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M. le Président. La Chambre a adopté. M. le Président. La Chambre se réunira lundi li en séance publique pour nommer la commission chargée de l'examen du projet de loi sur la police du roulage et des voitures publiques, et ouvrira la discussion sur la proposition dont elle a entendu aujourd'hui le développement.

Je lui proposerai d'entendre aussi l'éloge de M. le baron Cuvier, qu'une indisposition m'a empêché de lire mercredi.

La séance est levée à trois heures et demie.)

Ordre du jour du lundi 17 décembre.

La Chambre se réunira à deux heures.

1° Discussion ou nomination d'une commission pour l'examen du projet de loi relatif à la police du roulage.

2o Nomination d'une commission pour l'examen de la proposition faite par un pair, relativement au régime des biens communaux.

M. le président lira dans cette séance l'Eloge funèbre de M. le baron Cuvier.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. DE SCHONEN, VICE-PRÉSIDENT.
Séance du vendredi 14 décembre 1832.

La séance est ouverte à deux heures.
Le procès-verbal est lu et adopté.

M. le Président. L'ordre du jour appelle le rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi relatif au terme de prescription des dépôts d'argent faits aux caisses des postes, pour être remis à destination.

M. Benjamin Delessert a la parole.

M. Bonnefonds. Je demande à faire à la Chambre un rapport sur une vérification de pouvoirs.

M. le Président. M. Bonnefonds a la parole pour une vérification de pouvoirs.

M. Bonnefonds, rapporteur, propose à la Chambre l'admission de M. Alexandre Garraube, nommé par le 4 collège électoral de la Dordogne. Il résulte de l'examen de toutes les pièces que les opérations ont été parfaitement régulières et que M. Garraube réunit toutes les conditions d'éligibilité.

M. le Président. Il n'y a pas de réclamation, M. Alexandre Garraube est proclamé membre de la Chambre des députés.

(L'honorable membre prête le serment.)

(M. Benjamin Delessert est appelé à la tribune pour un rapport sur le projet de loi relatif au terme de prescription des dépôts d'argent faits aux caisses des postes, pour être remis tion.)

destina

M. Benjamin Delessert, rapporteur. Messieurs, la loi relative aux dépôts faits à la poste et non réclamés, que vous avez renvoyée à l'examen d'une commission, n'est pas nouvelle; elle faisait partie de la loi des comptes de 1829, que Vous aviez adoptée l'année dernière. Mais la Chambre des pairs, ayant trouvé que l'article qui faisait mention de ces dépôts ne devait pas être compris dans la loi des comptes, avait rejeté cette

disposition de la loi, qui, ainsi amendée, ne put, faute de temps, être examinée de nouveau dans senté cette année par le gouvernement, et il en a fait l'objet d'une loi séparée.

Votre commission l'a examinée avec soin: elle a pour but de déclarer que les sommes versées aux caisses des postes pour être remises à destination et qui ne seraient pas réclamées dans l'espace de 5 ans seront définitivement acquises à l'Etat.

Nous avons pensé que le principe de cette disposition commandée par un intérêt administratif et dans un but d'ordre, devait être adopté, mais que le terme de prescription de 5 ans était trop rapproché, et que cette espèce de confiscation ne devait étre prononcée qu'à un terme plus éloigné. Votre commission a été d'autant plus disposée à le reculer, que les personnes qui emploient la voie de la poste pour faire passer des fonds ou des secours, soit à leurs enfants, leurs parents ou leurs amis, sont pour la plupart peu fortunés; que ces envois intéressent principalement des militaires et des pères de famille pour qui la perte de sommes, toutes modiques qu'elles sont, serait très sensible.

Vous en serez convaincus, Messieurs, lorsque vous saurez que les envois de fonds faits par la poste montent chaque année à environ 13 millions qui sont représentés par 500,000 articles, ce qui donne la somme de 26 francs pour moyenne de chaque envoi. Le droit de transport exigé par le gouvernement étant de 5 0/0 produit une recette annuelle de 65,000 francs.

Qu'il nous soit permis, à cette occasion, d'émettre le vœu de voir diminuer, par la suite, les frais de ces transports d'espèces, qui montent au vingtième de la somme envoyée; il est pénible de penser que l'Etat fait payer 5 0/0 aux militaires et aux classes peu aisées de la société, tandis que les frais de transport de sommes plus fortes ne coûtent, par les moyens ordinaires du commerce et de la banque, que 1/2 à 4 0/0.

