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sa première dotation; son action doit être continue et soumise à des règles fixes et invariables. Pour qu'un amortissement puisse racheter une dette dans un délai donné, la spécialité des emprunts est indispensable. Convaincu de cette nécessité, je propose, pour l'avenir, cette spécialité, et j'en demande l'application même à notre dette actuelle.

Pour y parvenir, je demande que la somme totale de notre amortissement soit divisée en plusieurs parties inégales, avec une attribution spéciale pour chaque fonds d'amortissement, dans le rachat de notre dette, de telle sorte que le rachat intégral de chaque série puisse être effectué, par gradation, et à des époques différentes, et dégager ainsi successivement les contribuables.

Par cette combinaison, nos dettes anciennes et nouvelles se trouveront soumises aux mêmes règles, et nous apercevrons des époques de libération rapprochées et certaines. Notre amortissement nous offrira presque immédiatement un soulagement, cependant son action ne sera plus exposée à être arrêtée brusquement; les intérêts du présent et de l'avenir se trouveront à la fois ménagés.

Tel est le but de ma proposition: je ne pense pas avoir besoin d'entrer dans de longues explications pour vous en démontrer toute l'utilité.

La situation actuelle de notre dette et de notre amortissement vous est connue : les diverses dotations primitives de notre amortissement s'élèvent à 44,616,463 francs; les rentes rachetées jusqu'au 1er octobre 1832, qui n'ont pas été annulées, s'élèvent à 47,327,725 francs; ce qui fait un total de 91,944,187 francs, somme consacrée aujourd'hui à l'action de notre amortissement. Notre dette, à la même date du 1er octobre 1832,

en rentes 5 0/0, est de 138,452,708 fr.

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Ce qui fait un total de.. 174,196,730 f. de rentes.

Ainsi, comme vous le voyez, les rentes 5 0/0 forment à elles seules plus des trois quarts de notre dette. Cette réunion, trop compacte, m'a paru nuisible à l'action de notre amortissement : cette action se trouve presque annulée par l'émission fréquente de nouveaux emprunts, dont l'apparition affaiblit constamment l'amortissement, en retardant l'époque de notre libération. Le calcul d'une extinction dans 36 années, avec une dotation de 1 0/0, n'est plus alors qu'une fiction: ce calcul effectivement ne peut être exact que par une affectation spéciale d'un amortissement à chaque emprunt.

Pour démontrer l'évidence de ce raisonnement, il me suffira d'en faire l'application à des chiffres. Supposons un premier emprunt de 100 millions de capital, ou 5 millions de rentes 5 0/0 avec un amortissement d'un million: cet amortissement, après 32 années, aura racheté 80 millions de capital, ou 4 millions de rentes; et 4 années suffiraient alors pour l'extinction totale de cette dette. Mais, à cette même époque, un second emprunt de 100 millions est contracté; le fonds d'amortissement, qui s'était élevé à 5 millions, se trouve augmenté d'un million, ce qui le porté à 6 millions; les rentes à racheter, étant ellesmêmes augmentées de 5 millions, nous aurons alors, d'une part, 6 millions d'amortissement, et, d'un autre côté, 6 millions de rentes (ou 120 millions de capital) à racheter.

Dans ce cas, l'extinction de la dette ne pourra plus avoir lieu qu'en 14 années, au lieu de 15 années qui auraient suffi pour le premier emprunt, s'il eût été isolé. Qu'un troisième et un quatrième emprunt viennent plus tard se joindre aux deux premiers, notre libération pour notre première dette, au lieu de 36 années, se trouvera alors ajournée presque indéfiniment.

Cette situation est précisément celle dans laquelle nous nous trouvons, et c'est pour en sortir que je propose la division de nos rentes 5 0/0 en plusieurs séries inégales sur lesquelles la dotation primitive de 1 0/0 sera censée avoir commencé à agir à des époques différentes.

