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avait pas lieu à prononcer l'ordre du jour; elle a donc résolu quelque chose.

Aux centres : Non! non!

M. Charamaule. Eh bien! la Chambre va délibérer sur le renvoi; si elle repousse le renvoi, que restera-t-il de ces deux délibérations? Je livre cette question à vos consciences.

M. le Président. Deux conclusions ont été présentées; j'ai dû mettre aux voix la première; la deuxième reste, et une proposition est faite; il est du devoir du président de la mettre aux voix. Je mets aux voix le renvoi proposé.

M. Pataille. Je propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. de Corcelles. On n'a pas le droit de faire de proposition entre deux épreuves.

Voix nombreuses au centre: Mais il n'y a pas eu d'épreuve. Le vote n'est pas commencé. (Rires et bruit.)

M. le Président. Je mets d'abord aux voix le renvoi au garde des sceaux.

(Le renvoi n'est pas adopté.) (Exclamations diverses.)

M. Junyen. Je demande qu'un autre rapport soit fait; la question n'est pas jugée.

M. Pataille. J'ai demandé le dépôt au bureau des renseignements.

(Le dépôt est mis aux voix et adopté.)

M. Vigier, rapporteur, continue:

Les sieur et dame Ragon, à Paris, pensionnaires de l'ancienne liste civile, demandent les arrérages de leur pension ou un secours.

Il est difficile de concevoir une position plus digne d'intérêt que celle des malheureux pétitionnaires qui sollicitent l'intervention de la Chambre, pour obtenir le payement des 500 francs d'arrérages qui leur sont dus sur une pension de 300 francs, concédée sous l'ancienne liste civile. Aujourd'hui octogénaire et paralytique, le sieur Ragon était jardinier au château de Meudon, le quatrième de père en fils.

Sa femme n'est guère moins âgée ni moins infirme que lui, et ces deux pauvres vieillards, sans ressources, même sans abri, se sont vainement adressés à la liste civile, dont vous avez séparé la caisse de vétérance.

Un projet devait vous être présenté à la fin de la session dernière, pour régler le sort des malheureux pensionnaires de cette caisse, pour hå ter soit une mesure définitive, soit une mesure provisoire qui, au moins, assure du pain à tant d'infortunés: votre commission vous propose de renvoyer au président du conseil des ministres la pétition des sieur et dame Ragon.

M. de Schonen. Messieurs, la position des pensionnaires de l'ancienne liste civile et de ceux qui appartiennent à la caisse de vétérance est digne de votre intérêt, et mérite de fixer toute l'attention et toute la bienveillance de la Chambre.

Le dernier acte de la session dernière a été un rapport qui vous a été soumis sur la caisse de vétérance.

Dans ce moment, le ministère s'occupe d'une manière extrêmement pressante de préparer les éléments d'une loi qui aura pour objet tout à la fois de satisfaire aux créances de l'ancienne liste civile, d'adoucir le sort des malheureux et trop intéressants pensionnaires, et en même temps d'assurer les droits de ceux qui avaient une pension sur la caisse de vétérance, pension qu'ils

se sont ménagée en subissant des retenues sur leurs traitements.

Je crois que je ne serai pas démenti par le ministère lorsque j'annoncerai qu'incessamment une loi vous sera présentée à cet égard; elle est extrêmement urgente, car il n'y a pas de besoins plus pressants que ceux des malheureux pensionnaires de la liste civile.

Voix nombreuses: Appuyé! appuyé!

M. Salverte. Messieurs, c'est à regret que je viens combattre une mesure qui semble dictée par l'humanité; mais avant d'être humain envers ceux auxquels on ne doit rien, il faut être juste envers ceux qui payent.

Si vous adoptez les principes qui ont été énoncés par l'honorable préopinant, vous semblez préjuger que la nation doit quelque chose ou aux pensionnaires de l'ancienne liste civile ou à ceux de la caisse de vétérance; et cependant elle ne doit rien, car elle n'a rien reçu.