Nous croyons qu'il serait d'autant plus juste de réduire ces frais, que depuis quelques années la poste remplace le transport matériel des espèces par des moyens plus sûrs et plus économiques; d'ailleurs, si les frais étaient diminués, on emploierait plus souvent la poste, et ses bénéfices en seraient plus considérables.

Nous espérons, Messieurs, que vous excuserez cette digression, et que vous ne trouverez pas déplacé que nous nous entretenions des intérêts d'une classe nombreuse et intéressante de la société.

Pour en revenir à l'objet de notre rapport, nous nous sommes fait représenter le tableau des sommes non réclamées, à la poste, jusqu'au 31 décembre 1831, et divisé par exercice. Ce tableau sera imprimé à la suite du présent rapport; en voici le relevé:

Les articles anciens restant à réclamer, depuis 1789 jusqu'en 1817, montaient, au 31 décembre 1830, à 113,950 francs, sur lesquels il n'a été réclamé, en 1832, que 89 francs.

Les articles restant à réclamer depuis 1817 jusques et y compris 1830 montaient, à la même époque, à 135,548 francs, sur lesquels il n'a été réclamé que 2,767 francs.

Les articles de l'exercice 1831 non réclamés le 31 décembre 1832 montaient à 634,494 francs. Mais les payements effectués par les directeurs des postes sur cette dernière somme, pendant la première dizaine de l'année suivante, la réduisent

de cinq sixièmes, et elle se trouve successivement diminuée par les payements journaliers, de manière qu'après la seconde année elle est réduite à 15 où 18,000 francs environ.

Il résulte de ce tableau qu'au bout de 3 ans les sommes non réclamées montent à près de 10,000 fr. par année, sur lesquels il n'est redemandé que 400 francs environ, et seulement 50 francs au bout de 6 ans.

La commission avait d'abord été d'avis qu'il y aurait quelque avantage à faire verser au bout de 3 ans les fonds non réclamés à la caisse des dépôts et consignations, qui a d'autres dépôts de ce genre; elle aurait été chargée de faire droit aux réclamations pendant encore 5 années. Les intérêts de ces fonds, ainsi que les sommes définitivement non réclamées, auraient augmenté les bénéfices de cette caisse, qui font partie des recettes de l'Etat.

Mais le peu d'importance de ces sommes, qui sont réduites à 10,000 francs par année au bout de 3 ans, et les difficultés que les parties intéressées éprouveraient à faire reconnaître leurs droits, nous ont fait penser qu'il valait mieux en laisser le soin à la même administration, celle des postes; d'autant plus que les fonds étant déposés dans les caisses du Trésor, et faisant partie de son actif, la jouissance de ces fonds qui montent à près de 800,000 francs tourne également au profit de l'Etat.

La commission croit, en conséquence, qu'il suffirait de porter à 8 ans au lieu de 5 ans le terme des réclamations, et que ce délai serait suffisant pour faire droit à toutes les demandes, même de la part des destinataires résidant hors du territoire européen, puisque le tableau qui sera mis sous vos yeux prouve qu'au bout de ce terme les réclamations ne montent pas à plus de 50 francs par an.

La commission vous propose, en outre, d'ordonner par un article supplémentaire que le texte de la loi soumise à votre approbation, et qui prononce déchéance au bout de 8 années, sera imprimé sur les récépissés délivrés par les bureaux de poste. Cette disposition n'a pas besoin d'être longuement motivée; il est nécessaire que le public sache d'une manière positive, en déposant son argent, quels sont les engagements que l'administration contracte envers lui.

Telles sont, Messieurs, les propositions que la commission m'a chargé de vous soumettre, et qui consistent à étendre à 8 années au lieu de 5 le terme passé lequel on ne pourra plus réclamer, et à instruire le public de cette disposition.

La commission pense aussi que dans le titre de la loi le mot déchéance doit être substitué celui de prescription, parce qu'il présente une plus grande extension, qu'il ne souffre aucune exception, et permet de repousser d'une manière absolue et définitive toute espèce de réclamation.

PROJET AMENDÉ PAR LA COMMISSION.

Loi concernant le terme de la déchéance des dépôts d'argent faits aux caisses des postes pour être remis à destination.

