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que je ne désire pas moins que qui que ce soit des garanties d'ordre et de stabilité dans nos institutions, que je hâte ces changements de tous

mes vœux.

Ces changements, Messieurs, l'avenir les renferme, et cet avenir est moins éloigné qu'on ne le pense. Il y a des questions qui parcourent leur carrière au pas de course. J'ai vu le temps où l'abolition de la traite des nègres était presque repoussée par l'opposition, parce que l'Angleterre en faisait une clause des humiliants traités de 1815, et où le gouvernement lui-même, tout façonné qu'il était à ces humiliations, lutlait contre celle-là. Bien peu d'années ont suffi pour donner à cette abolition un tout autre aspect.

Croyez-moi, Messieurs, dans une nation où la richesse sociale est parvenue au degré de la nôtre, et où 14 millions d'individus sont privés de pain de froment, il y a pour le maintien de l'ordre quelque chose de mieux à faire que des travaux de charité, des aumônes ou des actes de police souvent inhumains lorsqu'il sont répressifs, immoraux quand ils sont préventifs.

Il me reste à ajouter quelques mots sur l'ensemble du paragraphe.

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Votre Majesté nous annonce d'autres lois, parmi lesquelles, etc. »

Ce second membre de phrase qui commence par les mots parmi lesquelles, etc., se continue jusqu'à la fin du paragraphe, et dès lors ne vous semble-t-il pas que le sens principal 'reste incomplet?« Votre Majesté nous annonce d'autres lois... >>

Pour le compléter, ne faudrait-il pas ajouter : « Nous les examinerons, nous y aurons égard, nous les adopterons.

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Par respect pour votre droit d'initiative, et pour répondre au sentiment qui m'a fait monter à cette tribune, je dirai:

«Votre Majesté nous annonce d'autres propositions de loi, parmi lesquelles plusieurs, nous n'en doutons pas, sont destinées à assurer l'aisance aux citoyens qui vivent du travail de leurs mains. Nous nous empresserons de les adopter, de présenter à la sanction royale les projets les plus propres à atteindre ce but que nous considérons comme le premier dans l'ordre de nos devoirs. >>

Plusieurs membres: Appuyé! appuyé!
(L'amendement est mis aux voix et rejeté.)

ou

M. Chasles. Je désire rappeler aux ministres que, dans la session dernière, M. le ministre des travaux publics prit l'engagement, par suite d'un rapport sur les pétitions, d'examiner dans l'intervalle des sessions, la législation sur les logements militaires. Cet objet est d'une haute importance pour les classes peu aisées qui aujourd'hui partagent avec les plus riches la charge des logements militaires. Je n'ai pas d'amendement à présenter, mais je voulais rappeler cela à M. le ministre. (Mouvements divers.)

M. le comte d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics.

Cet objet a été examiné avec toute l'attention qu'il réclamait; mais il est résulté de l'examen que d'immenses difficultés devaient se présenter si l'on voulait modifier cette législation. Pour obtenir le résultat que souhaite l'orateur, il faudrait augmenter encore le budget de la guerre déjà extrêmement considérable.

Au surplus, des projets de loi plus importants, plus essentiels, sont préparés; si, dans le cours

de la session, une combinaison quelconque, propre à lever les difficultés, était adressée au gouvernement, et que le gouvernement pût en tirer un projet de loi susceptible d'adoption, il ne le négligérait pas.

M. Chasles. Puisque le ministère n'a pas dessein de présenter un projet de loi sur cette matière, je ferai remarquer que la législation sur les logements militaires me paraît contraire à la Charte qui veut l'égalité de répartition des charges publiques entre les citoyens. (Mouvement.)

Dans l'état actuel des choses, il y a plusieurs inégalités à l'égard des logements militaires : 1° d'abord parmi les communes, les unes en sont affranchies, tandis que les autres les supportent; 2o ensuite dans les communes qui les supportent, les citoyens pauvres reçoivent autant d'hommes que les riches; 3° d'après la loi de l'Assemblée constituante, tous les citoyens doivent supporter cette charge... (Interruption.)

