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dirait la colline de Bie. Hougue, dans l'ancien langage normand et dans le danois, signifie une hauteur; (1) Hambye, dans le même langage, signifie le hameau de Bie, ham village, hameau, habitation. (2)

Cette histoire, qui est racontée dans les chroniques de Sivrey, a été l'objet de quelques pièces de poésie en langue anglaise, et même un poète de Jersey en a composé une romance française, passablement tournée pour un Jersiais. (3)

HISTOIRE

de l'Archevêque Mauger.

Lorsque Guillaume-le-Bâtard', nommé plus tard Guillaume-le-Conquérant, eut succédé à son père, les membres légitimes de la famille ducale virent avec répugnance cette élévation. De ce nombre était son oncle Mauger, archevêque de Rouen. Aussi, lorsque son neveu eut épousé sa parente Mathilde, fille de Baudouin, comte de Flandre, ce prélat saisit cette occasion de témoigner sa haine, et, conformément à l'usage où était l'église de s'opposer au mariage entre parens, il excommunia le duc et son épouse, qui n'obtinrent qu'avec beaucoup de peine du pape

(1) Chroniques de Jersey, par Sivrey, pages 1 et 2. (2) Dictionnaire celtique de Bullet. Depping sur les invasions des Normands, dans les notes. (3) Chroniques de Sivrey, dans les notes de la ire page..

la permission de rester unis, à condition de fonder les deux monastères des hommes et des femmes à Caen et autres établissemens pieux. De ce moment-là, le duc Guillaume, doué de ce caractère énergique et tenace de tous les grands hommes, chercha à se venger. Il convoqua un concile provincial où Mauger fut destitué de ses fonctions d'archevêque, comme vivant dans l'incontinence et comme délapidateur des biens de l'église; il fut ensuite exilé aux îles du diocèse de Coutances. Ce prélat est un de ces personnages dont il est difficile de bien déterminer le caractère à travers l'ignorance et les préventions des historiens contemporains. Tous lui accordent de grands talens et lui imputent de mauvaises mœurs. Il avait, dit-on, un démon familier avec lequel il s'entretenait et qu'il appelait en criant Thor, Thour, Thouret ou Thoret, car les versions sont diverses. Thor était un des dieux du nord, fils du redoutable Odin. Le prélat chrétien était-il retourné au culte de ses ancêtres, ou n'y avaitil dans ses invocations qu'un charlatanisme propre à intimider les ignorans ? On les entendait converser, disent les auteurs ; mais on n'apercevait pas le dieu ou démon interlocuteur. Relégué aux îles de Jersey et Guernesey, il y continua l'exercice de la magie et ses habitudes libertines. Il avait beaucoup de femmes, surtout une plus chérie, d'une famille Gisles de Guernesey, dont il eut beaucoup d'enfans. L'auteur de l'histoire in-4° de cette dernière ile prétend que les nombreuses famillos de Mauger qui existent dans les îles.

anglaises descendent de cet archevêque, et que les Mauger de la Hague ont la même. origine (1). Que cela soit où ne soit pas, il est bien difficile maintenant d'acquérir la preuve de cette extraction. C'est au surplus à ces familles dont quelques-unes tiennent un rang honorable, à voir s'il leur importe d'ac quérir la preuve d'une généalogie qui les ferait descendre du sang de nos premiers ducs, mais aussi d'un prêtre dont la conduite fut contraire aux devoirs de son état, et ne saurait être excusée, quoique, dans ces temps-là, rien ne fût plus commun que le libertinage des clercs.

Mauger fut visité souvent par l'évêque de Coutances, Geoffroy-de-Montbray, qui essaya vainement de le convertir. Nous ne pouvons nous faire aucune idée de ce qui était dit dans ces conférences, La réputation de Mauger, comme magicien doué de pouvoirs surnaturels, était répandue au loin. Sa mort fut entourée de circonstances merveilleuses. Un jour qu'il se promenait en mer sur les côtes de notre presqu'île avec plusieurs bateliers il s'écria tout-à-coup: « Il m'est révélé qu'un de nous doit périr aujourd'hui, je ne sais pas lequel." La grande chaleur le porta à se dépouiller de ses habits qui restèrent entortillés. autour de ses jambes. Quand il voulut se lever, il fit une chute et tomba dans les flots où il se noya. A la basse mer son cadavre fut retrouvé au milieu des rochers. Il fut transporté et inhumé à Cherbourg. Tels

(1) History of Guernesey, in-40, pages 63 ou 64.

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sont les récits des auteurs contemporains; (r) mais dans notre siècle où l'on est peu disposé à croire à des catastrophes aussi miraculeuses, l'on sera plus porté à supposer un crime, peut-être commandé par un pouvoir jaloux et vindicatif.

Pendant que la Normandie fut gouvernée par ses ducs, les îles dont nous parlons firent constamment partie de leur domaine ducal, et non du royaume d'Angleterre que Guillaume-le-Bâtard sut y ajouter si glorieusement et conserver si tyranniquement. Quand le duc et roi Jean, assassin de son neveu, eut perdu la Normandie par suite de la confiscation qu'en prononça la cour des pairs français, et lorsque notre roi Philippe-Auguste en eut pris la possession, les îles ne furent point envahies comme le surplus du duché, et restant attachées au royaume d'Angleterre, elles n'en ont jamais été demembrées depuis ce temps-là.

Les seigneurs normands, qui possédaient des domaines dans les îles et dans le continent, ne pouvant, d'après le principe du système féodal, servir deux maîtres, furent obligés d'opter. Des seigneurs de Paisnel,, d'Ourville, Pinel, d'Auneville laissèrent confisquer leurs propriétés des, îles soit parce qu'ils les jugèrent moins considérables que

(1) Voir entr'autres le livre de Rou et l'histoire des évêques de Coutances, par le curé Rouault, à l'article Geoffroi-de-Montbray.

les autres, soit parce qu'ils embrassaient franchement le parti du roi de France et de la confiscation de la Normandie. D'un autre côté, la famille de Carteret, attachée au roi d'Angleterre, resta à Jersey et laissa confisquer ses terres du continent, entre autres la seigneurie de Carteret. (1).

Depuis cette époque et pendant les guerres fréquentes entre l'Angleterre et la France, différentes invasions ont eu lieu dans les îles; mais aucune n'a eu de succès durable. Les habitans ont paru à toutes ces époques abhorrer leur réunion à la France, ce qui pourrait avoir été un reste de la vieille antipathie qui avait régné entre les Normands et les Français. Nous n'allons parler que des invasions et tentatives d'invasions, qui ont eu des conséquences, ou qui présentent des circonstances remarquables.

Du temps de Philippe-le-Vallois, lorsque le roi d'Angleterre réclamait à main armée la couronne de France contre le vœu de la loi salique, un descendant des anciens rois celtes ou welches, qui avait régné dans le pays de Galles et résisté si long-temps aux armes, soit des Saxons; soit des Danois, soit des Normands eux-mêmes, ce descendant, dis-je, de la race d'Artur, nommé Ivans après avoir porté les armes dans les armées du roi d'Arragon, offrit ses services au roi de France qui le poussa à la conquête des

(1) History of Guernesey. Chroniques de Jersey, de Sivrey, pages 131 et suivantes,

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