaucoup de mon père. Et nostris ordonnanciis Principes et reges soumissos videtis. Doncque il est nostræ sapientiæ, s’accommoder à ses fantaisies. Tout ceci n'est qu'en Boni sensus atque prudentiæ, tre nous. Nous y pouvons aussi prendre chacun un De fortement travaillare personnage, et nous donner ainsi la comédie les uns A nos benè conservare aux autres. Le carnaval autorise cela. Allons vite In tali credito, vogå et honore; préparer toutes choses. Et prendere gardam à non recevere, In nostro docto corpore, Quàm personas capabiles , Et totas dignas remplire Has placas honorabiles. C'est pour cela que nunc convocati estis; Et credo quod trovabitis Dignam matieram medici Lequel, in chosis omnibus, QUARTUS DOCTOR. Super illas maladias, Doctus bachelierus dixit maravillas; Mais, si non ennuyo dominum præsiden, Doctissimam facultatem, Et totam honorabilem Companiam ecoutantem; Faciam illi unam questionem. Dès hiero maladus unus Tombavit in meas manus; Habet grandam fievram cum redoublameulis, Grandam dolorem capitis, Et grandum malum au côté, Cum grandà difficultate Et pená à respirare. Veillas mihi dire, Docte bacheliere, Quid illi facere. BACHELIERU6. Clysterium donare, Postea seignare, Ensuita purgare. QUINTUS DOCTOR, Mais, si maladia Opiniatria Non vult se garire, Quid illi facere? BACHELIERUS. Clysterium donare, Postea seignare, Ensuita purgare. Reseignare, repurgare et reclysterisate. CHORUS Benè, benè, benè, benè respondere. Dignus, dignus est intrare In nostro docto corpore. PRÆSES. Juras gardare statuta Per facultatem præscripta, Cum sensu et jugeamento? BACHELIERUS. Juro. Dignus, dignus est jetrare Essere in omnibus Consultationibus Ancieni aviso, Aut bono, Aut mauvaiso? BACHELIERUS. Juro. PRESES. De non jamais te servire De remediis aucunis, Quàm de ceux seulement doctæ facultatis, Maladus dut-il crevare Et mori de suo malo? BACHELIERUS Juro. Ego, cum istu honcto PRESES, PRESES. CHORUS Vivat, vivat, vivat, vivat, cent fois vivat, Novus doctor, qui tam benè parlat! Mille, mille annis , et manget et bibat, Et seignet et tuat! TROISIÈME ENTRÉE DE BALLET. Venerabili et docto, Medicandi, Et occidendi DEUXIÈME ENTREE DE BALLET. rence en cadence. Tous les chirurgiens et les apothicaires dansent au son des instruments et des voix, et des battements de mains et des mortiers d'apothicaires. BACHELIER US. De la rhubarbe et du séné, Inepta et ridicula, Vobis louangeas donare, Des lamieras au soleillo, Et des rosas au printano. Pro toto remercimento Vobis, vobis debeo Natura et pater meus CHIRURGUS. CHORUS. Novus doctor, qui tam benè parlat ! CHIRURGUS. Fievras, pleuresias, CHORUS. Vivat, vivat, vivat, vivat, cent fois vivat, Novus doctor, qui tam benè parlat ! Mille, mille annis , et manget et bibat, Et seignet et luat! QUATRIÈME ENTRÉE DE BALLET. Les médecins, les chirurgiens et les apolhicaires sortent tous, selon leur rang, en cérémonie, comme ils sont entrés. FIN DU MALADE IMAGINAIRE. Aux larmes , le Vayer, laisse tes yeux ouverts : Digne fruit de vingt ans de travaux somptueux, Et parmi tant d'objets semés de toutes parts, Du voyageur surpris prend les premiers regards, Pour vouloir d'un mil sec voir mourir ce qu'on aime; Fais briller à jamais dans ta noble richesse L'effort en est barbare aux yeux de l'univers, La splendeur du saint væu d'une grande princesse , Et c'est brutalité plus que vertu suprême. Et porte un témoignage à la postérité De sa magnificence et de sa piété; Des exquises beautés que tu tiens de son zèle : Le chef-d'ouvre fameux de ses riches présents, Ses vertus de chacun le faisaient révérer; Cet éclatant morceau de savante peinture, C'est le plus bel effet des grands soins qu'elle a pris, Toi qui dans cette coupe, à ton vaste génie Comme un ample théâtre heureusement fournie, Es venu déployer les précieux trésors Que le Tibre t'a vu ramasser sur ses bords, Dis-nous, fameux Mignard, par qui te sont versées « Vous voyez bien, monsieur, que je m'écarte fort du Les charmantes beautés de tes nobles pensées, a chemin qu'on suit d'ordinaire en pareille rencontre, et Et dans quel fond tu prends cette variété « que le sonnet que je vous envoie n'est rien moins qu'une Dont l'esprit est surpris et l'æil est enchanté : « consolation. Mais j'ai cru qu'il fallait en user de la sorte « avec vous, et que c'est consoler un philosophe que de « lui justifier ses larmes, et de mettre sa douleur en li- I Ce mot de gloire , qui est le titre du poème de Molière, si« berté. Si je n'ai pas trouvé d'assez fortes raisons pour gnitie, en termes de peinture, la représentation du ciel ouvert, « affranchir votre tendresse des sévères leçons de la philo avec les