Afin d'éviter une division matérielle de ces rentes, qui pourrait offrir quelques inconvénients dans son application, j'établis cette division sur l'amortissement lui-même; je le partage en plusieurs dotations inégales, en attribuant à chaque dotation le rachat spécial d'une portion de rentes.

Toutes les dotations attachées à des rentes 5 0/0 achèteront cette espèce de rente sans aucune distinction de date ni d'origine, afin de ne pas établir des prix différents sur une même nature d'effets. Il suffira qu'une dotation se soit élevée par ses rachats à la somme qui lui aura été fixée, pour qu'il y ait lieu à l'annuler.

Ainsi donc, les principes que je pose sont la division de notre amortissement actuel en plusieurs dotations inégales; chacune de ces dotations sera spécialement affectée au rachat d'une portion de rentes déterminée. A l'avenir, il sera également créé pour chaque emprunt un amortissement chargé spécialement du rachat intégral de cet emprunt.

Tous les rachats effectués par un fonds d'amortissement lui appartiendront et se cumuleront avec sa dotation primitive, jusqu'à l'extinction totale de la dette qui lui sera attribuée : à cette fin, je demande qu'à chaque emprunt il soit pourvu au service de l'amortissement et des intérêts par une seule et même dotation, déclarée irrévocable.

Dans cette dotation, il sera réservé au moins 2 0/0 pour le service de l'amortissement.

Lorsque le prix d'une rente dépassera le pair, le fonds d'amortissement, appartenant à cette espèce de rente, sera employé à racheter des rentes d'une autre espèce, et préférablement de celles qui donneront le plus haut intérêt.

Enfin, lorsqu'un fonds d'amortissement aura racheté la totalité des rentes qui lui étaient attribuées, le montant de sa dotation et de ses rachats sera annulé et rendu à l'Etat.

Ces bases m'ont paru devoir concilier tous les intérêts. Avec la spécialité que je propose pour chaque emprunt, et l'annulation successive de chaque dette après son extinction, il n'y a aucun inconvénient à abandonner, sans réserve, à chaque fonds d'amortissement, la possession de ses rachats.

Au moyen des dotations inégales que j'affecte à chaque fonds d'amortissement, nous obtiendrons :

Par la 1ro série, une annulation de

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rons aux contribuables un soulagement réel, tout en conservant à notre amortissement assez de force pour éteindre notre dette, et en respectant son principe d'inviolabilité.

Votre situation actuelle, au contraire, ale grave inconvénient de ne pas fixer d'une manière sûre et précise à quelle époque vous cesserez d'amortir. Si vous attendez l'extinction totale de notre dette, c'est presque un ajournement indéfini; si, sans attendre ce terme, vous annulez arbitrairement et sans mesure des parties de rentes, vous prenez l'habitude de toucher à l'amortissement, habitude funeste dont on abuse tôt ou tard.

Le principe des dettes séparées offre encore un autre avantage; si l'une d'elles arrive au pair, son isolement et son peu d'importance rendent facile, soit un remboursement, soit une réduction d'intérêts; car si une opération de plusieurs milliards est presque impossible, il n'en est pas ainsi de celle qui n'exigerait que 2 ou 300 millions.

Lorsqu'une rente a atteint le pair, il est de principe rigoureux que l'action de l'amortissement cesse à son égard: alors le fonds d'amortissement qui lui est propre doit être utilisé d'une autre manière; et, pour qu'il puisse continuer à servir le crédit, il ne saurait être mieux employé qu'au rachat d'une autre espèce de rentes, en donnant la préférence à celle qui offrirait le plus haut intérêt : c'est ce mode que j'indique, et qui est celui qui vous a déjà été présenté dans le projet de loi du 22 novembre 1830. Néanmoins, prévoyant le cas où cette situation durerait longtemps, j'ajoute la disposition suivante: Si une espèce de rentes était, pendant plus de 6 mois, consécutivement au-dessus du pair, le fonds d'amortissement qui lui appartiendrait serait alors employé à rembourser quelques titulaires de cette rente. Cette prévision est indispensable dans l'intérêt du Trésor, qui sans cela continuerait à payer des rentes dont l'intérêt serait plus élevé que celui de l'espèce de rentes qu'il rachèterait avec son amortissement.