Art. 1er. Seront définitivement acquises à l'état les sommes versées aux caisses des agents des postes pour être remises à destination, et dont le remboursement n'aura pas été réclamé par les ayants-droit dans un délai de 8 années, à partir du jour du versement des fonds.

Les délais pour les versements faits antérieurement au 1er janvier 1833 courront à partir de cette dernière époque.

Art. 2. Les dispositions ci-dessus seront insérées dans les récépissés délivrés au public par les bureaux des postes.

M. le Président. Le rapport sera imprimé et distribué.

La Chambre veut-elle fixer à lundi l'ouverture de la discussion? (Oui! oui!) La discussion est ainsi fixée.

La parole est à M. Harlé fils, pour donner lecture d'une proposition.

M. Harlé fils. Messieurs, j'ai l'honneur de proposer à la Chambre la proposition suivante :

Projet de loi sur la négociation des effets publics.

Art. 1er. Dans le délai de deux mois, à compter de la promulgation de la présente loi, il sera établi à Paris une caisse de dépôts pour recevoir spécialement les effets publics à vendre et les sommes destinées à les acheter.

Cette caisse sera sous la responsabilité du ministre des finances.

Art. 2. Le caissier délivrera aux déposants un récépissé en double expédition, dont une sera par eux remise à l'agent de change de leur choix pour consommer la vente et l'achat.

Le caissier remettra directement l'inscription à l'acheteur et le prix au vendeur.

Art. 3. Les marchés réels à terme sont réputés opération licite.

Leur réalité dépend de la remise à la caisse de dépôts, savoir: par les vendeurs, des titres négociables, et par les acheteurs, des prix approximatifs de l'achat.

Art. 4. L'agent de change qui, pour son compte ou pour le compte d'autrui, fera des marchés à terme fictifs se rendra coupable du délit d'agiotage, et sera justiciable du tribunal de police correctionnelle.

Ce tribunal prononcera contre le délinquant la peine de la suspension pendant 2 ans au moins et 5 ans au plus.

En cas de récidive, l'agent de change sera destitué, et privé pendant 5 ans au moins et 10 ans au plus des droits mentionnés en l'article 42 du Code pénal.

Dans l'un ou l'autre cas, il sera passible d'une amende égale à la moitié de la restitution et des dommages aux parties civiles.

Les parties civiles auront le droit de faire vendre la charge judiciairement.

Toutefois l'adjudication ne sera réputée définitive que lorsque l'adjudicataire aura obtenu l'investiture du ministre des finances.

Elles auront privilège sur le prix de la vente et sur le cautionnement, pour le montant des condamnations prononcées à leur profit.

Art. 5. Dans le cas d'emprunt par l'Etat, les adjudicataires pourront créer et négocier des promesses d'inscription, et les agents de change prêteront leur ministère à la négociation de ces valeurs, sans qu'il soit nécessaire de remplir les formalités prescrites par les articles 1 et 2.

Le visa du Trésor sera apposé sur lesdites promesses pour la garantie des tiers, et dans les formes que déterminera l'ordonnance royale d'exécution.

Art. 6. Une ordonnance royale organisera la caisse de dépôts créée par l'article premier, ré

glera le mode des transferts, et le prélèvement | sion, la Chambre résolut de déposer en quelque du courtage des agents de change.

La même ordonnance déterminera la forme des promesses d'inscription, et désignera les effets publics français et étrangers, et les actions des sociétés anonymes, qui peuvent être cotés à la Bourse.

Art. 7. Toutes dispositions contraires à la présente loi demeureront abrogées.

J'ai l'honneur de proposer à la Chambre de présenter les développements de ma proposition lundi prochain. (Adopté.)

M. le Président. Il n'y a plus rien à l'ordre du jour, je vais donner lecture de l'ordre du jour de demain. J'appellerai spécialement l'attention de la Chambre sur le règlement des comptes de 1830. J'invite les bureaux à nommer dans la journée de demain leurs commissaires.

(La séance est levée à deux heures et demie.)

Ordre du jour du samedi 15 décembre.

A midi précis, réunion dans les bureaux.
A deux heures, séance publique.
Lecture d'une proposition.

Rapport de la commission des pétitions (feuilleton n° 17).

Discussion du projet de loi relatif au monument à ériger sur la place de la Bastille, à la mémoire des citoyens morts dans les journées des 27, 28 et 29 juillet 1830.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. ÉTIENNE, VICE-PRÉSIDENT.