personnes divines, les anges et les bienheureux. Tel est, en effet, le sujet qu'a traité Mignard dans le chef-d'æuvre a sophie, et pour vous obliger à pleurer sans contrainte, que Molière va célébrer. (A.) « il en faut accuser le peu d'éloquence d'un homme qui ne 2 Le Val de Grace fut fondé par la reine mère, en accomplis« saurait persuader ce qu'il sait si bien faire. » sement du vou qu'elle avait fait de båtir une magnitique église, si Dieu mettait un terme à la longue stérilité dont elle était af fligée, et que fit cesser, après vingt-deux ans, la naissance de MOLIÈRE. » Louis XIV. (A.) 40 1 Dis-nous quel feu divin, dans tes fécondes veilles, Qui rompe ce repos, si fort ami des yeux; Mais où, sans se presser, le groupe se rassemble, Quels charmes ton pinceau répand dans tous ses traits, Et forme un doux concert, fasse un beau tout ensemble, Quelle force il y mêle à ses plus doux attraits, Où rien ne soit à l'ail mendié, ni redit, Tu te tais, et prétends que ce sont des matières Que de la barbarie ont produit les torrents, Et de la grande Rome abattant les remparts, Mais ton pinceau s'explique, et trahit ton silence; Vint avec son empire étouffer les beaux-arts. Malgré toi de ton art il nous fait confidence; Il nous montre à poser avec noblesse et grâce Et dans ses beaux efforts à nos yeux étalés, La première figure à la plus belle place, Les mystères profonds nous en sont révélés. Riche d'un agrément, d'un brillant de grandeur Une pleine lumière ici nous est offerte; Qui s'empare d'abord des yeux du spectateur; Et ce dôme pompeux est une école ouverte, Prenant un soin exact que, dans tout son ouvrage, Où l'ouvrage, faisant l'office de la voix, Elle joue aux regards le plus beau personnage; Dicte de ton grand art les souveraines lois. Et que par aucun rôle au spectacle placé, Le héros du tableau ne se voie effacé. Des épisodes froids et qui sont inutiles, A donner au sujet toute sa vérité, Mais des trois, comme reine, il nous expose celles A lui garder partout pleine fidélité, Que ne peut nous donner le travail ni le zèle; Et ne se point porter à prendre de licence, El qui, comme un présent de la faveur des cieux, A moins qu'à des beautés elle donne naissance. Est du nom de divine appelée en tous lieux; Il nous dicte amplement les leçons du dessin' Elle, dont l'essor monte au-dessus du tonnerre, Dans la manière grecque et dans le goût romain; Et sans qui l'on demeure à ramper contre terre, Le grand choix du beau vrai, de la belle nature, Qui meut tout, règle tout, en ordonne à son choix, Sur les restes exquis de l'antique sculpture, Et des deux autres mène et régit les emplois. Qui prenant d'un sujet la brillante beauté, Il nous enseigne à prendre une digne matière, En savait séparer la faible vérité, Qui donne au feu du peintre une vaste carrière, Et formant de plusieurs une beauté parfaite, Et puisse recevoir tous les grands ornements Nous corrige par l'art la nature qu'on traite. Qu'enfante un beau génie en ses accouchements, Il nous explique à fond , dans ses instructions, Et dont la poésie et sa sæur la peinture, L'union de la grâce et des proportions; Parant l'instruction de leur docte imposture, Les figures partout doctement dégradées, Composent avec art ses attraits, ses douceurs, Et leurs extrémités soigneusement gardées; Qui font à leurs leçons un passage en nos cours; Les contrastes savants des membres agroupés, Et par qui de tous temps ces deux sæurs si pareilles Grands, nobles, étendus et bien développés, Charment, l'une les yeux, et l'autre les oreilles. Balancés sur leur centre en beautés d'attitude, Mais il nous dit de fuir un discord apparent Tous formés l’un pour l'autre avec exactitude, Du lieu que l'on nous donne et du sujet qu'on prend; Et n'offrant point aux yeux ces galimatias Et de ne point placer dans un tombeau des fêtes, Où la tête n'est point de la jambe ou du bras; Le ciel contre nos pieds, et l'enfer sur nos têtes. Leur juste attachement aux lieux qui les font naître, Il nous apprend à faire, avec détachement, Et les muscles touchés autant qu'ils doivent l'être; De groupes contrastés un noble agencement, La beauté des contours observés avec soin; Qui du champ du tableau fasse un juste partage, Point durement traités, amples, tirés de loin, En conservant les bords un peu légers d'ouvrage, Inégaux, ondoyants, et tenant de la flamme, N'ayant nul embarras, nul fracas vicieux Afin de conserver plus d'action et d'âme; Les nobles airs de tête amplement variés, L'invention, le dessin, le coloris. ( Nole de Molière. ) * L'invention, première partie de la peinture. (Ibid. ) "Le dessin, seconde partie de la peinture. ( Note de Nolière.) |