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en liberté comme toutes les autres questions. Ce serait emporter un vote, et faire taire des convic

vouloir faire une question de pudeur de ce qu'un membre croit une question d'intérêt public.

M. Etienne. Je demande à faire une observation.

M. le Président. C'est précisément parce qu'on veut faire une question personnelle de ce qui n'en est pas une, que je vous engage à conserver la dignité qui vous convient.

M. Etienne. La Charte autorise les collèges électoraux à choisir la moitié de leurs députés hors du département; et si l'amendement était adopté, je demande comment un député étranger à un département pourrait faire partie du conseil général de ce département.

M. le général Demarçay. M. Etienne a dit: « Comment peut-on demander que des députés élus par un département auquel ils sont étrangers fassent partie du conseil général de ce départe

ment? »

Eh bien! ce serait précisément ce motif qui me ferait appuyer l'amendement. (Rire et bruit.) Je répète ce qui fait rire mes honorables collègues, ou du moins quelques-uns de mes collègues : c'est précisément parce qu'un député est étranger par son domicile, ses habitudes, sa fortune, au département qu'il représente, qu'il importe davantage de lui donner place au conseil général de ce département, afin qu'il s'y pénètre des intérêts qu'il est appelé à défendre à la Chambre des députés.

M. Etienne. Je répondrai à mon honorable collègue, M. le général Demarçay, que la Chambre a constamment admis en principe dans la discussion de la loi, qu'il fallait payer un cens dans le département pour être appelé à le représenter dans le conseil général. Or, d'après la faculté que donne la Charte, on peut élire des députés qui ne payent aucun cens dans le département, qui n'y sont pas domiciliés, et qui n'y paraissent presque jamais. Je demande s'il est rationnel d'appeler ces députés au conseil général où se discutent les intérêts matériels du département ?

M. Glais-Bizoin. Je ne tenais qu'à faire connaître les motifs qui m'avaient fait proposer mon amendement; et du moment que mon but est atteint, je le retire.

M. le Président. Nous passons à l'article 6 du gouvernement qui devient l'article 16:

« Art. 6. Ne pourront être nommés membres des conseils généraux:

« 1° Les préfets, sous-préfets, secrétaires généraux et conseillers de préfecture;

« 2o Les receveurs généraux et particuliers des finances, les payeurs, les agents ou employés à l'assiette ou au recouvrement des contributions publiques de toute nature;

«3° Les militaires et employés des armées de terre et de mer, en activité de service;

« 4° Les ingénieurs des ponts et chaussées, les ingénieurs des mines, les architectes, employés dans le département par l'administration générale;

5° Les agents forestiers de tout grade, dans le département où ils exercent leurs fonctions. »> L'amendement de la commission consiste à supprimer le 3° paragraphe, et à terminer l'article ainsi qu'il suit :

« 3o Les ingénieurs des ponts et chaussées, les

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M. le général Demarcay. Je demande qu'on entend par les agents forestiers de tout gr Ce n'est pas que je sois exclusif; mais je ne pe pas qu'on doive donner ce droit-là à tous employés de l'administration des forêts, exemple aux gardes forestiers.

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1 M. Renouard. Ce n'est pas un droit qua droit d'être incapable.

M. le Président. Au contraire, on les ex dans le département où ils exercent leurs f tions.

(L'article amendé par la commission estad M. le Président. M. Comte propose d'ajo une nouvelle classe d'incapacités, et à ajout l'article:

« 5o Les ministres d'un culte. »

M. Charles Comte. Je demande à dével per mon amendement.

Plusieurs voix : C'est inutile; il n'y a pas d'i sition.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Je cr que l'honorable député qui a présenté une es sion la motiverait et la développerait: je ne pas que parce que des citoyens se seront der au ministère d'un culte, ils aient contracté au incapacité.

Quelle que soit la distinction des croyance ne crois pas que ce soit sous un gouverne comme celui que nous avons fondé, qu'on établir des incapacités de ce genre. (Appr aux centres.)