Il en résulterait un autre inconvénient non moins grave, ce serait de porter, par une force d'amortissement accidentelle, des effets à un cours qui, n'étant pas la mesure exacte du crédit, baisserait ensuite rapidement lorsque ce secours extraordinaire serait retiré, ce qui amènerait une perturbation également funeste au crédit public et aux intérêts particuliers.

Jusqu'à ce jour on s'est généralement contenté d'allouer un pour cent du capital d'un emprunt à la dotation primitive de son amortissement. Plusieurs hommes éclairés sur cette matière, et notamment l'honorable M. Laffitte, se sont élevés contre cette base qui leur a paru trop faible, et nullement en rapport avec l'importance des charges accidentelles auxquelles les gouvernements sont obligés de pourvoir par des emprunts.

Je partage entièrement cet avis, et je pense que c'est vouloir s'abuser que de persévérer dans ce système; 1 0/0 d'amortissement avec le cumul de tous les rachats, sans interruption, n'éteint une dette que dans 36 années; l'expérience nous démontre d'une manière malheusement trop évidente que la durée de cette extinction est beaucoup trop longue, même pour compenser les charges nouvelles, que les circonstances extraordinaires imposent aux peuples.

Il ne dépend pas de notre volonté de maîtriser les événements; il faut bien nous y soumettre et les considérer tels qu'ils sont et non tels que nous les voudrions. Si nous devons tomber dans

un excès, celui d'une trop grande prévision nous sera certainement moins funeste. Par ce motif, je demande que les dotations primitives de chaque amortissement soient au moins de deux pour cent à ce taux il faudra encore vingt-cinq années pour l'extinction d'une dette.

En élevant ainsi les dotations de l'amortissement, nous rendrons plus difficile l'abus des emprunts. Plus les charges imposées au présent seront fortes, plus nous accordérons d'attention à l'examen des propositions qui nous seront faites; ce ne sera qu'après avoir réellement reconnu l'utilité d'une dépense, que nous autoriserons l'emprunt qui nous sera demandé. Cette seule considération est déjà un avantage, car il est bon que ceux qui gouvernent soient avertis par la difficulté même d'imposer au pays de nouvelles charges, que l'objet doit en être tel que la raison publique puisse les approuver, et soutenir les efforts qui sont nécessaires pour les supporter.

Il me reste encore à vous entretenir de l'article 2, dernière partie de ma proposition.

Cet article, que j'ai entièrement emprunté à la commission que vous aviez chargée d'examiner le projet de loi présenté le 22 novembre 1830, est relatif à la partie des forêts réservée à des établissements ecclésiastiques, par la loi du 25 mars 1817. Cette loi affecte à l'amortissement tous les bois de l'Etat, à l'exception d'une quantité nécessaire pour former un revenu de 4 millions de rentes en faveur des établissements ecclésiastiques.

Cette réserve, qui représente un capital de plus de 200 millions, est disponible aujourd'hui, et peut évidemment, sans inconvénient, être retirée de sa première destination. Le gouvernement peut se trouver placé dans des circonstances telles qu'il lui soit plus avantageux d'employer directement à des dépenses extraordinaires le produit de ces bois, que de chercher à s'en procurer l'équivalent par un emprunt. Il est donc utile d'en rendre la libre disposition à l'Etat. C'est ce que je propose de faire, sans rien changer au texte de la foi qui a affecté le surplus de nos forêts à l'universalité des créanciers du grand-livre.

