Ascagne vient ici, laissons-le; il faut attendre Quel parti de lui-même il résoudra de prendre. Cependant avec moi viens prendre à la maison Pour nous frotter... MASCARILLE. Je n'ai nulle démangeaison. Que maudit soit l'amour, et les filles maudites Qui veulent en tåter, puis font les chattemites 1! SCÈNE V. ASCAGNE, FROSINE. ASCAGNE. Est-il bien vrai, Frosine, et ne rêvé-je point? FROSINE. Vous en saurez assez le détail, laissez faire. Sa femme en secret lors se rendit son vrai sang, Elle en dit des raisons, et peut en avoir d'autres, 'Ce mot signifie l'affectation d'une contenance humble, douce Si doucement à lui déployé ces mystères, ASCAGNE. Ah! Frosine, la joie où vous m'acheminez... Eh! que ne dois-je point à vos soins fortunés! FROSINE. Au reste, le bon homme est en humeur de rire, Et pour son fils encor nous défend de rien dire. SCÈNE VI. POLIDORE, ASCAGNE, FROSINE. POLIDORE. Approchez-vous, ma fille, un tel nom m'est permis, ASCAGNE. Vous obéir sera mon premier compliment. SCÈNE VII. POLIDORE, VALÈRE, MASCARILLE. MASCARILLE à Valère. Les disgrâces souvent sont du ciel révélées. Et d'œufs cassés; monsieur, un tel songe m'abat. Chien de poltron! POLIDORE. Valère, il s'apprête un combat Où toute ta valeur te sera nécessaire. Tu vas avoir en tête un puissant adversaire. MASCARILLE. Et personne, monsieur, qui se veuille bouger POLIDORE. Non, non; en cet endroit et flatteuse, pour tromper quelqu'un, ou pour attraper quelque Je le pousse moi-même à faire ce qu'il doit. chose. C'est un composé de cata, chatte, et de mitis, doux Rien ne pouvait mieux exprimer une mine douce et flatteuse que ces deux mots joints ensemble. (MÉN.) Père dénaturé! MASCARILLE. SCÈNE VIII ALBERT, POLIDORE, LUCILE, ÉRASTE, VALÈRE, MASCARILLE. ALBERT. Eh bien! les combattants? On amène le nôtre. Oui, oui, me voilà prêt, puisqu'on m'y veut forcer; Non pas que cet amour prétende encor à vous: A peine en puis-je croire au rapport de mes yeux; Un semblable discours me pourrait affliger, SCÈNE IX. ALBERT, POLIDORE, ASCAGNE, LUCILE, ÉRASTE, VALÈRE, FROSINE, MARINETTE, GROS-RENÉ, MASCARILLE. VALÈRE. Il ne le fera pas, Je prenais intérêt tantôt à tout ceci; ÉRASTE. Il saura pour tous vous mettre à la raison. I Non, non, je ne suis pas si méchant qu'on me fait; Oui, bien loin de vanter le pouvoir de mon bras, VALÈRE. Non, quand toute la terre, après sa perfidie Et les traits effrontés... ASCAGNE. Ah! souffrez que je die, Valère, que le cœur qui vous est engagé D'aucun crime envers vous ne peut être chargé; Sa flamme est toujours pure et sa constance extrême; Et j'en prends à témoin votre père lui-même. POLIDORE. Oui, mon fils, c'est assez rire de ta fureur, A semé parmi vous un si grand embarras. ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ . Et c'est là justement ce combat singulier POLIDORE. Un tel événement rend tes esprits confus: Mais en vain tu voudrais balancer là-dessus. VALÈRE. Non, non, je ne veux pas songer à m'en défendre; ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ . Cet habit, cher Valère, Souffre mal les discours que vous lui pourriez faire. Allons lui faire en prendre un autre, et cependant Vous saurez le détail de tout cet incident. VALÈRE. Vous, Lucile, pardon, si mon âme abusée... LUCILE. L'oubli de cette injure est une chose aisée. ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ . Allons, ce compliment se fera bien chez nous, Mais vous ne songez pas, en tenant ce langage. MASCARILLE. Nenni, nenni, mon sang dans mon corps sied trop MARINETTE. Et tu crois que de toi je ferais mon galant? Écoute, quand l'hymen aura joint nos deux peaux, MASCARILLE. Tu crois te marier pour toi tout seul, compère? I Anciennement merveille signifiait admiration, étonnement. Merveille ne se dit plus de l'admiration elle-même, mais seulement de ce qui la produit. ( A.) LES PRÉCIEUSES RIDICULES, COMÉDIE EN UN ACTE. 1659. PRÉFACE. C'est une chose étrange qu'on imprime les gens malgré eux! Je ne vois rien de