Puisqu'on n'a pas jugé à propos de déve l'amendement, je croirais déplacé de le c tre plus longtemps.

M. Charles Comte. Ce n'est pas une in cité que je propose de reconnaître, c'est simplement une incompatibilité entre des tions qui, à mon avis, ne doivent pas mar ensemble. Je crois qu'il importe beaucoup a bonne administration et à la tranquillité de tre pays de séparer des fonctions qui sont plètement distinctes: nous ne devons pas mêler, nous, des affaires qui concernent les ou les religions, si ce n'est pour en re police; mais d'un, autre côté, je crois qu porte aussi que les ministres des cultes re renfermés dans leurs temples, et ne sorte! de leurs fonctions. Vous les avez exclus Chambre des pairs, et pour cela, vous ne les a pas déclarés incapables: vous avez reconn incompatibilité, vous n'avez pas créé une L pacité. (Bruits divers.)

M. le Président. Je ferai remarquer Chambre que c'est véritablement dans les dions les plus importantes qu'il y a le p

bruit.

M. Charles Comte. Vous avez déclaré l'heure 5 ou 6 incompatibilités qui ne sont rieuses pour aucune des personnes qu'elles gnent je ne comprendrais donc pas que ce je propose fut injurieuse pour aucun culte. Je ne vois donc pas de raison de ne pas al tre cette incompatibilité.

Vous avez lu dernièrement dans les jour

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qu'on avait vu, je ne sais dans quelle ville ou dans quel village, un ministre d'un culte capitaine de la garde nationale. Je l'avoue, si j'avais été dans la garde nationale de cette commune, je ne l'aurais pas élu je trouve une pareille élection tout à fait déplacée; cependant, comme la loi ne le défend pas, peut-être l'autorité auraitelle tort de s'y opposer.

On se plaint, surtout dans la Vendée, dans la Bretagne, de l'influence qu'exerce le clergé; mais si vous l'appelez dans vos délibérations, si vous le faites intervenir dans la discussion des affaires du pays, dans le vote et l'application des impôts, il aura une influence infiniment plus grande.

Je persiste donc dans mon amendement, et je ne vois pas de raison qui puisse vous déterminer à le repousser.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Messieurs, on a cherché à repousser les objections que j'avais faites contre l'amendement, en disant qu'il ne s'agissait pas d'incapacité, mais d'incompatibilité; on a cité les différentes fonctions que vous avez frappées d'exclusion à ce titre d'incompatibilité. Mais tous ces fonctionnaires dont vous avez déclaré les fonctions incompatibles avec celles de conseiller général sont tous les agents de l'administration générale.

Il faut donc faire une distinction entre les hommes qui régissent les intérêts mêmes qui sont l'objet des délibérations des conseils généraux, et ceux qui, par conscience, par vocation, se livrent à la propagation des croyances religieuses: ceux-ci n'ont fait divorce avec aucun des droits politiques qu'ils peuvent exercer dans leur pays.

L'exemple qu'on vous a cité est quelque peu inconvenant, et les électeurs qui ont pris le ministre d'un culte pour lui mettre l'épée au côté ont fait quelque chose de fort ridicule; mais parce que des électeurs se sont trompés, faut-il frapper d'interdiction toutes les croyances, non seulement celles qui sont reconnues, mais encore celles qui peuvent naître? (Légères rumeurs.)

Non, Messieurs, vous n'avez pas le droit dé déclarer aucune religion incompatible avec les droits politiques.

Ona parlé des départements de l'Ouest. Eh bien! moi, qui suis député d'un de ces départements, je sais que souvent le clergé catholique y a exercé une influence déplorable; mais je sais aussi que si nous le mettons tout à fait en dehors de nos institutions, nous le rendrons plus hostile en

core.

Et d'ailleurs, si le ministre d'un culte religieux était assez bien famé pour que le suffrage de 40,000 citoyens (car tel est le nombre moyen des collèges d'arrondissement) le portassent au conseil de département, n'y aurait-il pas injustice à vouloir l'en exclure?

