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Au jour nommé viennent d'un vol rapide Tous nos Français que la nouveauté guide; Un peuple immenfe inonde le parvis.

Le temple s'ouvre, on vit d'abord paraître
Deux courtifans par l'intérêt unis;

Par l'amitié tous deux ils croyaient l'être.
Vint un courier qui dit, qu'auprès du maître
Vaquait alors un beau pofte d'honneur,
Un noble emploi de valet grand-seigneur.
Nos deux amis poliment fe quitèrent,
Déeffe, & prix, & temple abandonnèrent,
Chacun des deux en fon ame jurant
D'anéantir fon très-cher concurent.

Quatre dévots, à la mine difcrète,
Dos en arcade, & miffel à la main,
Unis en DIEU de charité parfaite,
Et tout brûlans de l'amour du prochain,
Pfalmodiaient & baillaient en chemin.
L'un riche abbé, prélat à l'œil lubrique,
Au menton triple, au col apoplectique,
Porc engraiffé des dixmes de Sion,
Opreffé fut d'une indigeftion.

On confeffa mon vieux ladre au plus vite;
D'huile il fut oint, afpergé d'eau bénite,
Dûment lefté par le curé du lieu,
Pour fon voyage au pays du B ON DIEU.
Ses trois amis gaîment lui marmotèrent
Un Oremus, en leur cœur convoitèrent
Son bénéfice, & vers la cour trotèrent.
Puis chacun d'eux, dévotement rival,

En fe jurant fraternité fincère,

Les yeux baiffés, va chez le cardinal (*)
De janfénifme accufer fon confrère.

Gais & brillans après un long repas,

Deux jeunes gens fe tenant fous les bras,
Lifant tout haut des lettres de leurs belles,
D'un air galant leur figure étalaient,
Et détonnant quelques chanfons nouvelles,
Ainfi qu'au bal à l'autel ils allaient.
Nos étourdis pour rien s'y querellèrent,
De l'amitié l'autel enfanglantèrent :
Et le moins fou laiffa, tout éperdu,
Son tendre ami fur la place étendu.

Plus loin venaient, d'un air de complaifance,
Life & Chloé, qui dès leur tendre enfance
Se confiaient leurs plaifirs, leurs humeurs,
Et tous ces riens qui rempliffent leurs cœurs,
Se careffant, fe parlant fans rien dire
Et fans fujet toujours prêtes à rire.
Mais toutes deux avaient le même amant:
A fon nom feul, o merveille foudaine!
Life & Chloé prirent tout doucement
Le grand chemin du temple de la haine.
Enfin Zayre y parut à fon tour
Avec ces yeux où languit la molleffe,
Où le plaifir brille avec la tendreffe.
Ah! que d'ennui, dit-elle, en ce féjour!
Que fait ici cette trifte déeffe?

Tout y languit je n'y vois point l'amour.

(*) Le cardinal de Fleuri.

Elle fortit, vingt rivaux la fuivirent;

Sur le chemin vingt beautés en gémirent.
DIEU fait alors où ma Zayre alla;
De l'amitié le prix fut laiffé là;
Et la déeffe en tout lieu célébrée,
Jamais connue & toujours défirée,
Gela de froid fur fes facrés autels.
J'en fuis fâché pour les pauvres mortels..

ENVO I.

Mon cœur, ami charmant & fage,

Au vôtre n'était point lié,
Lorfque j'ai dit qu'à l'amitié
Nul mortel ne rendait hommage.
Elle a maintenant à fa cour

Deux cœurs dignes du premier âge.
Hélas! le véritable amour

En a-t-il beaucoup davantage?

DE L'USAGE.

JD E LA SCIENCE DANS LES PRINCES (*).

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DEPUIS ROI DE PRUSSE.

PRince, il eft pen de rois que les mufes inftruifent,

Peu favent éclairer les peuples qu'ils conduifent.
Le fang des Antonins fur la terre eft tari;
Car depuis ce héros à Rome fi chéri,

Ce philofophe roi, ce divin Marc-Aurèle,
Des princes, des guerriers, des favans le modèle
Quel roi fous un tel joug ofant fe captiver,

1

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Deux ou trois tout au plus, prodiges dans l'hiftoire.
Du nom de philofophe ont mérité la gloire;
Le refte eft à vos yeux le vulgaire des rois,
Efclaves des plaifirs, fiers opreffeurs des loix,

(*) Cette piéce eft de 1738.1

Fardeaux de la nature, ou fléaux de la terre,
Endormis fur le trône, ou lançant le tonnerre.

Le monde aux pieds des rois les voit fous un faux jour;
Qui fait régner fait tout, fi l'on en croit la cour.
Mais quel eft en éfet ce grand art politique,
Ce talent fi vanté dans un roi defpotique?
Tranquile fur le trône il parle, on obéit;
S'il fourit, tout eft gai; s'il eft trifte, on frémit.
Quoi régir d'un coup d'oeil unc foule fervile,
Eft-ce un poids fi pefant, un art fi dificile?
Non mais fouler aux pieds la coupe de l'erreur
Dont veut vous enyvrer un ennemi flateur
Des prélats courtifans confondre l'artifice',
Aux organes des loix enfeigner la juftice,
Du féjour doctoral chaffant l'abfurdité,
Dans fon fein ténébreux placer la vérité ;
Éclairet le favant; & foutenir le fage;
Voilà ce que j'admire, & c'eft-là votre ouvrage.
L'ignorance en un mot flétrit toute grandeur.

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Du dernier roi d'Efpagne un grave (*) ambassadeur De deux favans anglais reçut une prière qui Ils voulaient dans l'école aportant la lumière, De l'air qu'un long cryftal enferme en fa hauteur Aller au haut d'un mont marquer la pefanteur. Il pouvait les aider dans ce favánt voyage; Il les prit pour des fous lui feul était peu fage. Que dirai-je d'un pape" & de fept cardinaux, D'un zèle apoftolique uniffant les travaux,"

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(*) Cette avanture fe paffa à Londres la première année

du règne de Charles II roi d'Espagne.

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