Un membre: La loi ne s'oppose pas à ce que le maire fasse des règlements qui atteignent le but dont parle l'orateur.

M. Chasles. Il y a évidemment inégalité dans la répartition de cette charge.

M. le comte d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics. J'ai une observation à présenter. Véritablement une pareille question ne peut pas être discutée au sujet de l'adresse.

Si le député veut proposer un projet de loi, il en a le droit, puisque l'initiative appartient à la Chambre; s'il en présente un, on l'examinera. Mais le gouvernement s'est entouré de lumières ; il a consulté des personnes habiles pour rédiger des projets de loi; il n'a pas trouvé de solution favorable, et il ne peut prendre l'engagement de présenter ce projet de loi.

(Le paragraphe 21 est adopté.)

M. le Président. Paragraphe 22. « Nous regrettons, Sire, que votre gouvernement ne puisse nous proposer aucune réduction sur les charges publiques; c'est pour nous un nouveau motif de réclamer de justes économies, de travailler sans relâche à mettre les dépenses de l'Etat en équilibre avec des revenus, à sortir du provisoire, qui embarrasse et complique la perception de l'impôt, et à renfermer avec plus de sévérité les dépenses dans les allocations du budget. M. le Président. M. Dulong a présenté un amendement ainsi conçu :

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« Nous espérons qu'afin de payer enfin au peuple la dette de la Révolution de Juillet, votre gouvernement, Sire, cherchera tous les moyens d'alléger les charges qui pèsent surtout sur les classes pauvres et souffrantes, par la diminution des dépenses publiques, et par une meilleure répartition de l'impôt; qu'il s'efforcera de sortir du provisoire quí embarrasse et complique la perception des revenus publics, et de renfermer avec plus de sévérité les dépenses dans les allocations du budget. »

M. Dulong. Peu de mots suffiront pour justifier mon amendement. Tout le monde est d'accord sur ce point, que le pays désire voir diminuer les charges qui pèsent sur lui. Cependant, dans cette partie de l'adresse rédigée par la commission, il semble qu'on renonce dès à présent à faire des économies sur le budget que nous allons avoir à discuter. Il me semble que c'est nous engager dès à présent dans une mesure que nous devons pouvoir repousser. L'année dernière l'on a passé un temps fort long à examiner le

budget, l'on a cherché à y apporter des économies; mais peut-être jugerez-vous, comme quelques-uns de nous l'ont fait, qu'on s'est trop attaché aux dépenses personnelles, et que ce serait surtout dans les dépenses matérielles qu'on pourrait apporter des économies importantes, puisque c'est là que les dépenses les plus grandes existent, puisque c'est là que les besoins les plus essentiels se font sentir.

Aussi il me semble que dire aujourd'hui que nous regrettons de voir le gouvernement ne proposer aucune réduction, c'est en quelque sorte passer condamnation sur le besoin qu'éprouve le gouvernement de ne pas proposer d'économies čette année. Il me semble essentiel de dire que nous conservons l'espoir que le gouvernement cherchera les moyens d'alléger les charges qui pèsent sur le pays, non seulement dans l'examen des dépenses matérielles, mais peut-être par une meilleure assiette de l'impôt. Ai-je besoin de rappeler ce que presque tous les anciens membres de la Chambre n'ont cessé de demander, c'est-àdire sinon l'abolition de la contribution indirecte, au moins un grand allégement, car c'est dans les moyens de perception qu'il est surtout odieux. Il faut nous réserver les moyens de faire des investigations qui puissent amener des réductions surtout sur la classe pauvre. (Interruption.) Nous ne pouvons pas renoncer à toutes les économies.

Tel est le but de cet amendement, qui prouvera que nous pensons aux vœux du pays, que nous voulons les satisfaire. Je n'insisterai pas davantage; cet amendement se justifie par luimême. Je le laisse à votre sagesse.