Séance du samedi 15 décembre 1832.

La séance est ouverte à deux heures et quart. Le procès-verbal est lu et adopté.

M. Portalis a la parole pour la lecture d'une proposition relative au deuil du 14 janvier.

M. Portalis. Messieurs, je propose à la Chambre la suppression de la loi du 19 janvier 1816, qui a décrété un service funèbre en mémoire dé la mort de Louis XVI; c'est une proposition que je crois digne de l'examen de la Chambre, en ce qu'elle touche à l'honneur national et à l'appréciation politique d'un des faits les plus importants de notre première Révolution.

Voici le texte de cette proposition :

« La loi du 19 janvier 1816, relative au deuil du 21 janvier, est abrogée.

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Si la Chambre y consent, j'aurai l'honneur de lui présenter mes développements lundi, après la proposition de M. Harlé fils. (Adopté.)

M. le Président. La parole est à M. Viguier pour un rapport de pétition.

M. Vigier, rapporteur. Le sieur Le Payen, propriétaire électeur, domicilié à Jouy-aux-Arches département de la Moselle, demande l'abolition absolue de la peine de mort.

En s'adressant à la Chambre pour la prier de faire disparaître de nos Codes la peine de mort sans aucune espèce de restriction, le pétitionnaire n'appuie cependant sa demande que par des considérations tirées exclusivement de l'ordre politique En 1830, une proposition d'un de nos honorables collègues souleva cette grande question. Après une longue et solennelle discus

sorte, pour le moment, son initiative à cet égard entre les mains du gouvernement. Depuis, elle a discuté et voté d'importantes modifications au Code pénal; et quoiqu'elle ait dans plusieurs cas restreint l'emploi d'un châtiment auquel la société ne peut et ne doit recourir qu'à regret, cependant elle a maintenu la peine de mort.

La faculté donnée au jury de graduer les peines par la déclaration des circonstances atténuantes amènera peut-être peu à peu, et sans secousse, un résultat qui ne pourrait être obtenu aujourd'hui sans bouleverser tout l'ensemble de notre législation pénale.

Votre commission me charge donc de vous proposer de passer à l'ordre du jour sur la pétition du sieur Le Payen.

M. de Tracy. Je m'oppose à l'ordre du jour, et je demande le renvoi à M. le garde des sceaux. M. le Président. La commission persiste-t-elle dans ses conclusions?

M. Vigier, rapporteur. Aucuns des membres de la commission ne se trouvant présents, je ne puis les consulter; quant à moi personnellement, je ne m'oppose pas au renvoi demandé.

M. de Tracy. Messieurs, votre commission vous a proposé de passer à l'ordre du jour sur cette pétition. J'ai demandé le renvoi à M. le garde des sceaux; si la commission admet ma demande et renonce à nous proposer l'ordre du jour, je ne persisterai pas; dans le cas contraire, je demande à développer mes motifs.

Voix diverses: Il n'y a pas d'opposition. D'autres voix : L'ordre du jour! (Bruits divers). M. de Tracy. En demandant le renvoi à M. le garde des sceaux, je ne dissimulerai pas à la Chambre que je n'entends pas que ce renvoi soit une simple formalité, une espèce de satisfaction donnée au pétitionnaire, sans qu'elle tire à conséquence. Je demande le renvoi à M. le garde des sceaux afin qu'il veuille bien s'occuper des conséquences de cette pétition, et des engagements pris en 1830 sur cette grande question. Personne, en effet, n'a dû oublier quels engagements solennels le gouvernement prit à cette époque. Il serait étrange que ces promesses ne fussent pas tenues. Tout le monde se rappelle les circonstances dans lesquelles elles furent faites, et c'est dans ce but précis que j'insiste pour le renvoi, afin qu'on puisse appliquer à notre législation pénale un principe qui avait été accordé.

M. Fulchiron. Comme membre de la commission des pétitions, je viens demander que l'ordre du jour soit adopté. Nos motifs ont été très simples. Il n'y a pas un an encore qu'on a réformé le Code pénal. Nous avons pensé qu'il ne fallait pas renverser de fond en comble tous les ans la législation; nous avons cru qu'il fallait attendre l'expérience. Nous désirons tous des adoucissements dans les peines; mais nous ne pensons pas qu'ils doivent avoir lieu avec une progression trop rapide. Tels sont les motifs qui me font persister dans la demande de l'ordre du jour.