On vous a dit que les pensions de la caisse de vétérance étaient fondées sur les retenues faites aux employés, cela est vrai; mais ces retenues ont-elles été versées dans les caisses de l'Etat? Non, Messieurs.

Je vous prie de vous rappeler ce que M. le ministre des finances nous a dit des besoins du Trésor, de l'immensité des impôts que nous serons appelés à voter, et qui ne suffiront pas puisqu'il faudra encore 166 millions de ressources extraordinaires.

En présence de pareilles obligations, il ne sied pas d'être généreux, il faut être juste et économe; il ne faut pas reconnaître dette de l'Etat ce qui ne l'a jamais été.

Je demande l'ordre du jour.
Quelques voix Appuyé!

M. de Schonen. Je suis aussi soucieux que l'honorable préopinant des intérêts qui se rattachent au Trésor de l'Etat; mais à une grande nation comme la France, il ne suffit pas d'être juste, il faut encore qu'elle soit généreuse. (Bruit.) I ne faut pas que le coup de foudre qui a renversé une dynastie parjure, retombe sur des malheureux sans défense, et vienne souiller une Révolution à jamais mémorable.

M. Lherbette et M. Laurence. Je demande la parole.

M. de Schonen. La caisse de vétérance a été fondée par l'empereur Napoléon; cette caisse s'alimentait des retenues prises à la fois sur le matériel de la liste civile et sur le personnel des employés.

Lorsque le ministère vous a présenté un premier projet sur la liste civile, et lorsqu'il vous a présenté sur ce même objet un second projet de loi que vous avez adopté, la caisse de vétérance était mise à la charge de la liste civile. Malheureusement, Messieurs, cette disposition bienveillante et tutélaire a succombé dans cette enceinte, malgré de très forts arguments, et malgré le discours très éloquent d'un membre de l'opposition.

Qu'a fait la Chambre? elle a refusé de mettre à la charge du nouveau règne ces sortes de pensions. Il en est résulté, en quelque sorte, que la Chambre a pris l'obligation d'examiner jusqu'à quel point les pensionnaires pouvaient avoir des droits, et de les indemniser sur le Trésor de l'Etat.

Voilà ce que le refus que vous avez fait d'admettre cette caisse de vétérance au rang des

charges de la nouvelle liste civile, produit aujourd'hui.

M. Lherbette. Il ne faut pas confondre les pensions sur l'ancienne liste civile avec celles sur la caisse de vétérance. Ce sont deux genres de pensions tout à fait distincts. L'honorable M. de Schonen a dit que, malgré d'éloquents discours, on n'avait pas jugé à propos de charger la nouvelle liste civile des pensions de la caisse de vétérance, et que, dès lors, on avait pris l'engagement, tacite du moins, d'en charger l'Etat.

Je ne crois pas que la conséquence soit exacte: votre intention n'a pas été de prendre un pareil engagement. Vous avez examiné alors quelle était la législation relative à la caisse de vétérance, et vous avez vu que les pensions accordées sur cette caisse ne devaient subsister qu'autant que les fonds formés par les retenues suffisaient pour le payement de ces pensions, et que les pensionnaires de la caisse de vétérance n'avaient à réclamer auprès de l'Etat que jusqu'à concurrence du montant de ces fonds. En refusant de mettre à la charge de la nouvelle liste civile les pensions de la caisse de vétérance, nous avons consacré le principe qui existait dans la loi, mais nous n'avons pas voulu charger le Trésor public.

L'honorable préopinant a fait un appel à la générosité nationale. Messieurs, n'oubliez pas que tout ce que, d'un côté, vous distribuez en largesses, il vous faut, de l'autre, le prélever en impôts. Alors ne vous demandez pas seulement : Les personnes qui profiteront des largesses sontelles malheureuses? demandez-vous encore : N'en est-il pas de plus malheureuses parmi celles sur lesquelles nous sommes obligés de faire peser l'impôt ?

Il faudrait connaître ensuite de quelles pensions de la caisse de vétérance on voudrait obérer l'Etat. Dans ces pensions il en est de justes; mais aussi combien sont seulement de faveur !