Pour mon compte, je ne redouterais pas, Messieurs, de voir siéger dans un conseil de département, dans cette Chambre même, un ministre du culte nommé par ses concitoyens.

S'il en était ainsi, vous verriez naître dans le pays une tolérance plus vraie que celle qui n'a pour s'exprimer que des déclamations continuelles en faveur de la liberté, et qui est si souvent en contradiction avec ses propres principes. (Assentiment aux centres.)

M. de Ludre. Examinons, Messieurs, sans esprit d'hostilité contre le clergé, sans esprit d'hostilité contre les croyances d'aucun de nos concitoyens, examinons, dis-je, si les ministres des cultes se trouvent placés vis-à-vis du gouverne

ment et de la société entière dans la même position que les autres citoyens.

Messieurs, si les ministres des cultes n'étaient pas très souvent parties prenantes au budget départemental, je concevrais très bien qu'on pût autoriser les électeurs à les choisir pour membres du conseil général; mais il n'y a personne de vous qui ne se rappelle les prodigalités scandaleuses que les conseils généraux de la Restauration exerçaient au profit de certains évêques. Vous avez vu des 15, des 20,000 francs, et même davantage, donnés à des évêques par les conseils généraux.

:

Il y a plus les ministres des cultes sont-ils réellement dans la même position que les autres citoyens? Ne reçoivent-ils pas, en compensation de quelques exclusions qui peuvent les frapper, ne reçoivent-ils pas de la société de très grands avantages? Ne sont-ils pas d'abord tous salariés? ne sont-ils pas exempts de la conscription, exempts du service de la garde nationale? Leurs études ne sont-elles pas spécialement protégées? les établissements où ils se forment ne sont-ils pas subventionnés par l'Etat?

Je crois qu'en acceptant les avantages, les ministres des cultes doivent aussi accepter les charges.

Que si ensuite on veut consulter l'intérêt bien entendu des diverses religions qui se partagent la France, je crois qu'on ne contestera pas ceci : c'est que les ministres des autels seront d'autant plus respectés, qu'ils se renfermeront dans les temples et se mêleront moins des affaires extérieures.

Par ces motifs, j'appuie l'amendement.

M. Peyre. Il est une chose que la France et les assemblées politiques réclament toujours du clergé, c'est la tolérance, vertu qu'on est en droit d'exiger d'eux. Mais si les corps politiques, si les citoyens peuvent réclamer du clergé la tolérance, certes il faut en avoir envers eux. C'est cetté tolérance que je réclame; et je prouverai que ceux qui nous reprochent de ne pas concéder aux autres des droits suffisants sont les premiers à les contester à ceux qui les méritent davantage; car nous ne nous dissimulons pas que, sous le rapport de la capacité, le clergé de France présente autant de garanties que bien d'autres personnes qu'on désignait hier pour être placées dans les rangs des électeurs départementaux. La capacité doit être égale pour tous; il ne faut pas exclure toutes les fois qu'on n'a pas de motifs suffisants. Je demande quel danger, quel péril il peut y avoir à admettre aujourd'hui le clergé aux fonctions dont il s'agit. Pourquoi ne voulez-vous pas que les membres de ce clergé puissent être élus dans les collèges de département? Inutilement on vient dire que ce n'est pas une exclusion que l'on réclame, mais qu'il y a incompatibilité: c'est là une pure logomachie, qui ne mène à aucun résultat. Quand le clergé vous dit: Vous ne voulez pas de moi, que lui répondrezvous? C'est vrai; mais nous vous rejetons pour incompatibilité. C'est toujours une exclusion que vous prononcez, et je n'en vois pas le motif; car son admission est sans inconvénients.