Tels sont, Messieurs, les développements par lesquels j'ai cru pouvoir appuyer le projet de loi que j'ai l'honneur de vous proposer; j'espère qu'ils ne vous laisseront aucun doute sur la nécessité de tracer enfin à notre amortissement une marche régulière, et de constituer sur des principes qui garantissent à la fois les intérêts des contribuables et ceux des créanciers de l'Etat. C'est en agissant ainsi que nous asseoirons notre crédit sur des bases solides, et que nous pourrons, lorsque les circonstances nous y obligeront, nous adresser avec confiance à l'avenir, puisque les charges imposées seront toujours proportionnées aux moyens de libération.

M. Larabit (de sa place). Messieurs, la proposition de M. Gouin, en rendant à l'amortissement toutes les rentes rachetées, ajourne à un temps très éloigné, à 25 ans, d'après les termes de la proposition, le soulagement que nous espérions, l'année dernière, obtenir par des économies que nous n'avons pas obtenues, et que nous ne pouvons plus trouver aujourd'hui que dans l'annulation de la totalité ou d'une partie des rentes rachetées par l'amortissement.

D'après ces considérations, et le désir que nous avons tous de soulager la classe pauvre, en annulant une partie des rentes rachetées par l'a

mortissement, et sans toucher à la dotation primitive, je m'oppose à la prise en considération. (Appuyé.)

M. Gouin. Je regrette que le bruit qui a eu lieu pendant que je développais ma proposition ait empêché l'honorable préopinant d'en entendre la conclusion, et surtout ce qui est relatif à l'objet qui a motivé ces observations. Loin de demander que la totalité de l'amortissement soit consacrée au rachat des rentes, je viens proposer une mesure d'où doit résulter, ce me semble, un grand soulagement pour les contribuables. Dans 6 ans le budget sera dégrevé de 19 millions par l'annulation de 19 millions de rentes; dans 12 ans, une annulation de 44 millions de rentes produira un nouveau dégrèvement égal à cette somme, et ainsi de suite d'époque en époque.

Je crois que, de cette manière, on conciliera les intérêts du crédit de l'Etat avec les intérêts des contribuables. Si on annulait trop promptement la totalité des rentes rachetées, il en résulterait que vous produiriez peut-être un soulagement immédiat; puis, plus tard, il faudrait payer ce soulagement.

M. Laurence. Messieurs, je viens demander l'ajournement de la proposition qui vous est soumise par notre honorable collègue. Rappelez

à propos de l'annulation demandée d'abord en totalité, puis en partie, de rentes rachetées par l'action de la caisse d'amortissement depuis tablissement de la dotation de 40 millions.

par

Rappelez-vous combien cette question, soigneusement discutée pendant plusieurs jours dans la session dernière, occupa et partagea la Chambre. Elle avait d'autant plus de gravité que l'annulation de tout ou de partie des rentes rachetées aurait procuré et procurerait encore les moyens de modifier un certain nombre d'impôts contre lesquels le plus de réclamations se sont élevées, et même de supprimer en totalité quelques-uns de ces impôts.

L'objet de la proposition de M. Gouin est sans doute très bien saisi par vous; elle ne tend à autre chose qu'à répartir proportionnellement, entre les diverses natures de fonds qui composent la dette de l'Etat, la dotation telle qu'elle existe aujourd'hui, formée de la dotation primitive et de la totalité de rentes rachetées depuis.

En faisant opérer cette dotation accumulée et ainsi proportionnellement répartie, on arriverait, à raison de l'inégalité relative des fonds à éteindre, à une extinction progressive qui commencerait par de petites valeurs et finirait par de plus fortes.

On a pu ainsi prédire que dans 20 ans (et qui sait ce que nous serons dans 20 ans), on aurait procuré une réduction assez considérable dans les dépenses, et par conséquent dans les charges des contribuables.

Messieurs, cette question n'en fait qu'une avec le chapitre de la dette publique qui, comme vous le savez, est le premier chapitre du budget de l'Etat dont vous aurez à vous occuper dans quelques jours, du moins quant à l'examen, et que vous discuterez plus tard publiquement.