M. Emmanuel Poulle. Ce n'est pas renverser le Code pénal.

M. de Tracy. La question se trouve maintenant posée d'une manière claire, qui nécessite une réponse. On vous propose l'ordre du jour pour repousser explicitement le principe qui fait

l'objet de cette pétition. C'est une raison pour moi d'insister pour le renvoi à M. le garde des

sceaux.

Je viens vous rappeler la célèbre discussion de 1830, à l'occasion de la proposition que j'avais faite deux mois avant cette discussion. Vous n'avez peut-être pas oublié quels efforts je fis à cette époque pour manifester la proposition dans ses termes généraux, et qu'on voulait restreindre à un cas particulier, malgré mes représentations instantes. Je prévoyais alors ce qui est arrivé, c'est-à-dire que les promesses données n'aboutiraient à rien; et cet exemple trop célèbre m'a convaincu que je ne m'étais pas trompé. L'époque à laquelle je fis cette proposition est loin de nous; dans ce moment, tout était facile; les esprits et les cœurs étaient ouverts à la lumière de la raison et à la voix de l'humanité. Les choses ont changé; je le reconnais avec tristesse, comme on reconnaît toujours qu'on a été déçu dans ses espérances. Cependant il y a eu progrès réel, incontestable. Maintenant l'échafaud fait le dégoût, l'homicide légal est repoussé; des idées autrefois spéculatives ont pénétré dans nos mœurs. Il est temps de reconnaître cette voix puissante qui repousse un usage légué par les temps barbares. Ne craignons pas de livrer à la méditation des magistrats et des publicistes ce grand principe dont l'application est réclamée par la civilisation de notre époque; que ces hommes y consacrent leurs veilles, et je puis leur assurer que leur temps sera mieux employé, qu'ils travailleront plus efficacement à la prospérité et à la sécurité de tous en abolissant les échafauds qui existent encore, qu'en allant fouiller dans les codes pour y trouver l'occasion d'en élever de nouveaux.

Tels sont les motifs pour lesquels je demande le renvoi à M. le garde des sceaux. Je prie la Chambre de considérer que cette question est d'une haute importance; et si je n'ai pas reproduit cette proposition, ce que je regrette, je n'en persiste pas moins dans l'opinion qui me fait penser que c'eût été la conquête la plus utile, la plus méinorable qui eût signalé la Révolution de Juillet.

M. Dugas-Montbel. Je ne m'oppose pas au renvoi à M. le garde des sceaux; mais je me souviens fort bien que, à l'occasion de la célèbre discussion que vient de rappeler notre honorable collègue M. de Tracy, M. Dupont (de l'Eure), qui était alors garde des sceaux, nous fit la promesse solennelle qu'il allait s'occuper de former une commission qui serait chargée d'examiner cette matière. Il est clair que la commission, en proposant l'ordre du jour, n'a rien voulu préjuger. En demandant le renvoi au garde des sceaux, on ne veut faire autre chose (du moins mon intention ne va pas plus loin) que d'engager le garde des sceaux actuel à s'informer à quel point son prédécesseur a laissé la question.

M. Viennet. Mais M. le garde des sceaux actuel a présenté le résultat de son travail, puisque nous avons déjà voté des modifications au Code pénal.

M. Emmanuel de Las-Cases. Il ne peut rien y ajouter.

M. Dugas-Montbel. Je crois que dans la discussion de la loi modificative du Code pénal, la question de la peine de mort n'a pas été discutée. (Si ! si !)

M. Fulchiron. Il y a eu abaissement de la

peine pour beaucoup de cas. Ainsi, la peine de mort a été convertie en celle des travaux forcés dans un très grand nombre de cas.

C'est là la considération qui a complètement déterminé la commission; car c'est dans ce sens qu'elle a adopté l'ordre du jour à l'unanimité : elle a cru qu'il ne fallait pas toujours remuer notre Code pénal; mais qu'il fallait attendre les leçons de l'expérience.

M. Dugas-Montbel. Je n'en persiste pas moins à demander le renvoi au garde des

Sceaux.