Je dis qu'il n'y a aucun inconvénient à les admettre. De plus, c'est un droit que vous ne pouvez leur dénier sans injustice. En effet, les prêtres, les évêques ne sont-ils pas des citoyens comme vous? n'ont-ils pas les mêmes droits? pourquoi les en priver? la qualité de prêtre ferat-elle disparaître les droits de citoyen? On nous

reproche de ne pas ouvrir la porte à tous les citoyens pour l'exercice des droits politiques : Messieurs, laissons la porte ouverte à tous; nous n'admettons un cens que comme une présomption de capacité. Dès que les lumières seront plus répandues, dès que le cens ne sera plus une mesure assez juste des capacités, alors nous ouvrirons la porte à deux battants, et tous pourront entrer.

Je demande donc, Messieurs, pour les capacités, les mêmes droits que M. Comte veut leur refuser. Vous dites que dans l'esprit des prêtres il y a incompatibilité avec les principes de votre gouvernement; eh bien! voulez-vous qu'ils se rallient à ce gouvernement? faites-leur sentir les avantages qu'ils peuvent en retirer, en leur conférant des droits, et les mettant à même de les faire valoir.

Ne croyez pas que de graves inconvénients résultent de là. Ces prêtres deviendront utiles; ils s'empresseront de venir payer leur tribut à la société, et ils apprécieront d'autant plus votre gouvernement, que leurs intérêts s'y rattacheront davantage. Y a-t-il un inconvénient matériel? Je conçois que les prêtres ne soient pas admis dans les conseils municipaux, à cause des intérêts personnels qu'ils peuvent être appelés à défendre, à cause des allocations qu'ils peuvent être appelés à demander, et du danger qui pourrait en résulter pour les votes. Mais je ne vois pas pourquoi ils seraient exclus des conseils de département. En vain M. de Ludre est venu vous dire que, sous la Restauration, des sommes énormes étaient allouées au clergé; aujourd'hui il n'en est plus de même, puisque le clergé n'est plus partie prenante, qu'on a supprimé tout allocation en sa faveur.

mieux et cette tolérance et cette liberté. Cela est en dehors de la question.

C'est encore présenter la question sous in faux point de vue que de prétendre voir das l'amendement une exclusion, une incapacité, z répulsion. Non, c'est, comme on l'a très bien une incompatibilité. Les incompatibilités sont fréquentes dans l'exercice des fonctions pubiques, elles sont toujours fondées en droit et sur tout en raison.

Ainsi, c'est quand deux fonctions ne peuvent pas s'exercer commodément, quand l'une peut avoir influence sur l'autre, c'est surtout quand l'accumulation de divers pouvoirs dans la même main peut rendre un certain ordre de fonctions redoutables, que la loi les sépare par une ligne profonde qu'on appelle incompatibilité. Il en es ainsi des fonctions judiciaires et administrati ves. Maintenant le juge va-t-il faire entendre des doléances, parce qu'il ne peut pas être maire en même temps que juge? ou bien le préfet se plaindra-t-il de ne pouvoir siéger en même temps dans un tribunal? Non, le juge exerce ses droits de citoyen là où il n'y a pas incompatibilité mais quand il a fait son état de juge, il l'a fait avec la connaissance des incompatibilités attachées à ses fonctions: il n'a pas à se plaindre De même, quand vous êtes militaire en activité, vous savez que vous ne pouvez pas être prési dent de cour royale. Je ne multiplierai pas da vantage les exemples, je dis seulement qu'is sont fréquents dans notre législation.

La question d'incompatibilité n'a donc ries d'injurieux à l'égard de ceux qu'elle affecte, elle déclare seulement que,par mesure d'ordre public, la loi n'a pas voulu que le même indivídu fti revêtu de deux fonctions différentes, soit parc que l'un nuirait à l'autre, soit parce que lear réunion serait nuisible à la société.

Maintenant, et venant à l'amendement, je dis que nous devons, nous, hommes de Juillet, comme tous les hommes sincèrement attachés à cette Révolution et qui veulent le maintien de ses principes, nous devons reconnaître qu'une des

11 est, Messieurs, un autre exemple que je pourrais citer. Si l'on voulait exclure des assemblées publiques tous les individus qui sont parties prenantes dans les fonds votés par elles, vous excluriez de la Chambre des députés tous les militaires. Pourquoi? parce que vous votez des fonds pour la guerre, et qu'ils y sont parties prenantes. Vous excluriez les procureurs géné-principales innovations de la Révolution raux, les présidents, les conseillers, les juges.