M. Charles Dupin. Je n'ai qu'un petit nombre de faits à présenter. (Aux voix! aux voix!) Je vous prie de remarquer la manière dont cet amendement est rédigé, pour que vous voyiez qu'il a une toute autre portée que les explications qui viennent de vous être données. (Parlez! parlez!)

Messieurs, si l'amendement proposé n'attaquait que les ministres, eux seuls auraient à se défendre. Vous les écouteriez avec une impartialité sévère, et, s'ils ne pouvaient se justifier, vous porteriez contre leur administration le vote de blâme et de flétrissure qu'on sollicite de vous. Mais l'amendement vous attaque; il fait peser sur vos actes une responsabilité que vous chercheriez vainement à décliner; et telle est la confiance de notre honorable collègue dans votre impartialité, qu'il vous propose de prononcer vous-mêmes la sentence de votre propre honte.

Vous allez en juger : « Nous espérons encore, vous fait-on dire, qu'afin de payer enfin au peuple la dette de Juillet, votre gouvernement, Sire, cherchera tous les moyens d'alléger les charges qui pèsent surtout sur les classes pauvres et souffrantes, par la diminution des charges publiques et par une meilleure répartition de l'impôt, etc. »

Si je comprends bien la portée de cette phrase, elle veut dire Jusqu'à ce jour nous avons espéré sans fruit que le gouvernement chercherait les moyens d'alléger les charges qui pèsent sur les classes pauvres et souffrantes. Ainsi, nous avons été trompés dans notre attente, qu'il chercherait enfin les moyens de mieux répartir l'impôt pour le soulagement du peuple créancier de Juillet.

Cela veut dire que, jusqu'à ce jour, le gouvernement s'est occupé de toute autre chose que de payer la dette de Juillet, et que nous, législateurs, nous

mandataires du peuple souverain, nous sommes restés spectateurs indifférents, où tout au plus animés d'une apathique espérance dont l'objet est resté dans un avenir indéfini.

Pour moi, je suis plus sévère à notre égard que notre honorable collègue, et je dis franchement La recherche des moyens d'alléger les charges qui pèsent sur les classes pauvres et souffrantes n'est pas seulement une obligation pour les ministres, c'est un devoir pour les députés. Ils sont souverains en matière de charges publiques et de contributions. Si l'on peut leur contester l'initiative pour imposer des charges nouvelles, il n'est pas une des charges préexistantes qu'ils ne puissent alléger ou faire disparaître chaque année par un simple assis et levé.

Si les ministres peuvent alléguer pour excuse aux retards qu'ils apporteraient à soulager les classes pauvres et souffrantes, les difficultés de tout genre qui les entravent, l'excès d'occupations qui ne leur laisse aucun loisir pour la recherche d'améliorations difficiles à découvrir, vous, Messieurs, cinquante fois plus nombreux que les ministres, et jouissant à coup sûr d'un beaucoup plus grand loisir, vous n'auriez pas même cette excuse à présenter.

J'ai donc eu raison de dire que l'amendement qu'on vous propose est purement et simplement Votre condamnation.

Il n'en faut pas moins la voter si vous la méritez.

Dans cette pensée, bien résolu pour ma part à prononcer contre moi-même, si je suis au rang des coupables, j'ai fait avec conscience le travail et l'examen comparé des charges publiques de la répartition des impôts avant et depuis la Révolution de Juillet; je dois le dire, les résultats de cet examen ont passé mon espérance. Si vous daignez le permettre, peu de mots suffiront pour énumérer ces résultats, qui, malgré le malheur des temps, ne seront pas trouvés sans honneur, et pour la Chambre et pour la Révolution de Juillet.

Plusieurs voix : En voilà assez! Aux voix ! M. Charles Dupin. Messieurs, je réclame la liberté de la tribune.

M. le Président. Celui qui a proposé l'amendement veut sans doute qu'il soit discuté; il faut

de ne pas interrompre l'orateur.