si injuste, et je pardonnerais toute autre violence plutôt que celle-là. Ce n'est pas que je veuille faire ici l'auteur modeste, et mépriser par honneur ma comédie. J'offenserais mal à propos tout Paris, si je l'accusais d'avoir pu applaudir à une sottise: comme le public est le juge absolu de ces sortes d'ouvrages, il y aurait de l'impertinence à moi de le démentir; et quand j'aurais eu la plus mauvaise opinion du monde de mes Précieuses ridicules avant leur représentation, je dois croire maintenant qu'elles valent quelque chose, puisque tant de gens ensemble en ont dit du bien. Mais comme une grande partie des grâces qu'on y a trouvées dépendent de l'action et du ton de voix, il m'importait qu'on ne les dépouillåt pas de ces ornements, et je trouvais que le succès❘ qu'elles avaient eu dans la représentation était assez beau pour en demeurer là. J'avais résolu, dis-je, de ne les faire voir qu'à la chandelle, pour ne point donner lieu à quelqu'un de dire le proverbe 1, et je ne voulais pas qu'elles sautassent du théâtre de Bourbon dans la galerie du Palais. Cependant je n'ai pu l'éviter, et je suis tombé dans la disgrâce de voir une copie dérobée de ma pièce entre les mains des libraires, accompagnée d'un privilége obtenu par surprise. J'ai eu beau crier : O temps! ô mœurs! on m'a fait voir une nécessité pour moi d'être imprimé, ou d'avoir un procès; et le dernier mal est encore pire que le premier. Il faut donc se laisser aller à la destinée, et consentir à une chose qu'on ne laisserait pas de faire sans moi. Mon Dieu! l'étrange embarras qu'un livre à mettre au jour; et qu'un auteur est neuf la première fois qu'on l'imprime! Encore si l'on m'avait donné du temps, j'aurais pu mieux songer à moi, et j'aurais pris toutes les précautions Molière fait allusion à ce proverbe: « Elle est belle à la chan« delle; mais le grand jour gåte tout. »> que messieurs les auteurs, à présent mes confrères, ont coutume de prendre en semblables occasions. Outre quelque grand seigneur que j'aurais été prendre malgré lui pour protecteur de mon ouvrage, et dont j'aurais tenté la libéralité par une épître dédicatoire bien fleurie, j'aurais tâché de faire une belle et docte préface; et je ne manque point de livres qui m'auraient fourni tout ce qu'on peut dire de savant sur la tragédie et la comédie, l'étymologie de toutes deux, leur origine, leur définition, et le reste. J'aurais parlé aussi à mes amis, qui, pour la recommandation de ma pièce, ne m'auraient pas refusé ou des vers français, ou des vers latins. J'en ai même qui m'auraient loué en grec; et l'on n'ignore pas qu'une louange en grec est d'une merveilleuse efficace à la tête d'un livre. Mais on me met au jour sans me donner le loisir de me reconnaître; et je ne puis même obtenir la liberté de dire deux mots pour justifier mes intentions sur le sujet de cette comédie. J'aurais voulu faire voir qu'elle se tient partout dans les bornes de la satire honnête et permise; que les plus excellentes choses sont sujettes à être copiées par de mauvais singes qui méritent d'être bernés; que ces vicieuses imitations de ce qu'il y a de plus parfait, ont été de tout temps la matière de la comédie; et que, par la même raison que les véritables savants et les vrais braves ne se sont point encore avisés de s'offenser du Docteur de la comédie, et du Capitan, non plus que les juges, les princes et les rois de voir Trivelin, ou quelque autre, sur le théâtre, faire ridiculement le juge, le prince ou le roi ; aussi les véritables précieuses auraient tort de se piquer, lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal. Mais enfin, comme j'ai dit, on ne me laisse pas le temps de respirer, et M. de Luynes 2 veut m'aller faire relier de ce pas: à la bonne heure, puisque Dieu l'a voulu. Le Docteur, le Capitan, et Trivelin, étaient trois personnages ou caractères appartenants à la farce italienne. 2 Ce de Luynes était un libraire qui avait sa boutique dans la galerie du Palais. |