Il me semble donc que les prêtres ne peuvent pas être exclus à cause de la capacité qu'ils peuvent avoir sous d'autres rapports, et qu'il y a encore à cela un but politique. Le meilleur moyen de rallier les prêtres au gouvernement, c'est de les admettre aux mêmes droits que les autres citoyens, tout au moins, de ne pas les priver, comme prêtres, du droit qui leur appartient comme citoyens.

(M. Dupin quitte le fauteuil, et il est remplacé par M. Etienne.)

M. Dupin aîné. Je demande la parole sur la question, et je prie la Chambre de vouloir bien m'écouter, parce que je ne considère pas cet article seulement comme un incident, je le regarde comme une question constitutionnelle de la plus haute importance et qui pourrait avoir sur notre régime entier les conséquences les plus étendues.

Et d'abord, quand j'ai entendu dire: Ayons de la tolérance; je réponds que la tolérance s'applique aux croyances; les croyances sont libres, les cultes le sont aussi; sous ce point de vue le clergé n'a rien à désirer de la société actuelle. Sans doute il ne trouve pas la société disposée à rendre un culte dominant au détriment des autres cultes; mais c'est ce qui atteste d'autant

Juillet, et l'un des plus grands abus auxquels elle a voulu pourvoir, a été cet envahissement toujours croissant du clergé, qui ne se contentait pas du pouvoir religieux, qui dominait de toute part, dans le civil, dans les communes. dans les départements, qui avait son banc dans la Chambre des pairs, qui s'était introduit dans le conseil d'Etat et jusque dans le conseil du prince, qui avait envahi une partie du ministère. enfin qui se faisait sentir partout.

Non seulement le clergé voulait le pouvoir religieux sans partage, mais il voulait envahir tous les pouvoirs civils. C'est le plus grand malheur d'un Etat; c'est ce qui a perdu l'ancienne dynastie, qui avait le plus irrité la nation; ce tait à ce mal que nous avions voulu porter re mède en changeant l'article de la Charte, qu disait que la religion catholique était la religion de l'Etat; non pas que nous ayons voulu qua résultât aucune espèce de dommage pour cette religion qui est celle de la majorité des Français: mais pour que, satisfaite de la prépondérance de son ancienneté, de son éteudue et de ses avantages, elle ne cherchât plus à empiéter sur les autres cultes, sur les autres croyances; e surtout pour que l'ordre civil fût totalement affranchi de la participation du clergé.

Ainsi, loin de diminuer l'influence du clerge je la reconnais tout entière; seulement, comme

homme public, comme homme politique, comme ayant participé à la réforme de la Charte, et comme voulant sincèrement que les principes de la Révolution de Juillet n'éprouvent aucune brèche, surtout dans cette enceinte, je veux que l'influence des hommes qui parlent au nom de la religion s'exerce en chaire, et non à la tribune, par la morale et non dans des fonctions publiques; par l'instruction des citoyens, en prêchant de bons sentiments, la paix, la concorde; en empêchant les divisions qu'amènent les discussions de sordides intérêts privés, et en général des intérêts matériels. Ils ne doivent pas se mêler à la discussion de ces intérêts, car ils donnent toujours lieu à des rivalités, à des discussions; et, comme ils nous le disent sans cesse, les intérêts mondains ne sont pas de leur royaume.

Honneur au clergé catholique et aux membres de tous les cultes! salaire, considération, mais à condition qu'ils ne seront que ministres du culte, qu'ils béniront l'Etat, qu'ils appelleront la prospérité sur nos armes et sur les affaires du pays; mais quant aux fonctions publiques, ce n'est pas l'exclusion, mais l'incompatibilité, et la plus nécessaire de toutes, car si à ce pouvoir religieux, si utile quand il se contient dans ses limites, vous ajoutez ce qui a perdu le clergé, si vous ajoutez une fonction civile, il ne vous laissera pas de repos qu'il n'ait encore tout envahi. (Approbation générale et prolongée.)

