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Ne va point contrifter les cœurs de gens de bien.
Courage; allons, rends toi; lis le journal chrétien;
Du fier prélat du Puits lis le difcours fublime.
C'eft pour ton mal qui preffe un excellent régime.
Tu peux guérir encor. Oui, Paris dans fes murs
Voit encor grace à Dieu des efprits lourds, obfcurs,
D'argumens rebatus déterminés copistes,

Tout farcis de lambeaux des premiers janfeniftes;

Jette toi dans leurs bras; dévore leurs leçons;

Apren d'eux à donner des mots pour des raifons.

Fai des phrafes, Jeanot; ma douleur t'en conjure. Par ce palliatif adouci ta bleffure.

Ne fois point philofophe.

JEANOT.

Ah! vous percez mon cœur.

Allons, ne voyons goute; & chériffons l'erreur. C'est vous qui le voulez. Mais quel fruit tirerai-je De demeurer un fot au fortir du collège?

LE PERE NICODEM E.

Jeanot, je te promets un bon canonicat.
Et peut-être à ton tour deviendras-tu prélat.

AUX

MANES

DE MONSIEUR

DE GENONVILLE (*),

CONSEILLER AU PARLEMENT,

ET IN TIME AMI DE L'AUTEUR.

Toi, que le ciel jaloux ravit dans fon printems;

Toi, de qui je conferve un fouvenir fidèle,
Vainqueur de la mort & du tems;

Toi dont la perte, après dix ans,

M'eft encor afreufe & nouvelle;

Si tout n'eft pas détruit, fi fur les fombres bords

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Ce foufle fi caché, cette faible étincelle,

Cet efprit, le moteur & l'efclave du corps,

Ce je ne fais quel fens qu'on nomme ame immortelle,
Refte inconnu de nous, eft vivant chez les morts;
S'il eft vrai que tu fois, & fi tu peux m'entendre,
O! mon cher Genonville, avec plaifir reçoi

Ces vers & ces foupirs que je donne à ta cendre,
Monument d'un amour immortel comme toi.
Il te fouvient du tems où l'aimable Égérie,
Dans les beaux jours de notre vie,
Écoutait nos chanfons, partageait nos ardeurs.
Nous nous aimions tous trois. La raifon, la folie,

(*) Cette piéce eft de 1729. Il n'y avait pas tout-à-fait dix ans que monfieur de Genonville était mort.

L'amour, l'enchantement des plus tendres erreurs, Tout reuniffait nos trois cœurs.

Que nous étions heureux! même cette indigence,
Trifte compagne des beaux jours,

Ne put de notre joie empoifonner le cours..
Jeunes, gais, fatisfaits, fans foins, fans prévoyance,
Aux douceurs du prefent bornant tous nos défirs,
Quel befoin avions-nous d'une vaine abondance”
Nous poffédions bien mieux, nous avions les plaifirs.
Ccs plaifirs, ces beaux jours coulés dans la molleffe,
Ces ris, enfans de l'allégreffe,

Sont paffés avec toi dans la nuit du trépas.
Le ciel, en récompenfe, accorde à ta maitresse
Des grandeurs & de la richeffe,..

Apuis de l'âge mûr, éclatant embaras,
Faible foulagement quand on perd fa jeuneffe.
La fortune eft chez elle où fut jadis l'amour.
Les plaifirs ont leur tems, la fageffe a fon tour.
L'amour s'eft envolé fur l'aîle du bel âge;
Mais jamais l'amitié ne fuit du cœur du fage.
Nous chantons quelquefois & tes vers & les miens;
De ton aimable efprit nous célébrons les charmes;
Ton nom fe mêle encor à tous nos entretiens :
Nous lifons tes écrits, nous les baignons de larmes.
Loin de nous à jamais ces mortels endurcis,
Indignes du beau nom, du facré nom d'amis,
Ou toujours remplis d'eux, ou toujours hors d'eux mêmes,
Au monde, à l'inconftance ardens à fe livrer,
Malheureux, dont le cœur ne fait pas comme on aime,
Et qui n'ont point connu la douceur de pleurér.

LA

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D EN N NI
N I S

NIECE DE L'AUTEUR..

VIvons pour nous, ma chère Rofalie;

?

Que l'amitié, que le, fang qui nous lie
Nous tienne lieu du refte des humains;
Ils font fi fots, fi dangereux, fi vains!
Ce tourbillon, qu'on apelle le monde
Eft fi frivole, en tant d'erreurs abonde,
Qu'il n'eft permis d'en aimer le fracas
Qu'à l'étourdi qui ne le connaît pas
Après diné, l'indolente Glycère

Sort pour fortir, fans avoir rien à faire;

On a conduit fon infipidité

Au fond d'un char où montant de côté,

Mélanges. Tome I.

M

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*

Son corps preffé gémit fous les barières

D'un lourd panier qui flote aux deux portières;
Chez fon amie au grand trot elle va,
Monte avec joie, & s'en repent déja,
L'embraffe, & baille; & puis lui dit, madame,
J'aporte ici tout l'ennui de mon ame;
Joignez un peu votre inutilité

A ce fardeau de mon oifiveté.
Si ce ne font fes paroles expreffes,
C'en eft le fens. Quelques feintes careffes,
Quelques propos fur le jeu, fur le tems,
Sur un fermon, fur le prix des rubans,
Ont épuifé leurs ames excédées;
Elles chantaient déja faute d'idées.
Dans le néant leur coeur.eft abforbé,

Quand dans la chambre entre monfieur l'abbé,
Fade plaifant, galant, efcroc, & prêtre,
Et du logis pour quelques mois le maître.
Vient à la pifte un fat en manteau noir
Qui fe rengorge & fe lorgne au miroir.
Nos deux pédans font tous deux fürs de plaire.
Un oficier arive & les fait taire,

Prend la parole, & conte longuement

Ce qu'à Plaifance (*) eut fait fon régiment,
Si par malheur on n'eut pas fait retraite.

Il vous le mène au col de la Boquette,

(*) Il paraît que cette petite piéce fut faite immédiatement après la guerre de 1741, guerre funefte, entreprise pour dépouiller l'héritière de la maifon d'Autriche de la fucceffion paternelle.

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