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Si le chef n'est pas bien d'accord avec la tête,
Que tout ne soit pas bien réglé par le compas,
Nous voyons arriver de certains embarras;
La partie brutale alors veut prendre empire
Dessus la sensitive, et l'on voit que l'un tire
A dia, l'autre à hurhaut; l'un demande du mou,
L'autre du dur; enfin tout va sans savoir où :
Pour montrer qu'ici-bas, ainsi qu'on l'interprète,
La tête d'une femme est comme la girouette
Au haut d'une maison, qui tourne au premier vent:
C'est pourquoi le cousin Aristote souvent

La compare à la mer; d'où vient qu'on dit qu'au monde
On ne peut rien trouver de si stable que l'onde.
Or, par comparaison (car la comparaison
Nous ait distinctement comprendre une raison,
Et nous aimons bien mieux, nous autres gens d'étude,
Une comparaison qu'une similitude);

Par comparaison donc, mon maître, s'il vous plaît,
Comme on voit que la mer, quand l'orage s'accroît,
Vient à se courroucer, le vent souffle et ravage,
Les flots contre les flots font un remu-ménage
Horrible; et le vaisseau, malgré le nautonier,
Va tantôt à la cave, et tantôt au grenier :
Ainsi, quand une femme a sa tête fantasque,
On voit une tempête en forme de bourrasque,
Qui veut compétiter par de certains... propos;
Et lors un... certain vent, qui, par... de certains flots,
De... certaine façon, ainsi qu'un banc de sable.....
Quand... Les femmes enfin ne valent pas le diable.
ÉRASTE.

C'est fort bien raisonner.

GROS-RENÉ.

Assez bien, Dieu merci. Mais je les vois, monsieur, qui passent par ici. Tenez-vous ferme au moins!

ÉRASTE.

Ce

que

de votre cœur a possédé le mien.

Un courroux si constant pour l'ombre d'une offense
M'a trop bien éclairci de votre indifférence,
Et je dois vous montrer que les traits du mépris
Sont sensibles surtout aux généreux esprits.

Je l'avourai, mes yeux observaient dans les vôtres
Des charmes qu'ils n'ont point trouvés dans tous les
Et le ravissement où j'étais de mes fers [ autres,
Les aurait préférés à des sceptres offerts.
Oui, mon amour pour vous sans doute était extrême,
Je vivais tout en vous; et je l'avourai même,
Peut-être qu'après tout j'aurai, quoique outragé,
Assez de peine encore à m'en voir dégagé :
Possible que, malgré la cure qu'elle essaie,
Mon âme saignera longtemps de cette plaie,
Et qu'affranchi d'un joug qui faisait tout mon bien,
Il faudra me résoudre à n'aimer jamais rien.
Mais enfin il n'importe; et puisque votre haine
Chasse un cœur tant de fois que l'amour vous ramène,
C'est la dernière ici des importunités

Que vous aurez jamais de mes vœux rebutés.

LUCILE.

Vous pouvez faire aux miens la grâce tout entière, Monsieur, et m'épargner encor cette dernière.

ERASTE.

Eh bien! madame, eh bien ! ils seront satisfaits. Je romps avecque vous, et j'y romps pour jamais, Puisque vous le voulez. Que je perde la vie Lorsque de vous parler je reprendrai l'envie!

LUCILE.

Tant mieux; c'est m'obliger.

ÉRASTE.

Non, non, n'ayez pas peur Que je fausse parole; eussé-je un faible cœur Jusques à n'en pouvoir effacer votre image, Croyez que vous n'aurez jamais cet avantage

Ne te mets pas en peine. De me voir revenir.

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« LUCILE. »>

Vous m'assuriez par là d'agréer mon service;
C'est une fausseté digne de ce supplice.

a

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Non, non, cherchez partout, vous n'en aurez jamais
De si passionné pour vous, je vous promets.
Je ne dis pas cela pour vous rendre attendrie;
(Il déchire la lettre.) | J'aurais tort d'en former encore quelque envie.
LUCILE lit.
Mes plus ardents respects n'ont pu vous obliger :
Vous avez voulu rompre; il n'y faut plus songer.
Mais personne après moi, quoi qu'on vous fasse enten-
N'aura jamais pour vous de passion si tendre. [dre,

J'ignore le destin de mon amour ardente,

« Et jusqu'à quand je souffrirai;

« Mais je sais, ô beauté charmante,

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Que toujours je vous aimerai.

<< ERASTE. »>

Voilà qui m'assurait à jamais de vos feux;
Et la main et la lettre ont menti toutes deux.

GROS-RENÉ.

LUCILE.

Quand on aime les gens, on les traite autrement;
On fait de leur personne un meilleur jugement.
ÉRASTE.

(Elle déchire la lettre.) Quand on aime les gens, on peut, de jalousie,
Sur beaucoup d'apparence avoir l'âme saisie;
Mais alors qu'on les aime, on ne peut en effet
Se résoudre à les perdre; et vous,
vous l'avez fait.

Poussez.

ÉRASTE.

Elle est de vous. Suffit, même fortune.
MARINETTE, à Lucile.

Ferme.

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LUCILE.

La pure jalousie est plus respectueuse.
ÉRASTE.

On voit d'un œil plus doux une offense amoureuse.

LUCILE.

Non, votre cœur, Eraste, était mal enflammé.

ÉRASTE.

Non, Lucile, jamais vous ne m'avez aimé.

LUCILE.