M. Charles Dupin. Nous arrivons au terme du deuxième exercice accompli depuis 1830. J'ai comparé les deux exercices antérieurs à cette époque.

J'ai mis en parallèle le montant des impôts qui, frappant le producteur et le consommateur des impôts qui frappent sans acception de fortunes ni de personnes, pèsent en partie sur les classes nécessiteuses et souffrantes.

Eh bien! Messieurs, le total des contributions directes assises sur toutes les espèces de propriétés s'élève :

Pour 1828 et 1829 à.... Pour 1831 et 1832 à. Surcharge éprouvée par les propriétaires en conséquence des votes de la Chambre des députés depuis la Révolution de Juillet.....

655,108,419 fr. 786,643,473

131,535,054 fr.

A ce premier résultat, qui nous montre la gravité des charges nouvelles supportées par les

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Vous le voyez, Messieurs, depuis 1830, on n'a pas favorisé les producteurs aux dépens des consommateurs, et les classes opulentes aux dépens des classes nécessiteuses; on n'a pas même réparti proportionnellement le fardeau des charges croissantes sur les diverses classes de la société. On a fait tout le contraire; et, tandis que la classe où se trouvent tous ceux qui n'ont que leurs bras pour vivre a payé 103 millions et demi de moins en 1831 et 1832 qu'en 1828 et 1829, la classe qui comprend tous ceux qui possèdent des biens, des ateliers ou des comptoirs, a payé de plus 131 millions et demi!...

Parmi ces derniers contribuables, on s'est efforcé de faire peser la surcharge sur ceux qui possèdent le plus d'aisance.

Ainsi, dans les nouveaux tarifs des contributions mobilières et des portes et fenêtres, on a réduit à rien l'impôt des personnes dont l'habitation n'a qu'une ou deux ouvertures. Ensuite, la taxe progressive est en raison doublée du nombre croissant des ouvertures pour atteindre de plus en plus les grandes fortunes.

Quant à la contribution personnelle, évaluée sur le pied de trois journées de travail, remarquez un soulagement très sensible pour la classe manouvrière. L'ancienne loi ne permettait d'évaluer nulle part cette journée au-dessous de 70 centimes. A partir des fixations de 1832, on peut abaisser cette évaluation jusqu'à 50 centimes, ce qui permet un soulagement de 40 0/0 sur les contributions personnelles des manouvriers, dans les départements où ils sont le moins payés et le plus malheureux.

Des députés, animés par un sentiment que je respecte, vous ont souvent proposé, comme un grand bienfait populaire, d'abolir ou d'alléger la taxe imposée sur le sel, et vous avez regretté de ne pouvoir encore faire droit à leurs réclamations; mais, en même temps ne remarquezvous pas avec une vive satisfaction que le simple abaissement du minimum des journées permet d'opérer pour les artisans et les laboureurs nécessiteux des départements les plus pauvres, un soulagement égal au tiers de l'impôt du sel? Et ce soulagement n'est-il pas également précieux à l'humanité, qu'il satisfasse ou non les mandataires des mines de sel et des marais salants, pour lesquels il ne faut pas non plus confondre l'intérêt des propriétaires avec l'intérêt du peuple consommateur?

Ces soulagements des classes pauvres ressortent encore plus par leur rapprochement avec les nouvelles surcharges établies, à partir de 1832, sur les mutations inévitables ou volontaires de tous les genres de propriétés. L'impôt sur les donations entre vifs et sur des mutations par décès, pour des parents éloignés, atteint aujourd'hui 3 0/0 du capital, c'est-à-dire qu'il surpasse trois années du revenu des biens-fonds ordinaires, indépendamment de l'impôt annuel

et comptant que payera le nouveau propriétaire sur les biens diminués d'un seul coup de 9 0/0. J'ai parlé jusqu'ici du soulagement de charges dont les classes nécessiteuses sont dès à présent en pleine jouissance. Vous n'avez pas seulement stipulé pour le présent en faveur de ces classes, vous avez déjà pris pour l'avenir le plus prochain la mesure à la fois la plus morale et la plus salutaire.