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Je sens, Messieurs, toute la défaveur qu'il y a à m'obstiner contre des opinions défendues par une autorité aussi imposante que l'orateur qui descend de cette tribune, je ne déserterai pas cependant ma cause; et, quelle que soit la faiblesse de mon talent, je la soutiendrai, fort de ma sincère conviction.

J'adhère complètement aux vœux qu'a formés l'orateur en vous peignant un idéal vers lequel tous les hommes ont appelé sans cesse le clergé catholique. Je crois qu'à mesure que les lumières descendent dans le clergé, je crois qu'à mesure aussi que la société, s'élevant à des idées plus vraies sur la liberté de conscience ne placera pas la séparation de l'ordre civil et politique dans l'interdiction, mais dans la connaissance complète de l'égalité des citoyens et d'égale admissibilité aux fonctions civiles et politiques; je crois qu'alors la tolérance descendra vraiment dans la société, et avec elle la séparation complète du civil et du religieux.

Mais, Messieurs, tout ce qu'on vient de vous dire est fondé sur une idée que je crois fort en arrière de la Révolution, et qui a présidé à la réformation de la Charte. Cette idée a eu pour but de faire considérer le clergé et tous les ministres des cultes salariés, comme des fonctionnaires. C'est en acceptant toutes les doctrines de l'ancien régime que l'on est parvenu à établir que les pretres sont des fonctionnaires. Cependant, Messieurs, quoique le Trésor paye un salaire au clergé, les prêtres ne sont pas des fonctionnaires, et c'est à tort qu'on voit en eux une incompatibilité.

D'ailleurs, il ne s'agit pas ici de fonctions politiques à accorder, mais des droits, mais une égale admissibilité à exercer un pouvoir. On a cité l'exemple des juges; je demande ce qu'il y a de pareil entre la situation qu'on a faite aux juges et celle qu'on a faite au clergé? Vous n'avez pas retiré aux juges le droit d'être élus au conseil général à quel titre voudriez-vous déclarer

les prêtres incapables? La comparaison n'est pas admissible.

Je dis qu'il faut arriver à une séparation complète du civil et du religieux, et que le véritable moyen d'y arriver, c'est de ne jamais considérer le prêtre comme un fonctionnaire. Quand vous aurez reconnu ce principe, vous vous acheminerez vers ce but de toute Constitution libre, de faire que le clergé ne reçoive d'autre salaire que celui des croyants qui suivent sa religion; alors vous rentrerez dans la liberté. Jusque-là, vous amenez le clergé à protester sans cesse pour des principes opposés à ceux du gouvernement.

M. Charles Comte. J'ai modifié ma proposition dans ce sens que je l'ai appliquée aux ministres salariés par l'Etat les opinions religieuses restent tout à fait en dehors de la question.

Je crois que lorsque le gouvernement accorde un traitement, il doit avoir confiance en ceux qui l'obtiennent.

M. Renouard. Messieurs, je viens combattre l'amendement. Je ne puis consentir à adopter l'opinion des orateurs qui se refusent à admettre les ecclésiastiques parmi les membres des conseils généraux, parce que je crois que le conseil général doit contenir l'expression exacte de tous les intérêts légitimes de la société.

Faut-il les exclure à titre de fonctionnaires ou pour des souvenirs anciens ? faut-il historiquement ou logiquement exclure les ministres des différents cultes salariés? Je crois que cela ne serait ni juste ni politique. Je crois que ce ne serait pas juste, car vous n'avez pas exclu des conseils généraux une multitude de professions. Vous avez admis les magistrats et les militaires; cependant, vous ne confondez pas l'ordre judiciaire et l'ordre militaire avec l'ordre administratif.