Je trouverai très bien que, dans le courant de cette discussion, et à propos de la demande qui sera sûrement réitérée de l'annulation de tout ou partie des rentes rachetées, se reproduise une proposition mixte qui sera conçue de manière à combiner les intentions de ceux qui

veulent tout maintenir avec les intentions de ceux qui veulent tout annuler.

Quant à présent, je crois que la Chambre perdrait son temps à s'occuper, par l'intermédiaire de sa commission, d'abord, et ensuite par elle-même, de la proposition de notre honorable collègue, dont la discussion sera beaucoup mieux placée au moment où l'on s'occupera de la dette publique en général. Je demande l'ajournement.

M. Humann, ministre des finances. La proposition a certainement un côté avantageux; je crois néanmoins qu'il ne convient pas que le gouvernement s'engage, dès à présent, dans un nouveau système. Si la Chambre le permet, je lui dirai en peu de mots quelles sont mes vues pour l'amortissement: on vous l'a dit, Messieurs, disposer des rentes rachetées, ce n'est pas faire une économie, c'est retarder l'action de l'amortissement, c'est ajourner indéfiniment l'époque de la libération.

Cette opération peut même devenir désastreuse en présence de la nécessité d'emprunter, et malheureusement nous y sommes encore. Si on ôte, dans ce cas, imprudemment à l'amortissement, on risque de perdre beaucoup plus sur les conditions des emprunts, que l'on ne gagne en faisant ressource des rentes rachetées.

Il y a, Messieurs, une économie à laquelle nous devons aspirer, c'est l'économie qui doit résulter de l'abaissement de l'intérêt de la rente 5 0/0. J'ai la conviction qu'une année de paix et de calme nous vaudrait ce bienfait. Nous le compromettrions si nous touchions brusquement à l'amortissement; mais une fois l'abaissement de l'intérêt de la rente 5 0/0 obtenu, la nécessité de faire des emprunts ayant disparu, ou étant du moins indéfiniment ajournée, nous aurons à rétablir la balance entre nos dépenses et nos recettes; et alors évidemment il sera plus sage de disposer, soit d'une portion, soit de la totalité des rentes, plutôt que de rester dans le système d'emprunter d'une part, et d'amortir de l'autre.

Dans l'état de paix, dans un état de choses ordinaire, il ne faut pas se dissimuler qu'il n'y a de véritable amortissement que l'excédent des recettes sur les dépenses; c'est à ce résultat qu'il faut aspirer. Vouloir engager la Chambre dès à présent à ne toucher à l'amortissement que dans 6 ans, ensuite dans 12, puis dans 19, ce serait embarrasser l'action du gouvernement, le gêner dans ses vues, dans ses projets.

M. Larabit (de sa place). J'appuie les observations de M. le ministre, je me permets seulement de répondre à une de ses assertions.

M. le ministre a dit que l'annulation d'une partie des rentes rachetées ne serait pas aujourd'hui une économie, cela est très vrai; mais ce serait toujours un grand soulagement, et c'est sous ce point de vue que nous devons la demander.

M. le Président. On a demandé l'ajournement de la proposition; aux termes du règlement, je mets l'ajournement aux voix.

(L'ajournement de la proposition est prononcé à la presque unanimité.)

M. le Président. Il n'y a plus rien à l'ordre du jour. Voici l'ordre du jour de demain:

A une heure précise, réunion dans les bureaux; nomination des commissions pour l'examen des propositions de MM. le général Demarçay et Devaux.

A deux heures, séance publique. Rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur les impôts et crédits provisoires pour le premier trimestre de 1833.

M. Saglio a la parole sur l'ordre du jour.

:

La Chambre se rappelle que nous avons dans les bureaux deux projets de loi dont la discussion a été ajournée la loi des comptes de 1829 et 1830, et le budget de 1833. On a ajourné cette discussion avec raison, parce qu'on ne sait pas combien il y aura de commissaires nommés et de quelle manière ils seront nommés.