Je n'insisterai point ici sur des distinctions politiques. Loin de moi l'envie de rien dire qui puisse éveiller des haines, entretenir les animosités! Ce langage, je ne saurais pas plus le tenir que vous ne sauriez l'entendre.

Mais enfin, dans ces faveurs, ne s'en trouve-t-il pas d'accordées à des hommes, portés plutôt pour l'ancien ordre de choses que pour l'ordre actuel? Avant d'être généreux envers nos adversaires, avons-nous toujours été justes envers nos alliés, envers ceux qui ont servi la cause que nous servons nous-mêmes?

Messieurs, dans la session dernière vous avez alloué sans revision les pensions des anciens Vendéens; et ces pensions ont-elles servi à pacifier la Vendée, ou à payer les balles qui frappaient vos soldats et les patriotes de cette malheureuse contrée ? Pourquoi vos bienfaits anciens n'ont-ils pas produit plus d'effets ? Pourquoi vos bienfaits nouveaux n'en produiront-ils pas davantage? C'est qu'il est des partis avec lesquels on ne transige pas. Point de persécutions, elles sont aussi contraires à la saine politique qu'à l'humanité; mais aussi point de faveurs aveugles, qu'on prendrait pour des preuves de faiblesse, et dont on se ferait des armes contre vous.

Le principe de générosité invoqué par l'honorable préopinant demandait, je crois, ces observations.

Mais les pensionnaires de la caisse de vétérance ont des droits réels je me suis contenté d'en

indiquer la nature. Nous les examinerons en détail lors de la discussion de la loi. Bornonsnous, pour le moment, à ordonner le renvoi demandé.

M. Laurence. Messieurs, je viens appuyer le renvoi proposé par la commission, mais par d'autres motifs que ceux dont vous venez d'entendre le développement.

Avant de s'engager, je ne dirai pas dans une voie mauvaise, mais dans des précédents que plus tard on pourra invoquer devant la Chambre, il est utile de savoir en peu de mots quelle est l'importance des charges que l'Etat prend sur lui, et les moyens qu'il a dans ses mains pour y faire face.

Deux natures de pensions étaient autrefois à la charge de la liste civile: les premières portaient sur la caisse de vétérance proprement dite, et s'élevaient ou pouvaient s'élever, d'après la liquidation provisoire faite à la fin de la dernière session, à 12 ou 1,300,000 francs. Pour faire face à ces pensions, la caisse de vétérance avait délaissé une rente de 175,000 francs inscrite au grand-livre, rente, comme vous le voyez, infiniment inférieure aux charges.

Les pensionnaires de la caisse de vétérance sont de véritables créanciers; mais, comme on l'a très bien dit, des créanciers de la liste civile seulement. Les pensionnaires de la liste civile s'élèvent à un nombre extrêmement considérable, et la somme des pensions qui leur ont été accordées s'élève à 4 millions 750,000 francs. En sorte qu'en mettant à la charge du Trésor, d'après l'espèce de préjugé qu'on invoque, les pensions de l'ancienne liste civile, ce serait en réalité 6 millions qu'on ferait retomber annuellement sur le budget.

Ici il y a pourtant une remarque à faire, et la justice veut qu'on y fasse droit.

La liste civile de Charles X a été violemment brisée; l'existence de cet être de raison, qui eut quelques années de durée, a cessé par des événements qu'on peut appeler de force majeure.

Le domaine de la liste civile n'a pas pu, conformément aux lois qui régissaient la matière, se réunir au domaine de l'Etat; car il y aurait peut-être quelque rigueur, et selon moi il y en aurait beaucoup, à prétendre que les événements, dont assurément le proprietaire de la liste civile doit seul se reconnaître coupable et responsable, ont pu produire pour résultat d'attribuer à l'Etat des propriétés qui ne devaient lui revenir que par la mort naturelle.

Il existe donc dans le domaine de l'ancienne liste civile des valeurs assez considérables résultant de créances à recouvrer, d'objets précieux en assez grande quantité, de bâtiments construits, de terrains acquis, et d'augmentations faites à des domaines qui ont fait retour à l'Etat.