La représentation des départements, comme la représentation générale de la société, doit admettre tous les intérêts; pourquoi exclure le clergé? Est-ce parce que vous craignez ses anciens envahissements? Toute l'argumentation de l'éloquent orateur qui a quitté le fauteuil pour appuyer l'amendement, repose sur la crainte de voir reparaître les anciens envahissements du clergé. Il me semble que c'est se défier beaucoup des électeurs auxquels vous voulez confier la représentation des départements.

Je ne suis pas de ceux qui se sont flattés de l'idée qu'en descendant beaucoup de degrés dans l'échelle électorale, on pourrait facilement se soustraire au fâcheux ascendant de puissantes influences; mais puisque toutes les précautions que vous avez jugées suffisantes ont été prises par vous pour choisir les électeurs, il faut que ces électeurs, dans le choix de leurs représentants, conservent leur libre arbitre.

Dans tout ce qui a été dit contre le clergé, je n'ai pu remarquer que des craintes; mais je n'ai entendu aucun argument solide. Messieurs, je ne connais pas d'intérêt plus sacré que celui de chaque citoyen à la conservation de la foi à laquelle sa conscience s'est attachée.

Je dis que la foi de chacun au culte qui est le sien, est un intérêt très légitime, qui ne doit pas être l'objet d'une exclusion. J'ignore si l'on pourra en placer un au-dessus de celui-là, mais pour moi je n'en connais pas.

L'exclusion ne serait donc pas juste; j'ajoute qu'elle ne serait pas politique.

En effet, est-ce le moyen d'attacher le clergé au bien du pays, de lui faire aimer son gouvernement, que de lui dire qu'il ne doit ni connaître les intérêts de son département, ni s'en occuper, ni étudier ses habitudes sociales, ses vœux, qu'il doit se renfermer dans son temple et ne pas connaître la société?

La liberté religieuse, Messieurs, doit exister pour le clergé; il doit être initié comme tous autres dans les affaires de l'Etat, y exercer les droits de citoyen français et s'intéresser, à ce titre, au bien-être et à l'honneur du pays.

Il faut que le clergé trouve place dans nos institutions civiles, qu'il ait part à nos honneurs de citoyens; que ceux de ses membres qui se montreront amis de leur pays, puissent être récompensés par le pays; que si dans le sein même du clergé leur patriotisme est parfois repoussé par la défiance, ils rencontrent ailleurs confiance et encouragement.

En appuyant le rejet, je suis dirigé par deux motifs. Le premier c'est que je désire rendre hommage à l'un des principes les plus sacrés de notre législation, à la complète liberté des cultes, et non seulement à une liberté de parole, mais à la liberté pratique et vivante. Je ne veux rien refuser à une classe de citoyens sans motifs bien déterminés et fondés sur autre chose que sur des préjugés. Je suis ensuite dirigé par le désir d'être juste envers le clergé, afin qu'il soit juste envers la nation.

Je demande le rejet de l'amendement.

M. Meynard. Je viens repousser l'amendement de M. Comte. Après les orateurs auxquels je succède, je n'aurai qu'une observation à vous présenter.

Il me semble qu'après avoir réglé, comme nous avons fait, les conditions pour être électeur, il y aurait anomalie, contradiction même à refuser le titre d'éligible aux ministres des autels qui réunissent les conditions nécessaires et qui sont fixées par la loi. En effet, quelle sera la position d'un prêtre qui se présentera dans un conseil électoral? il aurait le droit de voter en réunissant les capacités nécessaires, et serait frappé d'ilotisme et ne pourrait pas être nommé membre d'un conseil municipal.

Toutes les considérations militent en faveur de la proposition que j'ai l'honneur de vous faire, et c'est par cette considération que j'ai l'espoir que la Chambre repoussera l'amendement de M. Comte.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). Il n'y a pas interdiction pour que le clergé arrive dans cette Chambre, ni pour qu'il arrive à la Chambre des pairs; car si un membre du clergé appartient à l'Institut, il peut arriver à la Chambre des pairs. Ainsi la porte est ouverte au clergé à la représentation dans cette Chambre; il peut arriver à la Chambre des pairs, et vous allez, par le présent article, lui interdire l'entrée dans les conseils généraux.

