Elle eft plus libre encor que le vaillant Bernois, D'un bout du monde à l'autre elle étend fon empire, Mais leur gouvernement à tant d'autres contraire, ÉPITRE ÉPITRE A MONSIEUR D'ALEMBERT. Esprit jufte & profond, parfait ami, vrai fage, D'Alembert, que dis-tu de mon dernier ouvrage ? Vous donnez carte blanche à tous les écrivains. B Lorfque dans fon grenier certain Larchet réclame (2) Tancrède en vers croifés fait-il bailler Paris? Alors, du plus bean feu vingt poëtes épris, Mais ne pardonnons pas à ces foliculaires, De libelles afreux écrivains téméraires, Aux stances de la Grange, aux couplets de Rouffeau, (6) Il croit deshonorer dans fes obfcurs écrits, Princes, ducs, maréchaux, qui n'en ont rien apris. Des rois & des héros les grands noms foyent vengés Ces ferpens odieux de la litérature, Et fur les dons des dieux porter leurs mains impies, Animaux malfaifans femblables aux harpies, De leurs ongles crochus & de leur foufle afreux Gâtant un bon diner qui n'était pas pour eux. N O T J $ SUR L'ÉPITRE S A MONSIEUR D'ALEMBERT. (1) Ce bon abbé Trublet. Voyez la pièce intitulée le pauvre Diable. (2) Lorfque dans fon grenier certain Larchet reclame. Larchet repétiteur au collège Mazarin; il foutint opiniatrement que dans la grande ville de Babilone toutes les fem B mes & les filles de la cour étaient obligées par la loi de fe proftituer une fois dans leur vie au premier venu pour de l'argent; & cela dans le temple de Vénus, quoique Vénus fût inconnue à Babilone; il trouvait fort mauvais qu'on ne crut pas à cette impertinence, puifqu'Hérodote l'avait dit exprefTément. Le même Larchet difputa fortement fur le grand ferpent Ophionée, fur le bouc de Mendes qui couchait avec des dames hébraïques; il traita notre auteur de vilain athée pour avoir dit que la Providence envoie la pefte & la famine fur la terre; il y a encor dans la pouffière des collèges de ces cuiftres qui femblent être du quinzième fiècle. Notre auteur ne fit que fe moquer de ce Larchet, & il fut fecondé de Paris à qui il le fit connaitre. (3) L'abbé François écrit. Il y a en effet un abbé nommé François, des ouvrages duquel le fleuve Léthé s'eft chargé entiérement. C'eft un pauvre imbécile qui a fait un livre en deux volumes contre les philofophes; livre que perfonne ne connait ni ne connaitra. (4) A Danchet, à Brunet. Danchet eft un de ces poëtes médiocres qu'on ne connait plus. Il a fait quelques tragédies & quelques opera; pour Brunet nous ne favons qui c'eft, à moins que ce ne foit un nommé monfieur le Brun, qui avait fait autrefois une ode pour engager notre auteur à prendre chez lui mademoiselle Corneille. Quelqu'un lui dit méchamment qu'on avait voulu recevoir mademoifelle Corneille, mais point fon ode, qui ne valait rien. Alors Mr. le Brun écrivit contre le même homme auquel il venait de donner tant de louanges. Cela eft dans l'ordre; mais il parait dans l'ordre auffi qu'on fe moque de lui. (5) Crébillon le barbare. Nous ne favons fi par barbare on entend ici la barbarie d'Atrée, ou la barbarie du ftile qu'on a reprochée à Crébillon; c'eft peut-être l'un & l'autre. Mais ce n'eft pas parce qu'Atrée eft trop cruel qu'on ne joue point cette piéce, & qu'elle paffe pour mauvaise chez tous les gens de goût. Car dans Rodogune, Cléopatre eft plus cruelle encor; & cette atrocité même femblerait devoir être plus révoltante dans une femme que dans un homme: cependant, cette fin de la tragédie de Rodogune eft un chef-d'œuvre du théâtre & réuffira toûjours. Nous trouvons dans le mercure de Novembre 1770, page 83 > les réflexions les plus judicieufes qu'on ait encor faites fur Atrée, les voici. En général les vengeances pour être intéreffantes au théatre doivent être promtes, fubites, violentes; il faut toûjours fraper de grands coups fur la fcène. Les horreurs longues & détaillées ne font que rebutantes. Mr. Crébillon |