Grâce à votre bienfaisance, un impôt infâme, dont précédemment nos vives réclamations avaient délivré 17 départements pauvres; un impôt qui, même à présent, fait sortir des poches du peuple 33 millions par an pour les livrer au jeu de la loterie; cet impôt, disons mieux, ce larcin légal est aboli; il cessera dès 1836, et nous verrons cesser avec lui des délits, des vols, des crimes plus graves encore, inévitables conséquences de la passion du jeu propagée parmi les classes inférieures.

Qu'on vienne dire à présent que nous en sommes encore à la vaine espérance de voir enfin le gouvernement du roi chercher des moyens de soulager les classes pauvres, et dans ce dessein de changer la nature et l'assiette de l'impôt.

Et, pour qu'on ne travestisse pas ma pensée, je me hâte d'ajouter, malgré les changements si nombreux, si brusques, si profonds, introduits depuis juillet 1830 dans la situation respective des diverses classes des contribuables, nous ne croyons pas qu'on soit au terme des innovations avantageuses, et praticables et prochaines, je l'espère. Mais avant de marcher dans cette voie environnée d'écueils, ne fermons pas les yeux sur le chemin parcouru déjà.

Et si nous avons à demander des sacrifices nouveaux à la classe qui possède, commençons par apprécier les sacrifices qu'elle a déjà faits, sous forme d'impôts directs ou par suite des lois que vous avez votées depuis 1830.

Par votre loi du 22 mars 1821, vous avez voulu que le service ordinaire de la garde nationale ne fut obligatoire que pour les citoyens payant une contribution directe, et pour lesquels ce service ne serait pas une charge trop onéreuse.

Sur 9 millions d'hommes ayant plus de 20 ans, il s'en est trouvé, d'après le compte officiel que le ministère vient de publier, 3,729,052 affectés au service ordinaire, et qu'on doit regarder comme en dehors des classes pauvres et souffrantes dont veut parler notre honorable collègue.

Le gouvernement a calculé les charges que le service ordinaire fait peser sur la classe la plus aisée, sur celle qui sacrifie son temps, son repos, et quand il le faut, sa vie, pour le salut de l'ordre public, ordre sans lequel les classes pauvres et souffrantes deviennent des classes qui meurent de faim, parce que le travail leur manque de toutes parts.

Eh bien! le total des charges réelles supportées par la classe du service ordinaire depuis la Révolution de Juillet jusqu'à la fin de 1832, s'élève à..... 185,625,000 fr.

C'est la même qui, depuis deux ans, a payé pour surcroît de contributions directes......... 131,535,054

C'est la même classe qui a contribué volontairement en faveur des blessés de Juillet, pour.... En faveur des blessés de Juin, pour.....

En totalité, pour,.

4,009,000

1,000,000

322,169,054 fr.

Et cela, je l'ai déjà dit, lorsque les classes de consommateurs qui comprennent les pauvres et les souffrants, éprouvaient une diminution de charges publiques égale à 103,169,054 francs; en même temps que la classe qui possède était obligée par la loi, par son patriotisme ou son humanité, à ces sacrifices, elle éprouvait, dans la valeur de ses secours, une réduction commandée par d'autres lois.

Des ventes accumulées de bois nationaux, que l'expérience commence d'abord par couper, ont arrété simultanément les produits de 8 millions d'hectares de bois, c'est-à-dire les produits de la septième partie du territoire de la France.

Deux lois portées sur les céréales, la première en 1830 et la seconde en 1832, ont abaissé la valeur des produits des trois autres quarts du territoire national. M. le ministre du commerce luimême le reconnaît dans un rapport qu'il vient d'adresser au roi.