M. Dupin aine. C'est une erreur. Quand on fait de la qualité de membre de l'Institut une qualité qui rend éligible à la pairie, c'était une question distincte de celle du clergé. On avait fait, à l'égard du clergé, une catégorie distincte, qui a été rejetée par un vote presque unanime. La Chambre n'a pas entendu que sí le clergé ne pouvait pas entrer directement avec la mitre à la Chambre des pairs, il pourrait y entrer par la porte de l'Institut.

M. Garnier-Pagès. Je demande l'égalité et

la liberté pour tous. Je dis que si vous adoptez l'amendement de M. Comte, vous déclarez l'alt Grégoire une seconde fois indigne. (Agitation prolongée.)

M. Dupin aine. C'est une erreur; c'est tou jours vouloir confondre l'incompatibilité ave l'indignité; car, comme il répugnerait à vos esprits de faire injure à aucune classe de personnes, comme moins qu'aucune classe le clerze mérite injure, ce serait capter ses suffrages ca faire croire que vous le repoussez par indignité. Il est digne, très digne de nos respects; il e peut déchoir qu'en dénaturant ses fonctions, en descendant de la hauteur où il est placé, ea abusant de son influence pour la transporte: ¦ dans l'ordre civil.

Ce n'est pas un intérêt de religion, c'est u intérêt mondain qui leur conseillerait de quitte leur temple pour frapper à nos Assemblées. (la- = terruption.)

Toutes les raisons de détail doivent disparaître devant le grand principe que j'ai posé, e qui a pour base la séparation des influences religieuses d'avec les pouvoirs politiques, influence assez puissantes, assez envahissantes par ellesmêmes, pour ne pas joindre encore au pouvoir sacerdotal le pouvoir civil, et ne pas les accumuler dans les mêmes mains.

Voilà, Messieurs, les considérations que je recommande à vos esprits. (Agitation.)

Voix nombreuses: La clôture! la clôture! (La Chambre ferme la discussion et adop l'amendement de M. Comte. (Rumeur prolonge (L'article, ainsi amendé, est ensuite adopté.

M. Bresson, rapporteur du 6o bureau. Je sais chargé par le 6 bureau de vous proposer l'ad mission de M. de Kermorial, élu député par le collège électoral de Quimperlé.

(M. de Kermorial est proclamé député et préte serment.)

«Art. 8 (devenu 17). Tout membre d'un conseil général qui, sans excuse reconnue légitime par ce conseil, a manqué à deux sessions co sécutives, est considéré comme démissionnaire et déclaré tel, sur le rapport du préfet, par le ministre dans les attributions duquel est l'adm nistration départementale. »

M. Perrin propose un amendement ainsi conçu «Tout membre d'un conseil général qui aura manqué à deux sessions consécutives pourra être déclaré démissionnaire par ce conseil, et sur le rôle du procès-verbal. Le ministre chargé de l'ad ministration départementale pourvoira au replacement du membre exclu.»

M. Perin. Messieurs, il est de principe que les membres des assemblées électives, et appele dans l'ordre constitutionnel à délibérer des inte rêts publics, ne sont comptables de leurs actes en cette qualité qu'à l'assemblée dont ils fot partie, et que toute liberté serait bientôt banne de ces assemblées, si le gouvernement avait le droit d'en exclure un seul de leurs membres.

Ce principe, que vous avez confirmé par l'autorité de votre exemple, me paraît avoir été me connu dans la rédaction de l'article 8, soumis en ce moment à votre examen.

Cet article est ainsi conçu : « Tout membre d'u conseil général qui, sans excuse reconnue legitime par le conseil, a manqué à deux sessio consécutives, est considéré comme démissionnaire, et déclaré tel par le ministre dans les altributions duquel est placée l'administration départementale. »

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