M. le Président. M. le général Lafayette a la parole. (Mouvement d'attention.)

M. le général Lafayette. C'est avec beaucoup de satisfaction que j'avais vu un assentiment général se manifester dans la Chambre, lorsqu'on a proposé le renvoi à M. le garde des sceaux. L'ordre du jour semble être une désapprobation du væeu que nous formons. Le renvoi au garde des sceaux signifie seulement que nous souhaitons qu'il y ait des moyens d'abolir la peine de mort. Or, j'ai appuyé mon honorable ami M. de Tracy dans toutes les occasions où il demande cette abolition; je viens l'appuyer encore, m'en rapportant à la conscience et aux sentiments de la Chambre dans cette grande question. (Très bien ! très bien !)

M. Dulong (de sa place). Je demande à dire un mot. (Aux voix ! aux voix !)

M. le général Lafayette. Un honorable préopinant vient de parler de la promesse qui aurait été faite par M. Dupont (de l'Eure) de faire examiner la question relative à la peine de mort. Vous savez fort bien, Messieurs, qu'effectivement la revision de toute la législation pénale a eu lieu et a été commencée sous le ministère de M. Dupont (de l'Eure); mais si, quand il a cessé de faire partie du ministère, une autre direction a été donnée à cet examen; si on n'a pas apporté une extrême attention... (Murmures au centre.), si du moins cet examen n'a pas été dirigé vers le même but, il ne faut pas s'en prendre à celui qui a fait les promesses de 1830, mais à ses suc

cesseurs.

M. Dumon. Le renvoi demandé a évidemment pour objet de provoquer un nouvel examen sur une question qui a été non seulement examinée par le ministère, mais résolue par la Chambre.

Lors de la revision du Code pénal, la question de la peine de mort a dù se présenter en premier lieu. Je dois déclarer ici, puisque j'avais l'honneur d'être rapporteur de la loi, que l'avis unanime de la magistrature a été : Que la peine de mort ne pouvait pas être effacée de nos codes. Nous avons cru faire assez et nous avons fait beaucoup en la supprimant dans plusieurs cas; et sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans un grand détail devant la Chambre, je crois pouvoir rappeler qu'elle l'a été dans des cas très importants, notamment pour la fausse monnaie et pour l'infanticide.

Je rappellerai encore que, dans tous les cas, même dans les cas les plus graves, on a remis au jury un pouvoir discrétionnaire, dont la conséquence est souvent la suppression de la peine de mort.

Il a semblé à la Chambre que c'était faire autant que demandait l'humanité, autant surtout que permettait la sécurité publique. Ce serait donc intempestivement qu'on provoquerait un nouvel

examen sur la question; un premier examen a eu lieu, le résultat vous en a été sonmis, et vous l'avez adopté.

Je vote pour l'ordre du jour. (Aux voix! aux voix!)

M. de Tracy. Il est impossible de ne pas répondre à une assertion du préopinant.

J'ai besoin de rappeler à la Chambre les promesses solennelles qui ont été faites au mois d'octobre 1830. Il ne s'agissait pas seulement alors... (Bruit aux centres.)

Quelques moments de plus, Messieurs; la peine de mort existera toujours, soyez tranquilles ! (Nouvelles rumeurs.)

Quand pas une seule opinion ne s'est élevée pour le maintien de la peine capitale, quand les adversaires de ma proposition n'avaient que cette seule raison qu'ils ne croyaient pas possible sa suppression, je ne pouvais concevoir qu'on mit obstacle à ce qu'une pétition tendant, du moins suivant la prétention de son auteur, à lever les scrupules qui peuvent encore exister à cet égard, fût renvoyée à l'organe de la justice, à celui qui est chargé de la diriger dans son application, et de proposer les modifications à faire à la loi. Songez, Messieurs, que vous ne courez aucun risque de renvoyer au garde des sceaux l'expression du vœu d'un citoyen sur une mesure que la société réclame. (Mouvement dubitatif aux centres.)

Un membre: C'est là la question.

M. de Tracy. Mais enfin, quand vous ne croiriez pas, ce qui, pour moi, est une vérité incontestable, que l'opinion publique réclame cette amélioration dans notre législation pénale...

M. Dumon. La Chambre ne l'a pas réclamée. M. de Tracy. Le préopinant ne faisait point partie de la Chambre, à ce qu'il me paraît, à l'époque de 1830; sans cela, il serait plus réservé dans son assertion, et il pourrait se rappeler les superbes discours qui ont été prononcés à cette tribune par des magistrats, c'est-à-dire par ceux dont l'opinion est plus grave en pareille matière, non seulement sur la nécessité d'adoucir les pénalités de notre code, mais encore sur celle de l'abolition de la peine capitale dans les délits politiques. Cette question paraissait à cette époque résolue d'une manière affirmative.