La conséquence de cette loi si peu connue, si mal jugée, est si grande qu'aujourd'hui, d'après la mercuriale officielle du 3 décembre, je vois que le prix moyen du blé à Bordeaux ne surpasse plus que de 20 centimes le prix des blés de Toulouse. Voilà donc, en faveur de l'étranger, Toulouse et le Languedoc tout entier déshérités pour cette année du riche approvisionnement de Bordeaux; car vous ne supposez pas, je crois, que 20 centimes suffisent pour le transport, les déchets, les avaries, la vente et les bénéfices d'un hectolitre de blé envoyé de Toulouse à Bordeaux!...

Je ne veux pas ici blâmer un tel résultat, si l'on peut démontrer qu'il est avantageux à la patrie, prise dans son ensemble. Je veux dire seulement qu'il est à l'avantage exclusif du consommateur et tout au détriment du producteur. Vos députés du midi vous diront si leurs départements deviendront par là plus ou moins prospères; il me suffit d'attester un fait officiellement constaté par le ministre même; c'est l'abaissement du prix des céréales, en partie produit par la réduction des droits d'entrée et par la libre entrée désormais établie dans tous les cas pour tous les genres de céréales.

En présence de tant de mesures financières, prises dans l'intérêt des classes nécessiteuses par vous, Messieurs, peut-on dire, comme le suppose l'amendement en discussion, et comme le disait, il y a trois jours, un député de l'Isère, que vous êtes peut-être moins portés à vous occuper d'hommes pauvres et souffrants, d'hommes non représentés, dont il prenait plus particulièrement le patronage.

Messieurs, je crois interpréter dignement vos affections et vos sentiments, en disant que la Chambre tout entière revendique ce patronage du faible et du pauvre.

Je vais plus loin, et j'ose le dire, sans blesser en rien la fierté de notre collègue, aussi longtemps qu'il restera parmi les législateurs de la France des La Rochefoucauld et des Delessert, des Delaborde et des de Belleyme, des Laffitte et des Grammont, des Koechlin et des Hartmann et leurs amis, leurs collègues et leurs émules, le malheureux, l'infirme, le pauvre, l'homme sans attributions, civiles ou polítiques, ne manqueront jamais d'un généreux patronage; pour en convaincre le peuple, il suffira que l'humanité révèle à la patrie les bienfaits prodigués dans nos hôpitaux, nos prisons, nos écoles populaires, nos maisons de refuge ét nos salles d'asile, ouvertes

par une charité sublime aux précoces misères de la plus tendre enfance.

Qu'on cesse donc, avec des amendements ou sans amendements, de faire supposer que les députés, non plus que le gouvernement, n'aient pas déjà fait tout ce qu'une politique généreuse autant qu'éclairée permettait de faire en faveur des classes pauvres et souffrantes.

A présent, je souhaiterais que notre honorable collègue, cédant à la force de l'évidence, retirât son amendement, et ne se réduisît point à le voir rejeter, j'ose le lui prédire, par une immense majorité, sans distinction de partis. (Marques d'adhésion.)

M. Bastide d'Izar. L'amendement de M. Dulong soulève une question des plus graves. Je réclame quelques instants votre attention; cet amendement tend à établir qu'on n'a rien fait pour les classes pauvres. La réponse qu'a faite l'honorable orateur qui me précède, tend au contraire à établir qu'on a beaucoup fait pour ces mêmes classes. Je viens placer mon opinion entre ces deux assertions; et je prie la Chambre de me permettre quelques réflexions que je crois utiles.

Le gouvernement, sans doute, s'est occupé des classes pauvres; mais ce qui reste à faire pour elles me semble plus important encore que ce qui a été fait. Je crois que, jaloux que nous sommes d'obéir à la Constitution, nous devons demander l'abolition complète de quelques impôts qui sont en contradiction avec son texte.... (Interruption aux centres.)

Voix nombreuses: Parlez ! parlez !

M. Bastide d'Izar. L'article 2 de la Constitution réclame la répartition proportionnelle des impôts. Or, dans les impôts indirects, il en existe peu qui soient soumis à cette condition. Je citerai l'impôt du sel et l'impôt des boissons... (Nouvelle interruption aux centres.) Messieurs, l'opposition se rallie au ministère lorsqu'elle est telle que je la fais en ce moment. Je demande qu'il veuille entrer en explications.