Selon l'équité, il est juste que l'Etat fasse compte de ces valeurs qui lui sont revenues, et que ceux qui se présentent comme créanciers de la liste civile, soit en capital, soit en pensions, reçoivent au moins le délaissement de toutes les valeurs que l'Etat n'a aucun droit de conserver. Il y a donc ici quelque chose à faire. J'ignore quel sera l'esprit qui présidera au projet de loi qu'une commission spéciale est chargée de préparer sur la liste civile; mais si je crois comprendre les dispositions qu'elle devra contenir, cette loi s'occupera d'abord de la liquidation de la liste civile. Elle établira son passif et son actif; elle examinera de quelles valeurs l'Etat profite

par suite de sa destruction, et elle s'efforcera d'asseoir dans une proportion convenable avec ce reliquat les obligations nouvelles qui seraient imposées à l'Etat.

Je ne m'explique pas sur les principes de détail, mais il est évident que dans l'état des choses il y a une loi à faire. La pétition sur laquelle la Chambre est appelée à statuer a pour objet de provoquer l'attention devenue nécessaire du gouvernement sur cette matière, et je me joins à la commission pour en renvoyer l'examen à M. le président du conseil des ministres.

M. le Président. Je mets d'abord aux voix la proposition de M. Salverte, qui demande l'ordre du jour.

(L'ordre du jour n'est pas adopté.)

(Le renvoi à M. le président du conseil est ordonné.)

M. Vigier, rapporteur. Le sieur Blanchot, à Paris, demande que tous les jeunes Français indistinctement, sauf les cas légitimes d'exemption, soient appelés depuis l'âge de 18 ans jusqu'à 21 sous les drapeaux, pour y compléter leur éducation civile. (Rire général.)

Invoquant l'article de la Charte, qui appelle tous les citoyens au partage égal des charges et des bénéfices résultant de la loi, le pétitionnaire prétend que celle du recrutement fait une répartition tout à fait injuste de cette charge, la plus onéreuse de toutes celles qui peuvent être imposées. Il trouve que le mode de tirage au sort est une sorte d'anachronisme honteux pour notre degré de civilisation, et propose d'y substituer l'appel universel de tous les jeunes gens de 18 à 21 ans, sauf les cas légitimes. Il voudrait voir cette mesure se coordonner avec le système d'instruction publique, afin que les jeunes citoyens allassent en quelque sorte achever leur éducation civile sous les drapeaux, en s'y formant à la gymnastique et au maniement des armes.

Nous ne vous rappellerons pas, Messieurs, qu'il fut un temps aussi où on disait officiellement que la jeunesse française irait chercher dans les camps un exercice salutaire. (Assex! assez!)

Pour remédier à un mal qui porte en lui-même son remède, puisque les chances du sort se corrigent les unes par les autres, M. Blanchat vous soumet un plan qui ne nous a paru offrir que des inconvénients. Il tendrait à accroître les armées permanentes, cette plaie des États modernes, puisque, d'après les tables de la population, on voit qu'il imposerait à la France environ 800,000 soldats; il grèverait le Trésor d'une charge insupportable, car nous ne savons que trop ce que coûte la moitié de ce nombre. Il est vrai que, prévoyant cette dernière objection, le pétitionnaire demande que, par une disposition législative, les parents soient, autant que possible, tenus de pourvoir à la nourriture et à l'entretien de leurs enfants à l'armée, proposition qui se juge par son seul exposé. Enfin, une pareille levée en masse serait un fléau pour l'agriculture, pour l'industrie, pour les arts et pour les sciences, puisqu'elle enlèverait les jeunes gens au moment où leurs travaux d'apprentissage et leurs études commencent à devenir profitables.

Votre commission vous propose de passer à l'ordre du jour.

(L'ordre du jour est adopté.)

M. Vigier, rapporteur. Le sieur Blanchot, à Paris, demande que la loi annoncée sur l'éducation publique statue aussi sur les maisons d'éducation des femmes.