Messieurs, il importe cependant d'avoir de la mémoire dans des questions de cette gravité; et je suis persuadé que, si les membres de cette Chambre se donnent la peine de relire les intéressants discours qui ont été faits alors, ils me rendront justice.

Dans tous les cas, quels inconvénients pourrait-il y avoir à transmettre au ministre de la la justíce le vœu d'un citoyen, qui est conforme à celui que vous avez tous exprimé ? C'est là toute la question.

J'appuie le renvoi de la pétition à M. le garde des sceaux.

M. Pataille. (Aux voix! aux voix!) Je n'ai qu'un mot à dire à la Chambre.

J'ai entendu l'honorable orateur qui descend de cette tribune invoquer l'opinion publique sur la question de la peine capitale, et je viens lui faire observer que c'est précisément la manifestation de l'opinion publique que la Chambre a provoquée par la dernière loi modificative du Code pénal. La Chambre a sagement pensé que, lorsqu'il s'agissait d'une si importante innovation, il ne fallait pas s'exposer à des regrets que

Vous ne manqueriez pas d'éprouver s'il vous était démontré tardivement que l'abolition de la peine capitale désarme la société, et entraîne des inconvénients auxquels il n'est pas possible de remédier.

Pour arriver à cette abolition, qui était dans ses vœux et dans ceux du pays, pour y arriver sans secousse et avec l'aide de l'expérience, la Chambre a décidé, par un article de la loi modificative du Code pénal, que, dans toutes les causes criminelles, la question des circonstances atténuantes serait posée au jury, à peine de nullité; et les jurés, en reconnaissant l'existence des circonstances atténuantes, abolissent par cela même la peine de mort dans des cas particuliers. Il ne faut pas se dissimuler que tous les jours, en répondant à la question qui leur est posée, les jurés examinent quel sera l'effet de leur réponse sur l'application de la peine. Ainsi, toutes les fois que l'opinion publique, représentée par le jury, est d'avis que la peine de mort ne doit pas exister, il n'y a aucun doute que les circonstances atténuantes seront adoptées.

En effet, nous l'avons vu par la pratique un grand nombre d'hommes déclarés coupables de crimes entraînant la peine de mort n'ont été condamnés, depuis que cette loi a été rendue, qu'à la peine immédiatement inférieure.

Il y a eu ainsi, en fait, un grand nombre de cas pour lesquels la peine de mort s'est trouvée abolie.

Elle ne reste plus dans nos codes que comme une espèce d'épouvantail, et elle ne peut plus être appliquée que dans le cas où l'expérience publique croirait nécessaire d'y revenir. Si, au contraire, on reconnait par la pratique qu'on peut la supprimer de fait sans inconvénient, nous éprouverons la satisfaction de l'abolir de droit. Mais ce n'est pas au moment où l'expérience commence qu'on peut prendre une résolution définitive; il faut attendre le résultat de cette expérience. Il n'y a donc aucun renvoi à ordonner. Je vote pour l'ordre du jour.

M. Vigier, rapporteur. La commission persiste dans ses conclusions.

(L'ordre du jour est mis aux voix et rejeté.) M. le Président. Il n'y a pas d'opposition au renvoi ?

Aux centres: Il faut le mettre aux voix!
Aux extrémités : Le renvoi est de droit!

Aux centres : Non! non!

M. Chamaraule. Il est évident que l'ordre du jour avant été rejeté, par cela seul le renvoi au garde des sceaux est adopté; car, si vous rejetiez le renvoi, il ne resterait rien de vos deux délibérations.

:

M. Charles Dupin. Il y a là une erreur manifeste comme l'ordre du jour est écarté, la question principale reste et doit être mise aux voix.

M. Charamaule. Vous ne pouvez pas annuler une délibération par une autre.

Les délibérations de la Chambre ne sont pas des choses vaines, et doivent nécessairement avoir un sens. Une pétition a été adressée à la Chambre; la commission a cru que la Chambre et le pouvoir ne devaient pas s'en occuper, elle a proposé de passer à l'ordre du jour.

Un de nos collègues a proposé le renvoi au garde des sceaux. La Chambré a décidé qu'il n'y

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