Voix du centre: Vous direz cela au budget!

M. Bastide d'Izar. Nous traiterons la question à fond au budget; mais il faut au moins qu'en ce moment nous puissions faire nos réserves dans l'adresse. (Interruption prolongée.)

M. le Président. J'engage la Chambre à vouloir écouter. (Aux voix! aux voix!) De deux choses l'une: il faut qne la Chambre écoute ou qu'elle ferme la discussion. Si la Chambre veut écouter, je l'engage à faire silence; M. Bastide a la parole.

M. Bastide d'Izar. Je dis qu'il y a inégalité à l'égard de deux impôts, celui du sel et celui des boissons. (Nouveaux bruits... La clôture! la clôture!)

M. Bastide, ne pouvant surmonter les interruptions, quitte la tribune.

(La clôture est mise aux voix et adoptée.) (L'amendement est rejeté.)

M. le Président. Nous allons passer au paragraphe suivant.

M. Gauthier de Rumilly. Avant de voter sur ce paragraphe, je demande à lire un passage de l'adresse de l'année dernière.

Voix diverses: Quel rapport a-t-il avec l'amendement ?

M. Gauthier de Rumilly. Messieurs, per

mettez-moi de vous donner connaissance... (Bruits confus.) Messieurs, voici ce que vous disiez l'année dernière dans l'adresse. Ce paragraphe, si je ne me trompe, avait été proposé par l'honorable M. Jaubert:

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« Dans la sécurité qui calme tous les esprits, « nous pourrons nous livrer à l'amélioration dé "toutes les parties de notre ordre social, à l'allègement des impôts qui pèsent davantage sur «<les classes pauvres et souffrantes: elles retrou« veront, dans le retour de la confiance géné«rale, le travail si nécessaire à leurs besoins, « et la fortune publique elle-même, plus pros« père, pourra enfin leur assurer le bienfait, depuis si longtemps attendu, de l'éducation " primaire gratuite. »

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Nous avons fait, il me semble, un pas rétrograde (Mouvements aux sections intérieures.) lorsque vous avez rejeté l'amendement de M .de Cormenin, qui était exprimé dans les mêmes termes que la fin de ce paragraphe. Tâchons, Messieurs, de ne pas faire un second pas rétrograde en n'insérant pas les expressions relatives à l'allégement des classes pauvres, qui se trouvaient dans l'adresse de l'année dernière.

M. Luminais. Je prie M. le président de donner lecture de mon amendement dans le cas où celui de M. Dulong serait rejeté.

M. le Président donne lecture de l'amendement de M. Luminais; il est ainsi conçu :

« Nous regrettons, Sire, que votre gouvernement ne croie pas pouvoir nous proposer de réductions sur les charges publiques; comme mandataires du peuple, notre devoir est de les réclamer, bien persuadés que l'urgence des circonstances exige impérieusement que les intérêts matériels et populaires soient, dans le cours de cette session, mis en première ligne, comme le moyen le plus certain d'assurer la paix intérieure. Nous ne demanderons pas avec moins d'instance les justes économies que nous avons le droit d'attendre, et nous travaillerons sans relâche, etc. », comme au projet.

M. Luminais a la parole pour développer son

amendement.

M. Luminais. Il n'est pas besoin, je le pense, de longs commentaires pour vous faire sentir l'importance de l'amendement que j'ai l'honneur de vous présenter.

Tous nos efforts doivent tendre vers un but unique, la liberté, et les intérêts matériels des classes indigentes et laborieuses; car il ne faut pas se dissimuler qu'en ce moment, ces deux puissants besoins se font sentir à la fois en France.