Le pétitionnaire signale tout à la fois et l'importance qu'il faut attacher à l'éducation des femmes et la négligence, selon lui, assez générale des administrations municipales des grandes villes, qui se reposent du soin de la surveillance sur des dames inspectrices, qui, dit-il, s'en occupent peu ou n'ont pas les capacités qu'exigeraient de telles fonctions.

Votre commission n'est pas en position d'apprécier le plus ou moins de fondement de ce reproche, que le pétitionnaire n'appuie d'ailleurs sur aucun fait particulier; mais comme il se rattache à un des intérêts les plus précieux de la société, et que cette pétition est de nature à provoquer un utile examen, la commission vous propose d'en ordonner le renvoi au ministre de l'instruction publique.

M. Eschasseriaux. Messieurs, je demande la parole pour réclamer le renvoi au bureau des renseignements.

La loi, présentée l'année dernière sur l'instruction primaire, ne faisait pas mention des écoles de femmes. La commission chargée d'élaborer la loi a jugé que cette question était grave, et qu'il convenait de s'occuper sérieusement de cette partie si intéressante de l'éducation publique. Elle a reconnu que la première éducation, celle qui donne les premières impressions, et qui a le plus d'influence sur le reste de la vie, était spécialement donnée par les femmes. La manière puissante dont cette première éducation peut réagir sur la moralité des citoyens, a fait croire à la commission qu'il était convenable d'insérer, dans son projet de loi, un article spécial sur les écoles de femmes. Mais comme, par suite de l'interruption de ses travaux, amenée par la clôture de la dernière session, une autre commission sera désignée plus tard pour s'occuper du même sujet, je demande que la pétition soit déposée au bureau des renseignements, afin que la commission future puisse en prendre communication. (Appuyé !)

M. le comte d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics. Le gouvernement ne s'oppose, en aucune manière, au renvoi demandé; au contraire, il le désire. Le motif en est, que le projet de loi sur l'instruction primaire est préparé, et sera incessamment communiqué à la Chambre. Il y a donc intérêt à ce que le gouver nement ne soit privé d'aucun des documents qui pourraient être propres à l'éclairer sur cette importante matière.

(Le renvoi au ministre de l'instruction publique et le dépôt au bureau des renseignements sont ordonnés.)

M. Vigier continue son rapport en ces termes : Le sieur Lainé, rentier à Paris, demande que, pour les affiches, annonces, etc., l'imprimerie rentre dans le droit commun.

Affranchie et placée dans le droit commun par l'Assemblée nationale, en 1791, l'imprimerie fut mise à la discrétion d'un pouvoir ombrageux par le décret du 5 février 1810, auquel, dans les premiers mois de la Restauration, les Chambres donnèrent la sanction législative en votant la loi du 22 octobre 1814, dont l'article 11 porte : « Nul « ne sera imprimeur, s'il n'est breveté du roi et assermenté. »

Après la Révolution de Juillet, M. Benjamin Constant proposa de rendre à l'imprimerie toute son indépendance; cette question fut profondément débattue dans la Chambre, on y ajouta tour à tour, et les motifs d'ordre public et ceux

d'intérêt privé qui devaient faire ajourner un affranchissement que l'on considérait, du reste, comme d'accord avec les principes de notre glorieuse Révolution. Laissant tout à fait de côté la question politique, puisqu'elle est entièrement étrangère à l'objet que se propose le pétitionnaire,je me bornerai, Messieurs, à vous rappeler succinctement les principaux arguments que l'on fit valoir en faveur des titulaires actuels de brevets. On exposa que ces brevets constituaient un capital; que la plupart avaient été achetés, ou transmis héréditairement comme une valeur réelle et souvent très considérable; que rendre immédiatement la profession d'imprimeur complètement libre, ce serait créer pour ceux en exercice, déjà cruellement froissés par les circonstances difficiles où se trouvait le commerce de la librairie, une concurrence qui achèverait leur ruine, puisque les nouveaux titulaires à titre gratuit auraient d'immenses avantages sur les anciens titulaires à titre onéreux: tant le monopole est un titre dangereux! tant il est difficile de s'en débarrasser, quand on a eu le malheur de lui donner accès!