Il me semble que, dans la réunion la plus prochaine des bureaux, on devrait commencer cette discussion, et après la discussion nommer les commissaires.

De cette manière, il n'y aurait pas de lacune dans les travaux de la Chambre. Je demande donc qu'on discute dans les bureaux, à la prochaine réunion, la loi des comptes de 1829.

M. le Président. Déjà dans plusieurs bureaux, et notamment dans celui dont je fais partie, on a nommé des commissaires pour la loi des comptes de 1829; j'engage donc les bureaux qui n'auraient pas nommé leurs commissaires à procéder à leur nomination.

M. Auguste Giraud. M. le Président a annoncé pour demain la nomination de deux commissions; l'une pour l'examen de la proposition de M. Demarçay, et l'autre relativement à la proposition de M. Devaux.

M. le garde des sceaux ayant annoncé la présentation d'un projet de loi sur la responsabilité des ministres et des agents du pouvoir, pour lundi, je demande qu'on ajourne la nomination de la commission relativement à la proposition de M. Devaux, jusqu'après la présentation du projet annoncé. (Adopté.)

(La séance est levée à quatre heures et demie.)

Ordre du jour du 5 décembre.

A une heure précise, réunion dans les bureaux. A deux heures, séance publique. Rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur les impôts et crédits provisoires pour le premier trimestre de 1833.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE De m. Étienne, vice-président. Séance du mercredi 5 décembre 1832.

Le procès-verbal de la séance du 4 est lu et adopté.

M. le Président. L'ordre du jour est le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi sur les impôts et crédits provisoires pour le premier trimestre de l'exercice 1833 (1).

(1) Cette commission est composée de MM. le baron Lepeletier d'Aunay, Odier, de Montepin, le baron Pavée de Vandeuvre, le baron Dupin, Baillot, Sapey, le comte d'Estourmel, le comte de Mosbourg.

M. le baron Lepeletier d'Aunay, rapporteur. Messieurs, une fois encore, des douzièmes provisoires vous sont demandés, sera-ce la dernière? Les contribuables le désirent, l'ordre dans les finances et l'exercice complet de votre intervention dans le règlement des recettes et dépenses publiques le nécessitent. Le gouvernement vous en a manifesté l'intention, et, dans votre adresse au roi, vous avez émis le vœu de sortir du provisoire qui embarrasse et complique la perception de l'impôt. Ce concours de volontés ne saurait demeurer impuissant. Il rendra à l'action constitutionnelle de la Chambre toute sa force pour assurer à nos finances une marche progressive vers l'économie.

Le vote simultané des impôts directs de 1833 et de l'autorisation de percevoir les trois premiers douzièmes, sur les rôles de 1832, vous est présenté par M. le ministre des finances, comme un acheminement vers la sortie du provisoire. Déjà ce moyen avait été conseillé par une de Vos commissions: à ces deux titres, il mérite un sérieux examen.

Mais la proposition faite pour hâter la sortie du provisoire, laissant encore subsister le plus grand des inconvénients, celui de ne discuter les dépenses qu'alors qu'elles sont en cours d'exécution, nous avons demandé à M. le ministre des finances qui s'était rendu à la commission, de vouloir bien, devant elle, complèter sa pensée sur les moyens de rétablir l'ordre régulier dans la présentation de la loi des finances.

M. le ministre nous a fait connaître qu'il serait en mesure de présenter au mois de mars prochain le budget de 1834, qu'il aurait alors réuni tous les documents qui lui sont nécessaires pour établir un budget de paix, dans lequel les dépenses ordinaires seraient équilibrées avec les revenus ordinaires, se réservant de présenter les dépenses extraordinaires, s'il doit y en avoir en 1834, à une époque plus rapprochée de celle où elles doivent s'effectuer, ce qui appellera un contrôle plus efficace de la part des Chambres, et demeure sans inconvénients pour le règlement des recettes, puisque c'est au crédit qu'elles doivent être demandées.