Eh! je crois que cela faiblement vous soucie.
Peut-être en serait-il beaucoup mieux pour ma vie,
Si je... Mais laissons là ces discours superflus :
Je ne dis point quels sont mes pensers là-dessus.
ÉRASTE.

Pourquoi?

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LUCILE.

Par la raison que nous rompons ensemble, cela n'est plus de saison, ce me semble. ÉRASTE.

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Et toi, pour te montrer que tu m'es à mépris,
Voilà ton demi-cent d'épingles de Paris,

Que tu me donnas hier avec tant de fanfare.
GROS-RENÉ.

Tiens encor ton couteau. La pièce est riche et rare;
Il te coûta six blancs lorsque tu m'en fis don.
MARINETTE.

Tiens tes ciseaux, avec ta chaîne de laiton.
GROS-RENÉ.
J'oubliais d'avant-hier ton morceau de fromage.
Tiens. Je voudrais pouvoir rejeter le potage
Que tu me fis manger, pour n'avoir rien à toi.

MARINETTE.

Je n'ai point maintenant de tes lettres sur moi; Mais j'en ferai du feu jusques à la dernière. GROS-RENÉ.

Et des tiennes tu sais ce que j'en saurai faire.

MARINETTE.

Prends garde à ne venir jamais me reprier.
GROS-RENÉ.

Pour couper tout chemin à nous rapatrier,
Il faut rompre la paille. Une paille rompue
Rend, entre gens d'honneur, une affaire conclue 3.
Ne fais point les doux yeux; je veux être fâché.

MARINETTE.

Ne me lorgne point, toi ; j'ai l'esprit trop touché.
GROS-RENÉ.

Romps; voilà le moyen de ne s'en plus dédire;
Romps. Tu ris, bonne bête!

1 Arder, abréviation de regarder.

2 Du temps de Molière on disait un galant, pour un naud de ruban.

3 L'usage de briser une paille, pour exprimer que tous les serments sont rompus, remonte aux premiers temps de la monarchie. On voit, dès 922, les seigneurs français, convoqués au champ de mai par Charles le Simple, lui reprocher les concessions faites à Raoul, chef des Normands, puis s'avancer au pied du trône, et brisant des pailles qu'ils tenaient dans leurs mains, déclarer par cette seule action que Charles avait cessé d'ètre leur roi. Bellingen a trouvé l'origine de cet usage dans le droit civil romain. Un homme qui faisait l'abandon de son bien à ses créanciers, était obligé de rompre un fétu de paille sur le seuil de sa maison, ce qui voulait dire qu'il faisait faux bond aux marchands, affront à ses amis, honte à ses parents, et rompait avec

tous.

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« Dès que l'obscurité régnera dans la ville,
« Je me veux introduire au logis de Lucile ;
« Va vite de ce pas préparer pour tantôt,

<< Et la lanterne sourde, et les armes qu'il faut. »
Quand il m'a dit ces mots, il m'a semblé d'entendre:
Va vitement chercher un licou pour te pendre.
Venez çà, mon patron; car, dans l'étonnement
Où m'a jeté d'abord un tel commandement,
Je n'ai pas eu le temps de vous pouvoir répondre;
Mais je vous veux ici parler, et vous confondre :
Défendez-vous donc bien, et raisonnons sans bruit.
MOLIÈRE,

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« Mascarille, en tout cas, l'espoir où je me fonde,
« Nous irons bien armés ; et si quelqu'un nous gronde,
Nous nous chamaillerons. » Oui? Voilà justement
Ce que votre valet ne prétend nullement. [maître,
Moi, chamailler, bon Dieu! Suis-je un Roland, mon
Ou quelque Ferragus? C'est fort mal me connaître.
Quand je viens à songer, moi qui me suis si cher,
Qu'il ne faut que deux doigts d'un misérable fer
Dans le corps, pour vous mettre un humain dans la
Je suis scandalisé d'une étrange manière. [ bière,
« Mais tu seras armé de pied en cap. » Tant pis :
J'en serai moins léger à gagner le taillis 2;
Et de plus, il n'est point d'armure si bien jointe
Où ne puisse glisser une vilaine pointe.

<< Oh! tu seras ainsi tenu pour un poltron! »
Soit, pourvu que toujours je branle le menton.
A table comptez-moi, si vous voulez, pour quatre,
Mais comptez-moi pour rien s'il s'agit de se battre.
Enfin, si l'autre monde a des charmes pour vous,
Pour moi, je trouve l'air de celui-ci fort doux.
Je n'ai pas grande faim de mort ni de blessure,
Et vous ferez le sot tout seul, je vous assure.

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Moi, je ne suis pour rien dans tout cet embarras.
Qu'ai-je fait pour me voir rouer jambes et bras?
Suis-je donc gardien, pour employer ce style,
De la virginité des filles de la ville?
Sur la tentation ai-je quelque crédit?
En puis-je mais, chétif, si le cœur leur en dit?
VALÈRE.

Oh! qu'ils ne seront pas si méchants qu'ils le disent!
Et quelque belle ardeur que ses feux lui produisent,
Traste n'aura pas si bon marché de nous.
LA RAPIÈRE.

S'il vous faisait besoin, mon bras est tout à vous.

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Nous renfermer, faquin! Tu m'oses proposer un acte de coquin? Sus, sans plus de discours, résous-toi de me suivre.

MASCARILLE.

Eh! monsieur mon cher maître, il est si doux de vivre! On ne meurt qu'une fois, et c'est pour si longtemps!...

VALÈRE.

Je m'en vais t'assommer de coups, si je t'entends.

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