Le sieur Lainé signale les nombreux inconvénients de ce même monopole; il se plaint des bénéfices immodérés que les imprimeurs, surtout en province, où il n'y a pas de concurrence, font sur les affiches, annonces, publications judiciaires, circulaires, etc., etc. Tous ces objets n'ont rien à démêler avec la politique; ils sont presque exclusivement du ressort du commerce, et pourtant une loi toute politique leur impose d'onéreuses entraves, tandis que la liberté est garantie à toutes les industries.

Pour remédier à cet inconvénient, le pétitionnaire sollicite une loi qui affranchisse de la nécessité d'un brevet tout citoyen qui déclarera aux autorités compétentes ne vouloir consacrer ses presses, ou sa presse, qu'aux impressions demandées par les officiers ministériels, le commerce, l'administration, en un mot, qu'aux affiches, annonces et circulaires; et qui consentirait à se soumettre à toutes les visites que ces mêmes autorités jugeraient à propos d'ordonner, pour s'assurer qu'il ne s'écarte pas des termes de sa déclaration.

Messieurs, si votre commission avait vu, dans cette combinaison, un acheminement vers la cessation du monopole, un état transitoire qui concilierait les égards dus à des intérêts acquis avec les libertés garanties par la Charte, et permettrait bientôt d'en accorder l'entier développement, elle aurait cru devoir vous proposer de renvoyer cette pétition au ministre de la justice. Mais la création de cette nouvelle espèce d'imprimeurs serait à peu près sans objet à Paris, où une grande concurrence empêche le public d'être à la discrétion du monopole, et en province, où l'imprimerie est surtout consacrée à ce genre de travaux, elle reproduirait, pour les imprimeurs, tous les inconvénients signalés en 1830, sans avoir aucun des avantages de la liberté illimitée. Au surplus, depuis la Révolution de Juillet, en accordant un grand nombre de brevets d'imprimeurs, le gouvernement est entré dans une voie qui amènera le résultat que se propose le pétitionnaire.

Votre commission a été surtout frappée du danger qu'il y aurait à donner une sanction de plus à l'état actuel de l'imprimerie, par l'adoption de nouvelles mesures exceptionnelles. Elle a pensé qu'il valait mieux attendre que le temps fut venu d'un affranchissement complet, entouré

de toutes les garanties que doivent réclamer le gouvernement et la société. Cependant, comme la pétition du sieur Lainé renferme plusieurs vues utiles, elle vous propose d'en ordonner le dépôt au bureau des renseignements.

M. Firmin Didot. Messieurs, lorsque des lois ont été en vigueur pendant une vingtaine d'années, on ne peut les abroger tout à coup sans porter de graves atteintes à la propriété des individus, à celle de leurs familles, et à celle des particuliers envers qui des engagements ont été contractés sous l'empire de ces lois.

M. Lainé, de Paris, demande que, pour les affiches, annonces, publications judiciaires, circulaires, il soit libre à chacun d'établir, où il le voudra, une presse, pourvu que la personne s'engage devant le ministre, le préfet ou le souspréfet, à ne rien imprimer sur la politique, à n'imprimer même aucun autre ouvrage, se soumettant à toutes les visites domiciliaires. Il en résultera, dit-il, des économies pour les particuliers, parce que les imprimeurs font des bénéfices énormes, exorbitants; il en résultera même des améliorations pour la typographie.