M. le ministre des finances vous annonce dans son exposé des motifs, que si son projet de loi est admis, les rôles de 1833 pourront être mis en recouvrement au mois de mai prochain. C'est donc quatre mois qu'il faut à l'administration pour les travaux préparatoires qui suivent la promulgation de la loi et précèdent la mise en recouvrement des rôles; et si l'année dans laquelle nous allons entrer doit, comme nous l'espérons, recevoir le vote des budgets de 1833 et 1834, un même laps de temps sera nécessaire et devra être employé dans la même année, pour préparer la mise en recouvrement des rôles de 1833. En un mot, il faut huit mois pour les opérations qui conduisent à établir l'assiette individuelle de l'impôt direct de deux années.

La France fut en 1822 dans une situation semblable à celle où elle se trouve actuellement. Le pays, les Chambres et le gouvernement voulaient sortir du provisoire qui durait depuis plusieurs années. Deux sessions des Chambres eurent lieu dans la même année. Les budgets de 1822 et 1823 furent votés à des dis'ances rapprochées; mais les conseils généraux, les conseils d'arrondissement et les répartiteurs ne furent convoqués qu'une fois; par suite, un seul répartement des impôts de 1822 qui s'effectuèrent sur les rôles de 1821.

Cependant, donner à une répartition un effet plus long que le laps de temps pour lequel elle a été opérée, c'est prolonger arbitrairement la durée des surcharges qui ont pu être le résultat de cette répartition, et qu'une nouvelle opération eût probablement fait disparaître. Cet inconvénient est bien plus grave lorsqu'il se présente au moment qui suit immédiatemeut celui où de nouvelles bases admises pour le répartement et pour l'assiette de quelques impôts, ont apporté de notables changements dans les contingents des arrondissements et des communes.

Les conseils généraux réglèrent aussi dans une même session, les budgets de deux années, mais leur action ne s'exerça réellement que sur les dépenses de 1823. Ils ne pouvaient pas, au mois de septembre où ils furent réunis, avoir quelque action sur le règlement des dépenses de l'année. Il est évident que la proposition de convoquer les conseils généraux et les conseils d'arrondissement assez à temps pour opérer sur les impôts de 1833, un répartement qui fasse droit aux réclamations justes qu'aurait pu amener celui fait pour les impôts de 1832; et assez à temps pour que leur intervention dans le règlement des dépenses départementales produise ses effets, est de beaucoup préférable au système admis en 1822. Mais ces avantages, qui nous paraissent démontrés, seraient-ils achetés par des sacrifices d'une autre nature qui résulteraient du règlement des produits demandés aux impôts directs de 1833, avant de s'occuper d'établir le budget des dépenses et des recettes de l'année ? Votre commission s'est livrée à cet examen avec tout le zèle que vous aviez le droit d'attendre d'elle.

Elle s'est demandé si ce vote simultané des impôts directs d'une année et de la perception de douzièmes provisoires, sur les rôles de l'année précédente, amène un fâcheux précédent dont on abuserait en d'autres temps ? S'il retarde le moment où des modifications pourront être apportées aux contingents des départements ou à l'assiette de quelques-uns des impôts directs? S'il fait perdre à la Chambre l'exercice du droit qu'elle a de régler la part des impôts directs, soit suivant l'étendue des dépenses admises, soit suivant la part qu'elle veut donner aux impôts indirects. Si elle sera privée d'opérer un dégrèvement sur l'impôt qui lui paraîtrait le plus surchargé en les comparant tous entre eux. Telles sont les principales objections que nous nous sommes faites.