Les satisfaire sans briser l'équilibre de la société, tel me paraît être le problème que nous avons à résoudre; si la Révolution a nivelé les rangs, si elle tend à rapprocher de plus en plus toutes les conditions, par le perfectionnement même qu'elle a apporté dans la civilisation et dans l'éducation, elle a dû aussi donner naissance à des besoins moraux, en même temps qu'à des besoins matériels; or, il existe une inégalité de fait qui prend sa source dans les différents degrés d'instruction, dans le genre des occupations qui exercent soit les facultés du corps, soit les facultés de l'esprit.

De là naît chez les uns une sphère d'idées plus étendue, et par conséquent une manière de sentir plus variée: chez les autres, au contraire, la pensée a moins d'action, parce que les besoins sont plus simples et l'intelligence moins exercée;

les uns voient d'un coup d'œil tous les ressorts de la société, son mécanisme, le jeu des diverses institutions politiques; ils peuvent peser la dose de liberté qu'on accorde à chacune des actions de l'homme: pour ceux-là, il leur faut une liberté plus étendue pour satisfaire leurs besoins moraux; les autres n'étendant pas leurs réflexions au delà de ce qui leur manque, ne comprennent la liberté que dans le degré d'aisance dont ils jouissent pour ceux-ci, il leur faut une liberté qui dégage leur travail de toute gêne, de toute charge, une amélioration matérielle dans leur situation: on voit donc, par là, que nous ne pouvons jamais avoir trop de liberté, et que nous ne saurions trop améliorer les intérêts positifs.

Ne devons-nous pas nons étonner, Messieurs, que, prétextant toujours des besoins nouveaux, le ministère veuille ajourner sans cesse l'amélioration de la condition des classes laborieuses et pauvres. La loterie, l'impôt sur le sel, les droits sur le vin existent encore et écrasent la plus grande partie de la population; ils établissent une fâcheuse inégalité entre le riche et le malheureux, en raison inverse des facultés de chacun, ils excitent une irritation générale; de toutes parts s'élève un cri de réprobation, là où nous ne devions entendre, après la Révolution de Juillet, que les acclamations de la reconnaissance. Efforçons-nous enfin de remplir nos promesses; montrons la ferme volonté de réaliser tant d'espérances qui ont été si douloureusement trompées. La Charte ne dit-elle pas que tous les Français contribueront, en raison de leur fortune, aux charges de l'État ? or, quelle proportion, je vous le demande, peut-il exister entre les faibles ressources de ceux qui n'ont pour tout bien que leur travail et les impôts dont ils sont accablés? (Interruption... Marques d'impatience.) Quand on vient défendre les intérêts des classes pauvres, on devrait, ce me semble, être écouté par les mandataires du peuple.

Jusqu'à présent, nous n'avons essayé que la théorie de la liberté; il est temps de la rendre pratique elle n'existe que pour une certaine classe de citoyens, il faut en faire la monnaie si vous voulez que chacun puisse en jouir.

Vous le savez, Messieurs, le pauvre n'apprécie la liberté qu'on lui donne que par le plus ou moins d'argent qui reste dans sa poche. Faites donc que celui qu'il gagne par de si pénibles labeurs puisse lui appartenir.)

Qui oserait assurer que si la diminution de l'impôt du sel eût été opérée d'abord dans les départements de l'Ouest, où elle était si impatiemment attendue, les troubles qui ont désolé ces contrées eussent éclaté? Un des moyens les plus puissants d'en rendre le retour impossible, est de nous occuper sans retard, dans cette session, des intérêts matériels et populaires. (Nouvelle interruption... Plusieurs cris: Aux voix! se font entendre.)

Messieurs, vous m'avez accordé la parole, je veux rester à la tribune, jusqu'à ce que le silence me permette de continuer.

M. le Président. J'invite l'Assemblée à écouter l'orateur.

M. Luminais. En formant le vou, comme notre président, de voir le ministère nous présenter un projet de loi sur l'expropriation forcée en matière d'utilité publique, j'exprimerai aussi celui de lui voir présenter à la Chambre un autre projet de loi sur les moyens de régulariser la législation des terres vaines et vagues et des com

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