Ce n'est probablement pas à Paris que le pétitionnaire veut qu'on établisse ces presses. If sait trop bien que les imprimeries, je dirais même les plus renommées, mais dont les chefs ne font pas d'entreprises de librairie, manquent d'ouvrage; qu'on pourrait acheter, ce jour même, 25 brevets à bon marché, et qui ne trouvent point d'acquéreurs. C'est donc uniquement pour la province où les imprimeurs brevetés, émerveillés sans doute de voir le talent que déploiera le nouvel imprimeur dans l'exécution des placards, affiches de maisons à vendre, avis pour les montres ou chiens perdus, le surveilleront néanmoins, prêts à lui intenter un procès, si, entraîné par un beau zèle pour les progrès de l'art typographique, il imprimait ou quelque A B C, ou l'almanach de Mathieu Laënsberg, ou la complainte du Juif errant et de la Girafe: car c'est à de telles éditions que sont réduites indignement, presque partout, les imprimeries qui florissaient autrefoi, non seulement dans nos grandes villes, mais dans nos petites villes même de la province. Mais, dit le pétitionnaire, ces imprimeurs font d'énormes bénéfices. Vous pouvez le juger, Messieurs. Vous savez si, parmi les imprimeurs des chefs-lieux, il y en a la moitié qui paient 200 francs de contributions; si, parmi les imprimeurs d'arrondissement, il y en a plus d'un sur six qui puisse être électeur.

Laissez, Messieurs, trois ou quatre années encore, agir le temps et la direction de l'imprimerie et de la librairie, les vœux du pétitionnaire seront complètement satisfaits. Cette direction, depuis deux ans seulement, a délivré 230 brevets d'imprimeurs en lettres, dont 104 en remplacement, et 126 par création; et de plus, 281 brevets de lithographe, lesquels exécutent beaucoup de ces travaux auxquels le pétitionnaire s'intéresse; elle a délivré, en outre, 1,512 brevets de libraire, dont 1,375 par création. Enfin, Messieurs, depuis quatre ans, elle a expédié 3,059 brevets d'imprimeur ou de libraire.

La direction de l'imprimerie et de la librairie mérite des éloges, sans doute, pour un zèle si bien entendu. Qu'elle continue avec le même soin ses travaux; mais je ne désire pas moimême, je l'avoue, qu'elle y mette une plus grande activité; je craindrais que plusieurs imprimeurs qui ont acheté leurs établissements depuis trois

ou quatre années, fussent, non seulement ruinés, mais déshonorés, et, ne pouvant satisfaire aux engagements de commerce qu'ils ont contractés, expiassent peut-être dans une prison, une vie sobre, économe et laborieuse. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Salverte. Messieurs, je m'oppose à l'ordre du jour sur une partie de la pétition, qui mérite une attention particulière.

La pétition parle de deux choses distinctes, le monopole des brevets d'imprimeurs et le droit de la liberté de la presse.

Quand vous examinerez la question du monopole des brevets, le préopinant pourra faire valoir les arguments qu'il vient de vous soumettre, et peut-être aurez-vous remarqué que ce régime, qu'il trouve si bon, dont il demande la conservation, n'est pas le plus favorable à la librairie et à la typographie, puisque, comme vient de vous le dire l'honorable préopinant luimême, une grande partie des imprimeurs de Paris se trouve dans la détresse.

Quoi qu'il en soit, ce n'est là qu'une question secondaire; la véritable question est la liberté de la presse, liberté garantie par la Charte. Les limites que la sûreté publique assigne qu'on y mette peuvent dicter des lois qui y apporteront quelques exceptions.

Mon intention n'est point ici de traiter une question aussi vaste. Je crois que cette question doit être traitée ex professo et non pas à propos d'une pétition. Mais puisque, relativement à une des pétitions qui vous ont été présentées, vous avez ordonné le renvoi uniquement parce qu'elle intéressait des hommes dignes de la commisération, je crois que le renvoi est de droit quand il s'agit de la liberté de la presse, c'est-à-dire de la garantie la plus sacrée de toutes les autres libertés, c'est-à-dire du bienfait auquel la France tient le plus et qui lui est le plus assuré par la Charte. J'appuie les conclusions de la commission.

M. le Président. L'ordre du jour ayant été réclamé, je dois le mettre aux voix.

(L'ordre du jour est mis aux voix et rejeté.) (Le renvoi au bureau des renseignements est adopté à la presqu'unanimité.)