Le précédent dont on redoute les conséquences n'est pas créé par la proposition actuelle, mais bien par la loi de 18 avril 1831. La circonstance extraordinaire de la perception de 30 centimes additionnels au principal de l'impôt foncier, cette déviation aux principes suivis précédemment. Elle n'eut alors aucun inconvénient. Personne n'a supposé qu'elle pût en avoir davantage aujourd'hui. Seulement, on redoute d'ouvrir des voies où, par la suite, un ministère entrerait pour attenter aux droits de la Chambre, en morcelant, pour annuler son action, les recettes ou les dépenses d'un budget. Mais, pour y parvenir, il faudrait supposer aussi des Chambres disposées à sacrifier les intérêts des contribuables, à méconnaître leur premier devoir. Si jamais nos neveux devaient être témoins de telles iniquités, le vote de cette année, qui aurait renouvelé celui de 1831, ne saurait en avoir la responsabilité.

Ce sont les faits qu'il convient de consulter, pour apprécier l'appréhension si naturelle qui pourrait naître dans quelques esprits de se trou

ver par le vote actuel des contributions directes, mis hors d'état, pour assez longtemps, d'apporter à la législation et au répartement qui les concernent, les modifications réclamées.

Ces modifications portent sur deux impôts, le mobilier et les portes et fenêtres. L'un et l'autre de ces impôts viennent d'être successivement, et en peu de temps, l'objet de plus d'un essai. La loi du 21 avril dernier, en faisant succéder des dispositions nouvelles à celles contenues dans la loi du 26 mars 1831, qui avait amené tant de plaintes, prévit bien qu'elle n'atteindrait pas encore le but qu'elle se proposait, d'une égale répartition et d'une assiette équitable; elle pensa que le temps seul pouvait amener ce double résultat.

Son article 31 porte qu'il sera soumis aux Chambres dans la session de 1834 et ensuite, de 5 ans en 5 ans, un nouveau projet de répartement, tant de la contribution personnelle et mobilière, que de la contribution des portes et fenêtres. Ce ne fut pas sans motif que la session de 1834 fut préférée à celle de 1833. On pensa alors que les conseils répartiteurs de l'impôt si bien placés pour faire ressortir les difficultés d'asseoir des contingents lorsqu'ils sont disproportionnés avec les matières imposables, et pour indiquer les modifications utiles à introduire dans les bases admises pour la répartition ou l'assiette individuelle de l'impôt; on pensa, dis-je, qu'ils ne pourraient utilement donner les renseignements attendus d'eux, que dans la session qui suivrait immédiatement l'année pendant laquelle les rôles mis en recrouvrement auraient reçu l'application des dispositions de la loi du 21 avril 1832. Les délibérations de ces conseils formeront une véritable enquête sur les faits, par les hommes les plus experts en cette matière. Les motifs qui décidèrent la Chambre, l'année dernière, sont tout puissants pour faire reconnaître aujourd'hui comme alors, que ce n'est pas dans la session de 1833 que des modifications peuvent être apportées, soit au répartement, entre les départements des impôts mobiliers et des portes et fenêtres, soit à la législation sur l'assiette de ces impôts.

Quelques-unes de ses appréhensions pourraient peut-être se retrouver pour le règlement de la part que les impôts directs doivent prendre dans les revenus de l'Etat; mais encore ici il faut consulter les faits. Les impôts directs figurent dans les recettes générales de l'année 1831 pour 367,106,740 francs, non compris les 30 centimes imposés pour ressources extraordinaires. Ces impôts ont supporté, en outre, les perceptions pour les chemins vicinaux établis par des rôles spéciaux. Aussi aucune objection n'est faite sur la faiblesse de cette part, et si de sérieuses observations se présentent relativement à l'élévation du principal assigné à quelques-uns des impôts directs, comment y faire droit en l'absence des éléments attendus pour connaître l'étendue des surcharges énoncées ?

Quels que soient, cette année, les effets des principes d'une sage économie, ils ne feront pas naître, malheureusement, la chance d'un dégrèvement d'impôts. Les dépenses extraordinaires que les circonstances nécessitent et qui laissent au budget de 1833, présenté par M. le ministre des finances, un déficit de bien des millions demandés au crédit, sont un gouffre qui absorbera toutes ces économies.

Cet examen fait, votre commission s'est demandé alors si le vote simultané du règlement

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