M. Vigier, rapporteur, continue son rapport. La dame veuve Balleydier, de Lyon, demande la continuation du secours mensuel accordé à son mari, en qualité de condamné pour délits politiques.

Il semble résulter de la teneur des pièces copiées à la suite de la demande de la dame Balleydier, que le secours mensuel avait été plutôt espéré qu'obtenu par son mari; dans tous les cas, dès le mois de décembre de l'année dernière, ces secours avaient été définitivement supprimés par le ministère de l'intérieur.

Quelque intéressante que puisse être la position de la veuve Balleydier, déjà inscrite au bureau de bienfaisance du 6e arrondissement de Lyon, cependant, comme il n'est pas au pouvoir du gouvernement de soulager toutes les infortunes, et que le situation du Trésor public, grevé d'environ 80 millions par an, pour rémunération de services passés, doit prémunir la Chambre contre les effets d'une commisération bien naturelle, votre commission n'hésite pas de vous proposer de passer à l'ordre du jour sur cette pétition. (Adopté.)

-Le sieur Pélican, négociant à Vitry-le-François, demande le rétablissement du divorce.

Dans la session dernière, un de nos honorables collègues vous avait proposé et vous aviez adopté le rétablissement du divorce. Votre résolution n'obtint pas la majorité dans l'autre Chambre. C'est cette même résolution que le pétitionnaire vous demande de reproduire.

La discussion à laquelle vous vous êtes livrés sur cette proposition est trop récente pour que votre commission croie devoir entrer dans des développements à l'appui de la proposition qu'elle vous fait d'ordonner le dépôt de la pétition du sieur Pélican, au bureau des renseignements.

Quelques voix : Le renvoi à M. le garde des

Sceaux.

M. le Président. On demande le renvoi de cette pétition à M. le garde des sceaux. Je le mets aux voix.

(Le renvoi est ordonné.)

M. le Président. La commission a aussi demandé le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.

M. de Schonen. Il serait d'autant mieux que la pétition fùt déposée au bureau des renseignements, que chaque membre a un droit d'initiative, dont il est très possible que l'on use incessamment.

M. le Président. Il n'y a point de réclamation? La pétition sera déposée au bureau des renseignements.

M. Vigler, rapporteur, continue. Le sieur Saladin, à Paris, demande l'abolition de l'impôt sur le sel.

Attendu l'inconvenance des termes dans lesquels est conçue cette pétition, qui paraît n'être qu'une plaisanterie de mauvais goût, votre commission, sans rien préjuger sur la grande et importante question de l'impôt du sel, vous propose de passer à l'ordre du jour.

M. le Président. Il n'y a pas de réclamation? Grand nombre de voix : Si! si! Renvoi à la commission du Budget!

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M. Vigier, rapporteur. Messieurs, je vous répète que les termes inconvenants de la pétition... M. de Las-Cases fils. Si les expressions sont mauvaises, la chose est sérieuse.

M. de Rambuteau. Toutes les fois qu'une pétition a été jugée inconvenante par la commission, la Chambre en a fait justice par l'ordre du jour.

M. le général Demarçay (de sa place). Je me garderai bien de parler sur l'objet de la pétition, mais je viens m'élever contre le rapport de la commission, lequel me semble tout à fait inconvenant, et ce que j'ai à dire aujourd'hui, je l'ai déjà dit. Comment, Messieurs, un citoyen qui aura de bonnes intentions, de bonnes vues, mais qui s'exprimera mal, pourrait être privé... (Interruption.)

M. Fulchiron (vivement). Je demande la parole.

Foule de voix : Non! non! mission du Budget!

Renvoi à la com

M. le Président. On insiste pour le renvoi à Non! la commission du Budget?... (Oui! oui! non!); l'ordre du jour a la priorité. Je vais le mettre aux voix.

M. de Las-Cases fils. Messieurs, la question de l'impôt du sel est tellement importante, que la Chambre ne peut la traiter à propos d'une pétition, dont le but n'est qu'un renvoi à un des

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